3  -  Dépistages systématiques

3 . 1  -  Dépistage sanguin (« Guthrie »)

3 . 1 . 1  -  Généralités


Le programme national de dépistage néonatal répond aux critères OMS (Organisation mondiale de la santé) du dépistage :

  • problème de santé publique, maladie fréquente et/ou grave ;
  • physiopathologie connue, évolution grave en l’absence de traitement précoce ;
  • test fiable et reproductible, peu coûteux, acceptable par la population.

Le dépistage néonatal est réalisé de manière systématique à 72 heures de vie, en général avant la sortie de la maternité. Le prélèvement consiste à déposer sur un papier buvard nominatif 8 à 10 gouttes de sang (ponction veineuse de préférence, ou au niveau du talon).

Anciennement appelé « Guthrie » (1er test dépistant uniquement la phénylcétonurie), il concerne aujourd’hui jusqu’à six maladies et est intégralement financé par l’Assurance maladie.

Une information claire et compréhensible doit être donnée aux parents. Elle doit exposer les maladies dépistées de manière positive et non inquiétante, en insistant avant tout sur le bénéfice permis par un dépistage précoce. Le consentement écrit des parents est sollicité avant le prélèvement. Le dépistage de la mucoviscidose requiert en effet, si le taux de trypsine immunoréactive est élevé, une étude génétique à la recherche de mutations du gène CFTR.

Les parents ne sont avertis qu’en cas de résultat anormal, nécessitant alors un test de contrôle et éventuellement une confirmation diagnostique par des examens orientés. L’annonce d’une suspicion diagnostique doit se faire avec autant de précautions que celui d’une maladie grave confirmée.

3 . 1 . 2  -  Maladies dépistées


Phénylcétonurie


Elle concerne 1/16 000 nouveau-nés en France.

C’est une maladie génétique autosomique récessive, liée à un déficit en phénylalanine-hydroxylase, enzyme permettant la transformation de la phénylalanine en tyrosine.

Cette affection est responsable, en l’absence de traitement, d’un retard psychomoteur sévère.

Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la phénylalanine, suspect si élevé (augmentation non spécifique).

La prise en charge repose sur la prescription d’un régime alimentaire spécifique, permettant un apport quotidien suffisant mais non excessif en phénylalanine (200 mg/j), pendant 8 à 10 ans au moins, avec reprise nécessaire en période périconceptionnelle chez la jeune femme.

Hypothyroïdie congénitale

Elle concerne 1/3 500 nouveau-nés en France.

C’est une maladie liée à une sécrétion insuffisante de L-thyroxine par la thyroïde, soit par dysgénésie thyroïdienne (athyréose, ectopie, hypoplasie ; l’ectopie est la dysgénésie thyroïdienne la plus fréquente), soit par trouble de l’hormonogenèse thyroïdienne (hypothyroïdies avec glandes en place).

Cette affection est responsable, en l’absence de traitement, d’un retard psychomoteur important et d’une ostéodystrophie avec retard de croissance et nanisme sévère. Les signes cliniques pouvant être observés en période néonatale sont un ictère prolongé, une constipation, une hypotonie, une difficulté à la succion, des fontanelles larges (en particulier la postérieure), une hypothermie, une macroglossie.

Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la TSH, suspect si élevé. Un bilan biologique (T4L et TSH), une échographie et une scintigraphie de la thyroïde permettent de compléter l’enquête en cas de TSH élevée. Les hypothyroïdies d’origine centrale (TSH basse et T4lL basse) ne sont donc pas dépistées.

La prise en charge repose sur la prescription quotidienne substitutive à vie de L-thyroxine qui doit être débutée le plus tôt possible après le dépistage (la TSH doit être normalisée en quelques semaines).

Le suivi est ensuite assuré très régulièrement la première année de vie puis tout au long de la croissance.

Hyperplasie congénitale des surrénales

Elle concerne 1/17 000 nouveau-nés en France.

C’est une maladie génétique autosomique récessive, liée dans sa forme la plus fréquente (95 % des cas) à un déficit enzymatique en 21β-hydroxylase, à l’origine d’un défaut de synthèse de cortisol et d’aldostérone, et indirectement d’une production exagérée de testostérone (voir chapitre 60).

En période néonatale, elle revêt le tableau d’un syndrome de perte de sel avec vomissements, déshydratation et troubles métaboliques (hyponatrémie, hyperkaliémie, acidose). Chez les filles, la production excessive de testostérone se manifeste par une virilisation des organes génitaux externes visible dès la naissance (hyperplasie du clitoris, fusion des grandes lèvres). Chez les garçons, le diagnostic est fait généralement grâce au dépistage. Plus tard, sous l’action de l’excès de testostérone, la croissance osseuse est accélérée, conduisant à une taille élevée au cours de l’enfance mais petite à l’âge adulte.

Le marqueur utilisé pour le dépistage est le dosage sanguin de la 17-OH progestérone, suspect si élevé.

La prise en charge repose sur la prescription quotidienne à vie d’hydrocortisone (glucocorticoïde) et de fludrocortisone (minéralo-corticoïde), à visée à la fois substitutive et pour freiner la production excessive de testostérone.

Une éducation thérapeutique concernant la maladie, le traitement et son adaptation en fonction d’événements spécifiques (stress, infection, intervention chirurgicale) est essentielle.

Mucoviscidose


Elle concerne 1/3 500 nouveau-nés en France.

C’est une maladie génétique autosomique récessive, liée à une anomalie de la protéine CFTR, responsable d’une viscosité excessive des sécrétions muqueuses.

La mucoviscidose peut être symptomatique dès la naissance (iléus méconial). Les manifestations respiratoires (bronchite chronique) et digestives liées à l’insuffisance pancréatique externe (diarrhée chronique, retard staturo-pondéral, dénutrition) sont plus tardives.

Le marqueur utilisé pour le dépistage néonatal est le dosage sanguin de la trypsine (TIR [trypsine immunoréactive]), suspect si ≥ 65 mg/L. En cas d’hypertrypsinémie, une analyse génétique est effectuée (consentement écrit des parents indispensable), à la recherche des mutations les plus fréquentes (notamment F508del).

La prise en charge est multidisciplinaire (voir chapitre 39). Un conseil génétique est indispensable en cas de confirmation diagnostique.

Drépanocytose

Seule une population ciblée est concernée par ce dépistage, lorsque les parents sont originaires de pays considérés comme à risque (Afrique avant tout subsaharienne, Antilles, Guyane, Réunion, bassin méditerranéen).

C’est une maladie génétique autosomique récessive, liée à une anomalie de structure de la chaîne β de l’hémoglobine (alors dénommée HbS), responsable d’une déformation en faucille des globules rouges, entraînant une obstruction des microvaisseaux et une hémolyse.

Le syndrome drépanocytaire majeur regroupe 3 types de manifestations : anémie hémolytique chronique, phénomènes vaso-occlusifs, susceptibilité aux infections.

Le marqueur utilisé pour le dépistage est l’électrophorèse de l’hémoglobine S, permettant la mise en évidence d’une bande spécifique HbS et l’absence d’une bande HbA.

La prise en charge est multidisciplinaire (voir chapitre 42). Un conseil génétique est indispensable en cas de confirmation diagnostique.

Déficit en MCAD

Il concerne 1/15 000 nouveau-nés en France.

Le déficit en MCAD (acyl-coenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne) est l’anomalie la plus fréquente de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras, processus biochimique indispensable pour le métabolisme énergétique de l’organisme. Il s’agit d’une maladie autosomique récessive liée à des mutations du gène ACADM.

Elle se traduit par un défaut d’utilisation des acides gras responsable d’une hypoglycémie de jeûne dès que la néoglucogenèse est insuffisante pour couvrir les besoins énergétiques. Il s’agit d’une maladie potentiellement grave, qui se manifeste par des malaises hypoglycémiques hypocétosiques et qui comprend un risque de mort subite par trouble du rythme cardiaque et un risque de séquelles neurologiques sévères.

Le dépistage repose sur la mesure de l’octanoyl-carnitine (C8) par spectrométrie de masse. Sa mise en place est en cours, depuis la recommandation de la HAS en 2011.

3 . 2  -  Autres dépistages


Les autres dépistages sont détaillés dans le chapitre 6.

La recherche d’une luxation congénitale de hanche est systématique à chaque examen.

Les otoémissions acoustiques permettent le dépistage de la surdité congénitale. Elles sont effectuées à partir de J3, idéalement avant la sortie de maternité.

La recherche d’anomalies de l’examen visuel est aussi un impératif de dépistage nécessaire dès cet âge.

Maladies du programme national de dépistage néonatal :

• papier buvard : phénylcétonurie, hypothyroïdie, hyperplasie congénitale des surrénales, mucoviscidose (si + : recherche de mutations génétiques, avec accord écrit parental), drépanocytose (si population à risque), déficit en MCAD (en cours de mise en place) ;
• autres dépistages : LCH, otoémissions acoustiques (surdité congénitale), examen visuel.

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