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Macroangiopathie
L’atteinte vasculaire concerne également les artères musculaires, de calibre > 200 microns. Elle est qualifiée de macroangiopathie et se distingue dans le diabète par sa précocité (athérosclérose accélérée), sa plus grande fréquence et sa sévérité (par exemple, les infarctus du myocarde sont plus souvent mortels). De plus, la paroi artérielle subit un vieillissement accéléré, avec calcification diffuse de la média (médiacalcose). À la radiographie standard, les artères sont alors visibles spontanément, en rail.
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Épidémiologie
La prévention cardiovasculaire est le problème majeur des diabétiques de type 2 : trois quarts d’entre eux mourront d’une cause cardiovasculaire, la moitié d’un infarctus du myocarde. Le risque cardiovasculaire est multiplié par 2 à 3 par le diabète, indépendamment des autres facteurs de risque fréquemment associés comme l’HTA. Chez la femme, il est multiplié par 4 à 5. En effet, le diabète réduit considérablement le bénéfice du genre féminin face au risque cardiovasculaire.
Le sur-risque associé au diabète varie selon le lit artériel :
- risque coronarien multiplié par 2 à 4 ;
- risque d’accident vasculaire ischémique multiplié par 1,5 à 2 ;
- risque d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs multiplié par 5 à 10.
La mortalité des AVC et des infarctus du myocarde est supérieure dans le diabète (risque de décès multiplié par 2 environ).
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Physiopathologie
Les processus de l’athérosclérose, détaillés dans le chapitre 9 : « Facteurs de risque cardiovasculaire et prévention », sont potentialisés par l’hyperglycémie qui entraîne une souffrance endothéliale liée à l’afflux de substrats glucidiques dans la cellule et au stress oxydant généré (cf. supra)
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Dépistage et évaluation du risque
Le risque est évalué selon une approche globale, comme détaillé précédemment (cf. chapitre 9) ou dans les recommandations de la HAS. On évalue ainsi le risque de décès cardiovasculaire à 10 ans. Un risque supérieur à 1 %/an, ou de 10 % sur les 10 ans, est généralement retenu comme élevé (ou un risque supérieur à 20 % de faire un événement coronarien dans les 10 ans). Un moteur de calcul du risque spécifique du diabète de type 2 a été élaboré à partir de l’étude UKPDS. D’autres moteurs sont disponibles, comme le programme européen SCORE. Le risque obtenu est alors à multiplier par 2 à 4, puisqu’il ne tient pas compte de la présence du diabète.
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1re étape : identifier les facteurs de risque
a. Facteurs de risque cardiovasculaire
Voici la liste des éléments d’estimation du risque cardiovasculaire global, qui permettent de calculer l’objectif du LDLc :
- l’âge (> 50 ans chez l’homme et > 60 ans chez la femme) ;
- la durée du diabète : au-delà de 10 ans, le sur-risque s’accroît et ce de façon très marquée si le diabète a été mal contrôlé (révélé alors par la présence de la rétinopathie) ;
- les antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce : infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père ou chez un parent du 1erdegré de sexe masculin ; infarctus du myocarde ou mort subite avant 65 ans chez la mère ou chez un parent du 1erdegré de sexe féminin ;
- les antécédents familiaux d’AVC constitué précoce (< 45 ans) ;
- le tabagisme (tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans) ;
- l’HTA permanente, traitée ou non ;
- un taux de HDLc < 0,4 g/L quel que soit le sexe ;
- un taux de LDLc > 1,60 g/L (soit 4,1 mmol/L) ;
- une microalbuminurie > 30 mg/24 h (double signification de la microalbuminurie : rénale et cardiovasculaire).
À l’inverse, une concentration de HDL > 0,6 g/L retire un facteur de risque dans l’équation.
b. Autres facteurs à prendre en compte (mais qui n’entrent pas dans le calcul du LDLc)
Il s’agit des facteurs suivants :
- l’obésité abdominale (périmètre abdominal > 102 cm chez l’homme, et 88 cm chez la femme), ou l’obésité (IMC > 30 kg/m2) ;
- la sédentarité (absence d’activité physique régulière : soit environ 30 minutes, 3 fois par semaine) ;
- la consommation excessive d’alcool (plus de 3 verres de vin/jour chez l’homme, et 2 verres/jour chez la femme) ;
- les aspects psychosociaux (activité professionnelle, problèmes psychologiques, psychosociaux, troubles de l’alimentation, dynamique familiale, facilité d’adaptation, éducation, emploi).
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2e étape : mettre en évidence une atteinte artérielle patente
a. Coronaropathie
Mise en évidence par un ECG de repos annuel systématique.
Réalisation d’une scintigraphie myocardique couplée à une épreuve d’effort, voire à une coronarograpie d’emblée si les signes cliniques ou l’ECG sont évocateurs (se référer au cardiologue).
Recherche ciblée vis-à-vis des patients à risque élevé d’une ischémie myocardique silencieuse par une épreuve d’effort, si un effort d’intensité élevée et amenant à la fréquence cardiaque maximale théorique est possible, sinon on effectue une épreuve d’effort couplée à la scintigraphie myocardique (se référer au consensus ALFEDIAM/ SFC[
(cf. note : 4)
]).
b. Atteinte carotidienne
Auscultation des carotides à chaque consultation.
Effectuer une échographie doppler des carotides (±angio-IRM si anomalie auscultatoire) en cas de symptomatologie évocatrice d’AIT à l’interrogatoire. Pour certains, elle sera systématique tous les 2 à 3 ans si le risque cardiovasculaire est élevé (en particulier si une HTA est associée). Dans ce cas, il semble utile de disposer d’une mesure de l’épaisseur intima-média, dont il est démontré qu’elle apporte un éclairage valide sur l’état des autres artères périphériques, et notamment des artères coronaires.
c. Artériopathie des membres inférieurs
On effectuera les examens suivants :
- inspection soigneuse des pieds ;
- recherche des pouls, auscultation des trajets artériels à chaque consultation ;
- recherche d’une symptomatologie de claudication ;
- mesure de l’indice de pression systolique (IPS) cheville/bras : c’est le rapport entre la pression artérielle systolique mesurée au bras et celle mesurée à la cheville (avec une sonde doppler pour mesurer la pression occlusive, ou plus simplement avec un appareil de mesure automatique de la pression artérielle), chez un patient en décubitus parfait ; une valeur supérieure à 0,9 est rassurante, inférieure à 0,7 elle oriente vers une artériopathie, intermédiaire de l’artériopathie probable. Des valeurs supérieures à 1,1 évoquent une rigidité artérielle excessive aux membres inférieurs (médiacalcose) et ne permettent pas de conclure sur la présence ou non de sténoses ;
- recherche de claudication ou de plaie des pieds, IPS abaissé, échographie doppler des artères des membres inférieurs (à partir de l’aorte abdominale) ;
- angio-IRM ou artériographie ne seront demandées que si une revascularisation est envisagée.
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Diagnostic et présentation clinique
On se reportera aux questions 131, 132 et 133 des ECN. Quelques spécificités liées au diabète peuvent être retenues.
On notera une grande fréquence de l’ischémie myocardique silencieuse (multipliée par 3 par rapport au non-diabétique), ce qui signifie que le myocarde peut souffrir d’une perfusion insuffisante, sans qu’une douleur de type angineux (c’est-à-dire constrictive) ne soit présente. Cela a deux traductions :
- un infarctus peut être classiquement douloureux, mais il faut aussi y penser systématiquement devant la survenue soudaine de symptômes par ailleurs inexpliqués :
- troubles digestifs et parfois douleurs épigastriques,
- asthénie en particulier à l’effort,
- troubles du rythme cardiaque, embolie,
- et parfois simple déséquilibre inexpliqué du diabète,
- ou baisse de la pression artérielle ;
- le dépistage de cette ischémie silencieuse est systématique chez les sujets à risque cardiovasculaire élevé.
Certaines situations sont à risque vasculaire extrême, telles que :
- le diabétique de type 1 ou 2 avec une microangiopathie sévère, dont une glomérulopathie avec protéinurie > 1 g/L ;
- le diabétique ayant déjà une atteinte vasculaire : davantage encore que chez le non-diabétique, l’athérosclérose est une maladie systémique ; autrement dit, un souffle fémoral fera aussi rechercher une atteinte coronarienne ou carotidienne, par exemple.
On notera également une autre spécificité : l’artériopathie des membres inférieurs chez le diabétique. Outre l’association fréquente à une neuropathie responsable du caractère indolore de l’ischémie, l’artérite des membres inférieurs du diabétique est caractérisée par sa topographie :
- 1 fois sur 3 elle est proximale, bien corrélée aux facteurs de risque classiques (HTA, hyperlipidémie, tabagisme) ;
- 1 fois sur 3 elle est distale, siégeant en dessous du genou, bien corrélée à l’équilibre glycémique et à la durée du diabète ;
- et 1 fois sur 3 elle est globale, proximale et distale.
Par chance, même lorsqu’elle est distale, une artère au-dessous de la cheville reste le plus souvent perméable. La palpation d’un pouls pédieux n’élimine donc en rien l’existence d’une artérite sévère des axes jambiers sous-jacents, mais il est sûrement un des meilleurs arguments pronostiques de l’artérite diabétique. En effet, cette persistance permet de réaliser des pontages distaux (utilisant la veine saphène interne dévalvulée in situ, ou inversée) dans le cadre d’un sauvetage de membre nécessité par une gangrène du pied. La gangrène, même limitée, n’est jamais secondaire à une microangiopathie diabétique ; elle témoigne toujours d’une atteinte des artères musculaires, même s’il s’agit d’artères de petit calibre, et elle doit donc bénéficier, à chaque fois que cela est possible, d’une revascularisation. Un geste d’amputation a minima, réalisé sans exploration vasculaire, risque de ne jamais cicatriser et d’entraîner une aggravation secondaire de l’ischémie avec amputation majeure.
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Traitement
La prévention est essentielle, primaire ou secondaire. Les stratégies de revascularisation sont similaires à celles des non-diabétiques, avec quelques spécificités pour l’atteinte coronaire :
- étant donné le risque accru chez le diabétique de resténose, la pose de stents, si possible actifs (stents couverts), est la règle ;
- atteinte tritronculaire : chirurgie (pontage aortocoronarien) plutôt qu’angioplastie percutanée.
1. Contrôle glycémique
L’association entre contrôle glycémique et risque de macroangiopathie est nette, mais on peine à identifier un seuil d’HbA1c en dessous duquel le risque est réduit à celui des non-diabétiques. On a longtemps pensé que viser le meilleur contrôle glycémique était bénéfique pour le patient. Les études récentes, ACCORD, ADVANCE et VADT, suggèrent qu’en dessous de 7 % d’HbA1c moyenne sur le long terme, le bénéfice est faible, cependant que le risque thérapeutique (hypoglycémies, iatrogénie) devient significatif. Ainsi, si un objectif de 6,5 % est souhaitable pour un patient jeune et en prévention primaire, 7 % paraît plus raisonnable chez des patients plus âgés ou à plus fort risque.
Rappelons que la metformine est de prescription systématique chez le diabétique de type 2 en surpoids, ce qui est généralement le cas. C’est sans doute encore plus vrai chez le diabétique coronarien +++.
En phase aiguë (syndrome coronarien aigu, mais peut-être aussi AVC ischémique), le contrôle glycémique le plus proche de la normale semble être un élément pronostique important ; or la crainte phobique de l’hypoglycémie fait souvent laisser les patients en hyperglycémie marquée, alors que le risque d’hypoglycémie est très limité par la simple surveillance rapprochée des glycémies capillaires.
2. Activité physique
Elle est systématiquement recommandée, à un niveau adapté au patient. Typiquement, elle est réintroduite dans un mode de vie qui l’avait exclue, au rythme d’une activité de type marche soutenue (mettre des chaussures souples, sortir pour marcher, pas pour faire les courses par exemple, il faut avoir le sentiment de se dépenser) d’une demi-heure, trois fois par semaine au minimum.
Sa reprise est l’occasion de s’interroger sur le risque de coronaropathie latente et de pratiquer un test d’effort, couplé ou non à une scintigraphie myocardique.
Par ailleurs, les recommandations ci-dessous ont été publiées par l’HAS en 2006 pour le diabète de type 2.
3. Contrôle lipidique (+++)
En référence aux recommandations de l’ANAES[ (cf. note : 5) ], voici les objectifs de concentration du LDL-cholestérol :
- < 1,9 g/L est réservé au petit nombre de patients sans autre facteur de risque additionnel, dépourvus de microangiopathie (sans signe de rétinopathie et sans microalbuminurie) et dont le diabète évolue depuis moins de 5 ans ;
- < 1,6 g/L chez les autres patients présentant au plus un facteur de risque additionnel ;
- < 1,3 g/L chez les patients présentant au moins deux facteurs de risque additionnels à un diabète évoluant depuis moins de 10 ans ;
- < 1 g/L chez les patients en prévention secondaire ou à risque équivalent : patients ayant une atteinte rénale (albuminurie > 300 mg/24 h ou débit de filtration glomérulaire estimé par la formule de Cockroft-Gault < 60 mL/min) ou patients ayant un diabète évoluant depuis plus de 10 ans et au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire ; patients ayant un risque supérieur à 20 % de faire un événement coronarien dans les 10 ans (risque calculé à partir d’une équation de risque).
Afin d’atteindre ces objectifs, il est recommandé d’intensifier le traitement du diabète, de recourir à un régime restreint en graisses d’origine animale et, si nécessaire, de prescrire un hypolipidémiant (statine).
Parmi les statines, le plus haut niveau de preuve a été obtenu pour la simvastatine à 40 mg/j, la pravastatine à 40 mg/j et l’atorvastatine à 10 mg/j. Les statines doivent être prises le soir (meilleure efficacité).
L’objectif d’hypertriglycéridémie exclusive est : LDLc < 1 g/L, TG > 2 g/L et HDLc < 0,4 g/L, ou hypertriglycéridémie importante (TG > 4 g/L).
Il est recommandé d’intensifier le traitement du diabète, de recourir à un régime restreint en graisses d’origine animale, de proscrire l’alcool et, si nécessaire, de prescrire un hypolipidémiant (l’utilisation d’un fibrate apparaît rationnelle).
4. Contrôle de la pression artérielle
Les objectifs tensionnels sont : PA < 130/80 mmHg (à adapter suivant les patients, suivant le risque d’hypotension orthostatique chez la personne âgée, chez les personnes atteintes de neuropathie cardiaque autonome et suivant les traitements associés).
Application de mesures hygiénodiététiques et association à un antihypertenseur en cas d’échec (cinq classes : bêtabloquant cardiosélectif, diurétique thiazidique, IEC, ARAII, inhibiteur calcique). Après échec de la monothérapie, proposer la bithérapie puis la trithérapie.
5. Prévention du risque thrombotique
L’administration de faibles doses d’aspirine (75 à 150 mg) est recommandée chez le diabétique ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire associé.
6. Contrôle du poids
Les objectifs sont : IMC < 25 kg/m2; tour de taille optimal < 94 cm (chez l’homme), et < 80 cm (chez la femme).
L’application de mesures hygiénodiététiques est systématique.
Le recours aux traitements pharmacologiques, de type orlistat et sibutramine, reste optionnel.
7. Sevrage tabagique
Arrêt du tabac, associé si besoin à un accompagnement du sevrage tabagique.
En première intention, chez les patients dépendants : substituts nicotiniques (patch, gomme, pastille, inhaleur).
En deuxième intention : bupropion.
Une prise en charge spécialisée est recommandée chez les personnes fortement dépendantes ou souffrant de coaddictions multiples ou présentant un terrain anxiodépressif.
Il est nécessaire d’anticiper les risques de déséquilibre du diabète par la polyphagie réactionnelle et la modification transitoire de la sensibilité à l’insuline.
Notes
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4 :
http://www.alfediam.org/media/pdf/ischemie_silencieuse.pdf.
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5 :
http://www.has-sante.fr.
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