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Diagnostic, présentation clinique (+++)
Plusieurs présentations sont possibles et peuvent coexister. Quoi qu’il en soit, la neuropathie débutante est souvent silencieuse, et doit être recherchée activement. En particulier, l’examen des pieds est aussi important et systématique en consultation de diabétologie que l’auscultation cardiaque en cardiologie (+++).
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Neuropathie sensorimotrice
Les fibres les plus longues sont altérées les premières : les symptômes ont une topographie « en chaussettes et en gants ». Beaucoup plus rarement, des douleurs abdominales « en bande » sont possibles. Elles sont alors de diagnostic difficile et peuvent faussement orienter vers un abdomen chirurgical.
Il existe deux types de fibres :
- les fibres les plus petites concernent les sensations thermiques, algiques et du toucher fin (tact épicritique) ;
- les fibres les plus grosses concernent les sensations de position des articulations (proprioception), la sensibilité vibratoire et éventuellement la force motrice.
L’examen clef du diagnostic est l’examen clinique ; l’électromyogramme (EMG) est inutile le plus souvent, mais pourra être prescrit lorsqu’il existe un doute quant à l’étiologie des signes neurologiques.
a. Polynévrite symétrique distale
Cette forme de neuropathie diabétique, la plus fréquente, concerne plus de 40 % des diabétiques de plus de 25 ans d’évolution. Elle est chronique et progressive ; la régression est rare, même après normalisation glycémique prolongée. Elle se manifeste par :
- des paresthésies distales, initialement orteils et plantes des pieds, puis plus proximales (fourmillements, sensation de cuisson, de peau cartonnée, de douleurs « électriques », de crampes) ;
- parfois des douleurs, pouvant être atroces, sensation d’« arc électrique », sensation d’écrasement, de brûlure ;
- une hypoesthésie, qui se manifeste quand une plaie reste indolore, ou lorsque des cors volumineux sont parfaitement tolérés ;
- des réflexes achilléens abolis, ainsi que les rotuliens ;
- tardivement, par des déformations de la voûte plantaire, des orteils, le maintien de positions vicieuses, l’acquisition de points d’appui anormaux. La forme caricaturale est rare et tardive : le pied « cubique » de Charcot, où le pied a acquis une forme quasi parallépipédique, avec un aspect radiologique du tarse impressionnant de déminéralisation et d’impactions des articulations, pouvant en imposer pour une ostéite étendue.
Les autres formes sont plus rares (5 à 15 %). Leur début est brutal, faisant suspecter une pathologie ischémique, mais parfois il s’agit seulement de la compression radiculaire ou tronculaire d’un nerf « fragilisé par le diabète ». Ces mononeuropathies se traduisent essentiellement par des signes moteurs déficitaires, des douleurs évocatrices par leur exacerbation nocturne.
b. Polynévrite asymétrique proximale ou amyotrophie diabétique
Il s’agit d’une forme beaucoup plus rare, dont la présentation caractéristique est celle d’une radiculopathie touchant L2, L3 et parfois L4, avec une cruralgie suivie d’une fatigabilité douloureuse proximale, stable pendant des mois. Il s’agirait peut-être d’une forme intermédiaire entre la polynévrite diabétique et une vascularite, impressionnante par l’amyotrophie et la cachexie associées.
c. Polyradiculopathie thoracique
Rare, elle se présente comme des douleurs abdominales correspondant à un ou plusieurs niveaux entre D4 et D12, faisant longtemps errer le diagnostic vers une étiologie gastro-intestinale, hépatique, etc.
d. Mononévrite et multinévrites
La mononévrite représente 5 à 10 % des neuropathies sensorimotrices. Manifestée sur un mode aigu, elle est asymétrique par définition. Aucun nerf n’est théoriquement épargné (bien moins fréquent que la polynévrite), mais les situations rencontrées généralement sont les paralysies des nerfs crâniens, notamment la paralysie du VI, voire du III, du IV ou du facial, d’un côté.
Les membres supérieurs sont moins souvent touchés. Il s’agit alors souvent d’une neuropathie compressive, telle une compression du médian dans le canal carpien. Le syndrome du canal carpien est le plus souvent bilatéral, même s’il est asymétrique, comme dans le cadre de l’hypothyroïdie et de l’acromégalie.
Les membres inférieurs peuvent être touchés sur le mode sensitif (cruralgies intenses).
Les multinévrites quant à elles, caractérisées par plusieurs nerfs et souvent d’un seul côté, sont rares et le diagnostic différentiel est surtout constitué des vascularites, à rechercher.
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Neuropathie autonome diabétique
C’est également une complication d’un diabète ancien et mal équilibré, où les nerfs vague et du système sympathique ont été lésés. La régression est rare, même après normalisation glycémique prolongée.
a. Neuropathie autonome cardiovasculaire
Elle se manifeste par l’un ou l’autre des signes suivants :
- une tachycardie sinusale quasi permanente, dont la fréquence, de l’ordre de 110/min, ne varie que très peu pendant l’effort ; elle participe à l’intolérance à l’effort ;
- rarement, une bradycardie permanente ;
- allongement du QT à l’ECG, participant peut-être au sur-risque, et certainement à la mort subite chez les diabétiques.
Elle est peut-être la cause de l’absence de douleur angineuse à l’occasion d’une ischémie myocardique : l’ischémie silencieuse.
b. Neuropathie autonome vasomotrice
Elle se manifeste par les signes suivants :
- hypotension orthostatique, sans accélération du pouls : la PAS baisse physiologiquement de 5 à 15 mmHg, avec une accélération du pouls < 20/min. L’hypotension orthostatique se définit par une baisse de 30 mmHg ou plus de la PA systolique, et survient dès les premières minutes d’orthostatisme. Elle peut aussi être iatrogène chez des patients souvent polymédicamentés (antihypertenseurs) ;
- trouble de la microcirculation périphérique, sous dépendance nerveuse, dont les symptômes sont : hyperémie, rougeur, œdème. Ces symptômes, et les troubles de la sudation, ont fait qualifier la neuropathie diabétique évoluée d’« auto-sympathectomie ».
c. Troubles de la sudation
Par anomalie de la régulation nerveuse, la sudation est altérée au niveau des membres inférieurs (anhidrose), avec une sécheresse cutanée qui va favoriser l’hyperkératose, les cors et les plaies.
On constate parfois une hypersudation de la partie supérieure du corps (hyperhidrose), ou de territoires plus limités, de topographie « neurologique » comme une hémiface.
La sécheresse cutanée peut s’accompagner de prurit, avec lésions de grattage facilement impétiginisées, et de perte de la pilosité.
d. Neuropathie digestive gastro-intestinale
Elle peut se manifester par les signes suivants :
- parésie du tractus digestif, à quelque niveau que ce soit ;
- dysphagie (motricité œsophagienne réduite), rare ;
- gastroparésie fréquente : satiété rapide, pesanteur abdominale, régurgitations ou vomissements alimentaires, par exemple le lendemain matin du dîner de la veille ; souvent elle est peu symptomatique et soupçonnée sur la survenue d’hypoglycémies paradoxales car observées en postprandial (on découvre parfois un bézoard, qu’il faudra rechercher par une fibroscopie œsogastrique) ;
- diarrhée d’allure banale ou diarrhée motrice, mais toujours d’évolution capricieuse ; rare dans le type 2, plus fréquente dans le type 1 mais toujours avec une longue durée de diabète et d’autres complications neurologiques autonomes. C’est un diagnostic d’élimination. Il faut éliminer en premier la maladie cœliaque (qui s’accompagne d’une malabsorption, absente dans la neuropathie digestive) et une pullulation microbienne, mais aussi d’autres causes de diarrhée chronique, notamment endocrines. Une cause également fréquente est la pancréatite chronique ;
- constipation, alternant ou non avec la diarrhée. Cependant, la durée de la phase diarrhéique s’étend sur plusieurs semaines ou mois, et diffère donc du rythme plus rapide de l’alternance diarrhée/constipation du constipé chronique. Les explorations sont les mêmes que chez un sujet non diabétique, l’étiologie diabétique étant retenue après la recherche d’autres causes, dont une tumeur colique recherchée par coloscopie ;
- incontinence fécale, rare, à la fois due aux troubles du transit cités et à une baisse du tonus sphinctérien. Elle peut être déclenchée par une hypoglycémie.
e. Neuropathie vésicale
Elle est caractérisée par un défaut de perception de la plénitude vésicale et par une hypoactivité du détrusor, mais elle est aussi favorisée par la polyurie de l’hyperglycémie. De nombreux médicaments peuvent aggraver la symptomatologie.
Un résidu postmictionnel permanent va favoriser l’incontinence urinaire, la rétention aiguë d’urines et surtout les infections urinaires, avec un risque de retentissement sur le haut appareil et la fonction rénale.
Il faut souligner ici l’importance de l’évaluation clinique et échographique de la prostate, du bilan urodynamique et de l’échographie vésicale postmictionnelle (quantifier le résidu, de valeur supérieure à 100 mL).
f. Dysfonction érectile
Elle est souvent multifactorielle :
- la participation psychogène est constante ;
- de rares syndromes de Leriche avec artériopathie sténosante aorto-iliaque peuvent être impliqués.
Sont incriminés le rôle de la fibrose des corps caverneux et une forte composante de neuropathie (plexus pelvien).
La dysfonction érectile est caractérisée par une difficulté à initier l’érection, à la maintenir, également par une anéjaculation ou une éjaculation rétrograde.
Il s’agit peut-être de l’un des premiers signes de neuropathie autonome, à rechercher à l’interrogatoire systématiquement. Là aussi, le diagnostic différentiel est à envisager, avec examen génital, testostéronémie, prolactinémie.
C’est une complication fréquente, dont le retentissement sur la qualité de vie est important, et que l’on peut presque toujours traiter efficacement, notamment par les injections intracaverneuses d’inducteurs de l’érection. Cependant, elle n’est que rarement évoquée spontanément : il faut interroger les patients sur leur sexualité.
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