11  -  Cardiologie nucléaire

11 . 1  -  Introduction

La médecine nucléaire utilise des traceurs radioactifs qui se fixent sur l’organe à étudier d’où ils émettent un rayonnement gamma capté par une gamma caméra qui détecte le signal de cet organe et reconstruit une image statique ou dynamique informatisée.

Pour l’examen du coeur, les principaux traceurs utilisés se fixent soit sur le myocarde pour réaliser des scintigraphies myocardiques, soit sur les hématies permettant un marquage du sang circulant dans les cavités cardiaques, ce qui permet la réalisation d’angiographie isotopique (ou scintigraphie cavitaire).

La synchronisation de l’enregistrement des données isotopiques à l’ECG du patient est nécessaire à la réalisation des angiographies isotopiques. Elle n’est pas nécessaire à la réalisation des scintigraphies du myocarde dont elle peut améliorer cependant les performances techniques (on parle alors de tomoscintigraphie myocardique synchronisée).

Lorsque ces techniques nécessitent une synchronisation à l’ECG pour réaliser les images cardiaques, elles sont souvent de qualité médiocre ou mauvaise en cas de trouble du rythme cardiaque (arythmie par fibrillation atriale ; extrasystolie).

La médecine nucléaire a peu de contre-indications, mais l’injection de traceurs radioactifs est contre indiquée au cours de la grossesse ou de l’allaitement.

11 . 2  -  Angiographie isotopique

Elle est habituellement réalisée au repos après marquage in vivo des hématies circulantes du patient par du 99m Technetium.

La technique la plus usuelle consiste à enregistrer l’activité des cavités cardiaques en oblique antérieure gauche, en synchronisant l’enregistrement sur l’ECG pour pouvoir déterminer la télésystole et la télédiastole (figure 43).

On peut ainsi mesurer les fractions d’éjection des deux ventricules dont la valeur usuelle normale varie un peu d’un laboratoire à l’autre mais est entre 50% et 70% (la norme du laboratoire est donnée avec le compte rendu). La mesure de fraction d’éjection par cette technique est si fiable et si reproductible lorsque le rythme est sinusal, qu’elle est considérée comme la référence technique pour cette mesure. L’abaissement de la fraction d’éjection globale de repos est un paramètre pronostique très important quelle que soit l’étiologie de la cardiopathie. En simplifiant la littérature, disons que la dégradation de la fonction ventriculaire gauche est patente lorsque la FE du ventricule gauche est inférieure à 50%, avec une détérioration du pronostic qui s’accroît lorsque les chiffres baissent. Lorsque la valeur atteint 20%, le pronostic vital est souvent engagé à quelques mois ou années.

Outre la fraction d’éjection globale du ventricule, on peut étudier des fractions d’éjection segmentaires en découpant la cavité ventriculaire gauche en secteurs. L’abaissement de la fraction d’un ou plusieurs segments contigus ventriculaires, traduit une dysfonction systolique segmentaire. Selon la sévérité de l’anomalie on parle d’hypo-, d’a- ou de dyskinésie de la contraction au niveau de la zone atteinte du ventricule gauche.

Figure 43 : Angiographie isotopique : mesure de la FEVG, ici très abaissée à 19%
Figure 44 : Tomoscintigraphie myocardique synchronisée à l’ECG

11 . 3  -  Tomoscintigraphies du myocarde

Ces examens examinent le myocarde ventriculaire gauche avec des traceurs (thallium 201, dérivés technetiés : 99mTc-MIBI ou 99mTc-Tetrofosmin ) qui se fixent sur les cellules myocardiques, si celles ci sont encore vivantes et perfusées.

Plusieurs protocoles d’examen existent, selon la question posée, avec la plupart du temps une scintigraphie initiale réalisée fréquemment après une épreuve de stress (effort sur bicyclette ergométrique ou après injection d’agent pharmacologique : dipyridamole en intraveineux) et une seconde scintigraphie réalisée au repos à laquelle elle sera comparée.

Les images sont réalisées par reconstruction informatique, en coupes jointives selon le petit axe, le grand axe vertical et le grand axe horizontal du ventricule gauche. L’interprétation quantifiée de la fixation du traceur est représentée par un code couleur, l’analyse étant faite dans les différents segments du myocarde du ventricule gauche (habituellement divisé en 17 à 20 segments).

La tomoscintigraphie myocardique synchronisée à l’ECG permet d’obtenir des images tomoscintigraphiques en télésystole et en télédiastole. Sur ces images, il est, bien sûr, possible de visualiser l’ischémie, la viabilité et l’infarctus, mais de plus cet examen permet le calcul des volumes télédiastolique et télésystolique et de la fraction d’éjection du ventricule gauche (figure 44).

Sémiologie scintigraphique

  • Infarctus : Les zones de cellules myocardiques mortes (remplacées par de la fibrose non contractile) ne fixent pas le traceur quel que soit le protocole utilisé. Cette absence de fixation (« lacune » de fixation) est l’aspect habituel de l’infarctus myocardique cicatriciel, mais peut aussi se voir parfois dans certaines myocardiopathies primitives.
  • L’ischémie myocardique est la conséquence d’une perfusion inadéquate d’un segment myocardique par une artère coronaire significativement sténosée ou parfois spastique.

    Sur les scintigraphies du myocarde l’ischémie myocardique se traduit par une hypofixation du traceur au niveau du territoire mal vascularisé sur la scintigraphie de stress, hypofixation disparaissant totalement ou partiellement sur la scintigraphie de repos. La visualisation de l’ischémie myocardique en scintigraphie permet donc de suspecter la présence d’une (ou plusieurs) sténose (s) coronaire(s) ischémiante (s) qu’il faudra traiter. La sensibilité et la spécificité de détection des sténoses coronaires par cette technique sont voisines de 80 à 90% % et supérieures à celles de l’épreuve d’effort électrocardiographique simple.
  • Viabilité myocardique : La pathologie coronaire peut être à l’origine de troubles sévères de la contractilité segmentaire ou globale du ventricule gauche alors qu’il persiste un contingent suffisant de cellules myocardiques vivantes (viables) et aptes à reprendre une fonction contractile pourvu que l’on reperfuse le myocarde de manière satisfaisante.

    La détection de cette viabilité peut être réalisée selon différents protocoles scintigraphiques dont le principe est la mise en évidence d’une fixation significative du traceur dans la ou les zones hypo ou akinétique(s) (excluant ainsi le diagnostic d’infarctus : cf. ci dessus).
  • Pronostic : Les grandes études de la littérature ont bien montré que plus la zone d’anomalie de fixation myocardique est étendue, plus le pronostic du patient coronarien est sévère.
Synthèse des anomalies de contraction et de fixation myocardiques au cours des différents états possibles du myocarde
      Contraction de repos*       Perfusion de stress        Perfusion de repos
  Myocarde sain                Normale              Normale                  Normale
  Myocarde nécrosé                   Nulle                 Nulle                     Nulle
  Myocarde ischémique         Normale ou sub-normale            Hypoperfusion     Normale ou peu altérée   
  Myocarde hibernant           Altérée, voire nulle         Hypoperfusion     Normale ou peu altérée
*Etudiée en angiographie isotopique, en tomoscintigraphie synchronisée ou en échocardiographie

11 . 4  -  Scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation

Elle est utilisée pour le diagnostic et le suivi de l’embolie pulmonaire. Elle est particulièrement performante en l’absence de pathologie pulmonaire préalable. L’embolie pulmonaire provoque l’apparition d’une ou plusieurs zones d’hypoperfusion (zones d’hypo ou d’absence de fixation du traceur) sur la scintigraphie de perfusion, alors que la scintigraphie de ventilation est normale. L’interprétation de la scintigraphie pulmonaire est facile lorsqu’elle est normale (exclusion de l’embolie pulmonaire) ou franchement pathologique (plusieurs segments hypoperfusés normalement ventilés). Dans les cas intermédiaires ou chez les patients qui ont des pathologies pneumologiques associées, le diagnostic scintigraphique est plus difficile et conduit à des examens de fiabilité « intermédiaires » peu contributifs.

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