9  -  Pathologies des greffes et transplantation de cellules, tissus et organes

Un des buts de la recherche actuelle en immunologie est de permettre la transplantation de tissus chez l’homme en évitant le rejet ou la réaction du greffon contre l’hôte. En pratique clinique, on doit recourir à l’immunosuppression non spécifique au moyen de divers médicaments et anticorps. Ainsi, la transplantation implique des manipulations qui provoquent une inactivation plus ou moins profonde de la réponse immunitaire. Il s’ensuit qu’au-delà du rejet et de la réaction du greffon, un risque majeur des transplantations est celui des infections et des cancers, en particulier la survenue de lymphoproliférations liées au virus d’Epstein-Barr.

9 . 1  -  Rejet de greffe hyperaigu-vasculaire

Le rejet hyperaigu ou vasculaire d’un organe se manifeste pendant l’intervention chirurgicale, dès le déclampage.

Il se traduit par une congestion massive et brutale de tout l’organe transplanté et par un arrêt brutal et définitif de sa fonction.

Le mécanisme du rejet hyperaigu est lié à la présence, chez le receveur de l’organe, d’anticorps dirigés contre des épitopes présents sur les cellules endothéliales de l’organe greffé.

Les anticorps circulants du receveur se déposent à la surface de ces cellules endothéliales, entraînant une fixation tissulaire vasculaire du complément, avec vasoconstriction initiale intense dans le greffon puis coagulation en masse dans son système vasculaire. Les antigènes du groupe sanguin ABO semblent être les plus fréquemment impliqués.

9 . 2  -  Rejet de greffe aigu et cellulaire

Le rejet aigu ou cellulaire est dû au développement d’une immunisation du receveur contre les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité du donneur, et est médié par des lymphocytes T effecteurs du receveur.

Ce processus prend plusieurs jours pour se développer et peut survenir après des mois ou des années, en fonction des fluctuations des traitements immunosuppresseurs. Une intensification du traitement immunosuppresseur permet, dans la majorité des cas, de traiter efficacement le rejet aigu.

Au niveau du rein, l’aspect histologique est celui d’un infiltrat interstitiel dense à cellules mononucléées et d’un œdème, associés à une discrète hémorragie interstitielle. Les lymphocytes T CD8+ infiltrent les structures épithéliales tubulaires, déterminant des nécroses tubulaires focales. Ces mêmes cellules T déterminent une agression focale des cellules endothéliales, appelée endothélite. Dans le greffon hépatique, on observe l’association d’un infiltrat inflammatoire portal, avec des lésions de cholangite et d’endothélite.

Il peut exister une composante humorale par le développement progressif d’anticorps du receveur dirigés contre les allo-antigènes du greffon. On y rattache la survenue d’une vascularite nécrosante avec nécrose endothéliale, ou d’une oblitération vasculaire progressive. Ces lésions sont beaucoup moins sensibles au traitement institué que les lésions cytotoxiques.

9 . 3  -  Rejet de greffe chronique

Le rejet chronique se définit par une diminution progressive de la fonction du greffon, en l’absence de causes mécaniques ou infectieuses.

Il n’apparaît généralement qu’après quelques mois, et aboutit, en l’absence de traitement efficace, à une perte totale de la fonction du greffon. Il fait souvent suite à plusieurs épisodes de rejet aigu. Les lésions sont principalement vasculaires, associées à des lésions atrophiques et/ou fibreuses des structures épithéliales du greffon, variables suivant les organes. Les lésions vasculaires se caractérisent par un épaississement intimal sténosant avec fibrose pariétale et parfois une accumulation d’histiocytes spumeux. Dans les greffons pulmonaires, la complication redoutable est la bronchiolite oblitérante. Dans le foie, se développe dans 10 % des cas un syndrome d’appauvrissement en canaux biliaires (ductopénie).

9 . 4  -  Réaction du greffon contre l’hôte (GVH)

Avant le 100e jour

En l’absence d’une immunosuppression appropriée, les lymphocytes T matures du greffon peuvent réagir contre les tissus du receveur. Ce phénomène est fréquent après une greffe de moelle osseuse allogénique, car le patient receveur est très immunodéprimé. Il s’observe beaucoup plus rarement après des greffes d’organe.

La réaction du greffon contre l’hôte (GVH = graft versus host) aiguë survient dans les trois premiers mois après la greffe. Les tissus de l’hôte principalement pris pour cible sont la peau, les intestins et le foie.

L’atteinte cutanée se manifeste par un rash maculopapuleux, puis en cas d’aggravation par une érythrodermie généralisée et enfin des bulles de desquamation. Histologiquement, des cellules T alloréactives attaquent avec prédilection les assises épithéliales basales de l’épiderme, entraînant des apoptoses des cellules malpighiennes basales, voire dans les formes les plus graves de l’ensemble de l’épiderme.

L’atteinte intestinale entraîne une diarrhée. Les lésions sont identiques dans le grêle et le côlon : nombreuses apoptoses dans la partie basale des glandes muqueuses puis destruction étendue des glandes remplacées par un tissu de granulation peu dense contenant des macrophages et des lymphocytes.

L’atteinte hépatique se caractérise par une agression des cellules épithéliales biliaires des canaux intra-hépatiques de petit calibre et se traduit par une cholestase.

Notons que les lymphocytes T du greffon peuvent également avoir un effet bénéfique anti-tumoral, il s’agit notamment de l’effet GVL (graft versus leukemia), qui diminue le risque de récidive de la leucémie.

Après le 100e jour

La réaction du greffon contre l’hôte chronique se manifeste par des lésions cutanées diffuses d’aspect sclérodermiforme, avec fibrose et destruction des annexes. L’atteinte hépatique est très fréquente au niveau des canaux biliaires et se manifeste par un ictère cholestatique.

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