6  -  Après la transplantation

6 . 1  -  Traitement immunosuppresseur


Le traitement immunosuppresseur associe plusieurs molécules agissant à différents stades du processus d’alloreconnaissance, afin de minimiser les risques de rejet. Il n’y a pas de consensus concernant les associations de molécules, ni le calendrier de modification des doses. Néanmoins, les schémas classiques associent en début de greffe des corticostéroïdes, un inhibiteur de la calcineurine et un antimétabolite tel que le mycophénolate mofetil.

À ceci s’ajoute dans les premiers jours après la transplantation un traitement d’induction dont l’intensité est fonction du risque immunologique du patient : immunisation préalable, transplantation antérieure, existence d’anticorps dirigés contre le donneur (Donor Specific Antibodies, DSA) au moment de la greffe. Un certain nombre d’équipes réalisent un sevrage précoce en corticostéroïdes afin d’éviter les effets secondaires à long terme de ceux-ci.

1) Corticostéroïdes

Les patients reçoivent de la prednisone (Cortancyl®, par voie orale) ou de la méthylprednisolone (par voie intraveineuse), avec une dose initiale de 20 à 25 mg par jour de prednisone. La forme intraveineuse est utilisée lorsque la voie orale est impossible, à une dose double (soit 40 mg de méthylprednisolone pour un patient recevant 20 mg de prednisone). L’hémisuccinate d’hydrocortisone n’a pas d’action immunosuppressive et ne doit donc pas être utilisé à la place de la méthylprednisolone ; il est en revanche associé en cas de geste opératoire pour éviter une insuffisance surrénalienne.

Quel que soit le schéma de diminution voire de suppression des corticoïdes, ceux-ci ne doivent pas être arrêtés brutalement.

Ils agissent au niveau de la présentation des antigènes aux cellules T (signal 1), puis au niveau de la transduction des informations au noyau cellulaire.

2) Inhibiteurs de la calcineurine

Il existe deux molécules dans cette classe : la ciclosporine A (Neoral®) et le tacrolimus (Advagraf®, Prograf®). Le tacrolimus est le plus utilisé en première intention en transplantation rénale, la ciclosporine lui étant substituée dans certains cas. Il existe de nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires via le métabolisme du cytochrome P450 nécessitant des adaptations de dose, voire contre-indiquant certaines associations médicamenteuses. À fortes doses, les inhibiteurs de la calcineurine sont néphroltoxiques, ce qui explique par exemple certaines indications de transplantation rénale chez des patients transplantés cardiaques avec une exposition longue à la ciclosporine. Il est donc aussi nécessaire de surveiller les taux résiduels afin de s’assurer que le patient se trouve dans la zone thérapeutique : les objectifs varient avec l’ancienneté de greffe (un patient récemment transplanté doit avoir des niveaux d’immunosuppression, et donc d’imprégnation en inhibiteur de la calcineurine plus élevés).

Ils agissent au niveau de la transmission des informations au noyau cellulaire.

Les effets secondaires les plus fréquents sont :

  • le diabète (effet secondaire aggravé par la prise de corticoïdes) ;
  • la néphrotoxicité ;
  • l’hyperlipidémie ;
  • l’hyperuricémie ;
  • les tremblements ;
  • les perturbations modérées du bilan hépatique ;
  • les effets secondaires cosmétiques : hypertrichose, hyperplasie gingivale, alopécie…

3) Antimétabolites

Les deux molécules les plus employées sont le mycophénolate mofetil (Cellcept®) et l’azathioprine (Immurel®). Ce sont des inhibiteurs de la synthèse des bases puriques, ils agissent donc en bloquant la prolifération cellulaire. Le mycophénolate mofetil a une plus grande spécificité pour les lymphocytes que l’azathioprine, et est le plus fréquemment employé ; l’azathioprine peut lui être substitué en cas d’effets secondaires persistants malgré les diminutions de dose ou les changements de galénique, ou en cas d’infection virale non contrôlée.

Les principaux effets secondaires du mycophénolate mofetil sont digestifs (diarrhées imposant parfois l’arrêt du traitement). Les principaux effets secondaires de l’azathioprine sont hématologiques (leucopénie et thrombocytopénie).

4) Inhibiteurs de mTOR

Les deux molécules de cette classe (inhibiteurs de la tyrosine kinase) sont le sirolimus (Rapamus®) et l’éverolimus (Certican®). Ces molécules peuvent être utilisées à la place des inhibiteurs de la calcineurine avec deux avantages principaux :

  • elles ne sont pas néphrotoxiques ;
  • elles ont une certaine activité suppressive de tumeur et sont donc proposées en relais chez des patients transplantés ayant présenté un cancer post-transplantation.

Elles agissent également au niveau de la transmission d’information au noyau cellulaire mais par un mécanisme différent de celui des inhibiteurs de la calcineurine.

Ces molécules ont un effet anti-angiogénique entraînant des retards de cicatrisation et des lymphocèles ; elles ne doivent donc pas être introduites à proximité d’une intervention chirurgicale. Leur introduction ne se fera que 6 semaines après, les inhibiteurs de calcineurine étant employés entre-temps.

Les effets secondaires sont non négligeables, entraînant jusqu’à 30 % d’arrêt de traitement du fait de la gêne qu’ils occasionnent. Les plus fréquents sont :

  • les pneumopathies interstitielles : il s’agit d’un effet secondaire rare mais grave, imposant l’arrêt du traitement et interdisant sa reprise ;
  • les perturbations du bilan lipidique ;
  • la survenue d’aphtes buccaux.

5) Anticorps poly- et monoclonaux

Ceux-ci peuvent être utilisés en traitement d’induction de la greffe, ou dans le traitement des épisodes de rejet aigu. Les différentes préparations utilisables sont :

  • le basiliximab (Simulect®) : il s’agit d’un anticorps monoclonal anti-CD25 humanisé, utilisé dans le traitement d’induction. Il est indiqué chez les patients à risque immunologique faible ;
  • l’ATG (immunoglobuline antilymphocyte T) est composée d’anticorps polyclonaux obtenus en immunisant des lapins à l’aide de cellules T activées humaines. Elle est utilisée en traitement d’induction chez les patients ne présentant pas un risque immunologique élevé, ou en traitement du rejet aigu ;
  • la thymoglobuline est composée d’anticorps polyclonaux obtenus en immunisant des lapins à l’aide de thymocytes. Elle est utilisée en traitement d’induction chez les patients à risque immunologique élevé ou en traitement du rejet aigu.
    Les anticorps polyclonaux peuvent induire des réactions à type d’arthralgies, de fièvre et/ou frissons, voire de maladie sérique ;
  • les immunoglobulines intraveineuses (IVIG) : celles-ci sont obtenues à partir de plasmas humains combinés. Elles sont utilisées depuis longtemps dans le traitement des déficits immunitaires, et sont de mode d’action complexe. Elles sont principalement utilisées en association avec un des traitements d’induction en cas de DSA préexistants, ou en association avec les échanges plasmatiques en cas de rejet aigu et d’apparition de DSA.
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