5  -  Transplantation rénale

5 . 1  -  Principes d’attribution des greffons


L’attribution des greffons rénaux aux patients sur la liste d’attente se fait selon différentes modalités, selon l’origine du greffon :

  • il s’agit d’un rein dit « local », c’est-à-dire prélevé sur le lieu où aura lieu la greffe ou du moins par la même équipe : il est alors possible de choisir son receveur, en fonction des impératifs locaux, même si l’Agence de biomédecine (ABM) fournit via la plateforme Cristal une aide au choix en présentant en premier les 5 patients de la liste locale qu’elle juge les plus adaptés ;
  • il s’agit d’un rein venant d’une autre équipe : le greffon est alors proposé à chaque équipe pour un unique receveur, déterminé en fonction des compatibilités de groupe sanguin, d’éventuelles priorités au niveau national (greffes pédiatriques, greffes combinées rein + organe vital, greffe rein-pancréas, patients hyperimmunisés, patients immunisés full-match, patients ayant une dérogation accordée par un collège d’experts), puis en fonction de l’ordre sur la liste d’attente déterminé par le « score rein ». Celui-ci prend en compte la compatibilité tissulaire, la différence d’âge entre donneur et receveur, la durée d’attente du receveur sur liste, le FAG. Le rein est d’abord proposé au niveau régional (interrégions définies par l’ABM) puis, s’il est refusé par les équipes régionales, au niveau national.

Les greffons sont attribués à des receveurs de groupe sanguin identique, hormis pour les patients hyperimmunisés ou ayant obtenu une dérogation pour pouvoir être transplantés avec un greffon de groupe compatible mais non identique.

Les dérogations sont attribuées aux patients ayant une très grande difficulté d’accès à la greffe (groupes sanguins à durée d’attente longue, immunisation importante mais ne permettant pas l’accès au programme de priorité nationale dit « HAP »). La difficulté d’accès à la greffe est estimée par 2 paramètres accessibles sur la plateforme Cristal : le FAG et le taux de greffons incompatibles. Le FAG correspond, pour chaque patient dans son interrégion et son groupe ABO, au nombre de donneurs qui auraient pu lui être proposés avec au maximum 3 incompatibilités HLA, en tenant compte de l’immunisation et des antigènes HLA interdits chez le receveur. Le calcul du FAG et du taux de greffons incompatible se base sur les donneurs recensés au cours des cinq dernières années.

5 . 2  -  Technique de greffe rénale


La transplantation rénale est une opération aujourd’hui bien codifiée, dont la technique est largement standardisée. En cas de première transplantation rénale, celle-ci est réalisée au niveau de la fosse iliaque, le plus souvent à droite compte tenu de la meilleure accessibilité des vaisseaux. Les anastomoses artérielle et veineuse sont réalisées sur les vaisseaux iliaques externes, et la réimplantation urétérale se fait dans la majorité des cas directement au niveau de la vessie avec la réalisation d’un montage antireflux.

Avant la transplantation proprement dite, le greffon doit être préparé afin de faciliter les anastomoses (dissection des tissus péri-artériels, péri-veineux et péri-urétéraux), et dégraisser afin de s’assurer de l’absence de tumeur qui serait passée inaperçue lors du bilan du donneur. La préparation urétérale doit être minutieuse afin de préserver au mieux la vascularisation. En cas de préparation d’un rein droit, il est nécessaire de rallonger la veine rénale droite, qui est très courte, en réalisant une plastie avec un segment de veine cave prélevé en bloc avec le rein.

Lors de la phase de préparation du greffon, puis pendant la greffe jusqu’au déclampage final, il est primordial de conserver le greffon le plus possible à 4 °C. En effet, le non-respect de la « chaîne du froid » est à l’origine de lésions pouvant entraîner un retard de reprise de fonction du greffon, qui influe à long terme sur la survie de celui-ci. Ces différentes étapes, ainsi que le prélèvement et la préservation du greffon doivent bien entendu être réalisées dans les meilleures conditions d’asepsie afin d’éviter la transmission de micro-organismes au receveur. Le risque majeur est celui de développement d’anévrismes mycotiques en cas d’infection bactérienne ou fongique du site d’implantation du greffon, pouvant se rompre sans signe avant-coureur et entraîner le décès du receveur.

5 . 3  -  Complications chirurgicales précoces

Les principales complications chirurgicales précoces pouvant compromettre la fonction du greffon sont la thrombose artérielle, la thrombose veineuse, l’hématome de loge et les fistules urinaires.

  • Les thromboses vasculaires sont à suspecter en cas d’absence de reprise de diurèse du greffon, ou d’effondrement brutale de celle-ci. Elles peuvent être secondaires à des fautes techniques lors de la transplantation, ou plus tardivement à un rejet du greffon. Le patient présente des douleurs du greffon, associées souvent en cas de thrombose veineuse à une hématurie de type « vieux sang ». Le diagnostic en est fait par l’échographie-Doppler réalisé en urgence, et elles imposent la reprise chirurgicale en urgence (sauf thrombose d’une petite branche artérielle alors que l’artère principale du greffon est toujours perméable). Le pronostic en est sombre.
  • Les fistules urinaires sont souvent de diagnostic différé par rapport à l’intervention initiale. Hormis les erreurs techniques de suture vésicale ou urétérale, la cause principale en est la nécrose d’un uretère mal vascularisé, en particulier en cas d’artère rénale polaire inférieure méconnue, sectionnée ou thrombosée. Le diagnostic en est souvent fait par dosage de la créatininémie dans les redons, qui révèle la présence d’urine dans ceux-ci, et par l’imagerie (uro-TDM) mettant en évidence un urinôme et le lieu de la fuite urinaire. En cas de fuite d’origine vésicale, il est possible de tenter un traitement médical par mise en aspiration douce de la sonde vésicale afin d’améliorer le drainage et d’assécher la fistule en attendant la cicatrisation. En cas de fuite par nécrose ou plaie urétérale, ou en cas d’échec d’un traitement médical, la réintervention est nécessaire. En cas de d’origine urétérale, on procède généralement à une re-dérivation des urines en abandonnant le montage initial et en réalisant une anastomose entre l’uretère du greffon et l’uretère natif homolatéral du patient.
  • Les lymphocèles sont secondaires à la dissection des vaisseaux iliaques et à une lymphostase insuffisante à ce niveau. Elles se développent généralement en quelques semaines, et leur présentation varie. En cas de lymphocèle de petit volume non compressive, celle-ci peut être simplement surveillée jusqu’à stabilisation puis résorption. La principale complication en cas de lymphocèle de grande abondance est la compression urétérale, entraînant une insuffisance rénale et nécessitant d’une part le drainage du rein en urgence (par voie rétrograde, ou plus souvent par néphrostomie antégrade compte tenu des difficultés fréquentes à réaliser un traitement endoscopique), et d’autre part le traitement de la lymphocèle. Il s’agit dans la vaste majorité des cas d’une marsupialisation de celle-ci par voie cÅ“lioscopique dans la cavité péritonéale, permettant la réabsorption de la lymphe par le péritoine.
  • Les hémorragies postopératoires sont rares, mais potentiellement graves. Au-delà du cas des artérites infectieuses (anévrismes mycotiques dont la rupture brutale, généralement sans signe avant-coureur, est gravissime), on peut observer des hémorragies secondaires à la reperméabilisation de petits vaisseaux négligés lors de la préparation du greffon, ou le développement d’hématomes de la loge de transplantation par saignements diffus chez des patients présentant des troubles de l’hémostase. Les patients insuffisants rénaux chroniques présentent des thrombopathies les rendant très sensibles aux traitements anticoagulants, au-delà des problèmes de surdosage rapide liés à une fonction rénale altérée. En conséquence, il ne faut pas faire d’anticoagulation préventive postopératoire systématique après la transplantation rénale, et les patients ayant une indication à la mise en route d’un traitement anticoagulant (antécédents de maladie thrombotique, artères multiples du greffon) doivent être traités par héparine sodique à la seringue électrique puis héparine calcique (pas d’héparine de bas poids moléculaire) à dose préventive. S’il est possible de transplanter un patient sous aspirine, le traitement par clopidogrel, qui par définition ne peut pas être arrêté plusieurs jours avant une opération en urgence non programmée, constitue une contre-indication à la transplantation rénale et doit être arrêté avant l’inscription sur liste ou la levée d’une contre-indication temporaire.
6/11