3  -  Maladies infectieuses éruptives

3 . 1  -  Rougeole

3 . 1 . 1  -  Pour bien comprendre


Épidémiologie

Elle demeure une maladie infectieuse d’actualité dans les pays industrialisés, évoluant sur un mode endémo-épidémique, malgré la mise à disposition de vaccins efficaces depuis plus de 40 ans. La France n’est pas épargnée, avec la survenue d’une épidémie comptant plus de 10 000 cas déclarés entre 2009 et 2011.

Ses complications (rares dans les pays à haut niveau socio-économique) sont fréquentes dans les pays en voie de développement, où elles sont un facteur majeur de mortalité et de morbidité infantile. La maladie est plus grave avant l’âge de 1 an, chez l’adulte, la femme enceinte et l’immunodéprimé.

L’explication vient d’une couverture vaccinale restée longtemps insuffisante en France (< 90 %), ce qui a créé un réservoir important de sujets non protégés, population qui permet désormais une transmission virale interhumaine.

La vaccination est efficace, mais la protection conférée par une dose unique de vaccin n’est estimée qu’à 90 %. La seconde dose recommandée permet de rattraper la majorité des sujets n’ayant pas répondu à la première, aboutissant à une protection finale de 95–98 % après deux doses.

Seuls les pays qui ont mis en place une stratégie vaccinale à deux doses avec une forte couverture vaccinale comme la Finlande et les États-Unis ont pu éliminer la maladie.

Maladie encore d’actualité car couverture vaccinale insuffisante en France.

Rappels d’infectiologie

L’agent causal est un paramyxovirus dénommé Morbillivirus.

Les nourrissons sont protégés jusqu’à l’âge de 6 mois par les anticorps maternels.

La maladie confère une immunité durable.

Vaccination antirougeoleuse recommandée pour tous les nourrissons (2014) :

  • combinée avec les vaccins rubéole et oreillons (vaccination triple ROR) ;
  • 1re dose à l’âge de 12 mois (la vaccination précoce à l’âge de 9 mois en cas d’entrée en collectivité n’est plus recommandée hors période épidémique) ;
  • 2e dose à l’âge de 16–18 mois.

La transmission est directe, par voie aérienne.

L’incubation dure 10 à 12 jours.

La contagiosité est très importante par voie respiratoire, dès la phase d’invasion débutant 5 jours avant l’éruption et jusqu’au 5e jour après le début de l’éruption.

Stratégie vaccinale antirougeoleuse = 2 doses entre les âges de 12 et 24 mois.

3 . 1 . 2  -  Diagnostic


Enquête clinique


Arguments anamnestiques en faveur du diagnostic :

- absence d’antécédent de rougeole ou de vaccination antirougeoleuse ;
- contage environ 2 semaines avant l’éruption (période d’incubation + invasion).

Phase d’invasion
(catarrhale ou prééruptive) :

- fièvre élevée ;
- catarrhe oculorespiratoire : larmoiement, conjonctivite, rhinorrhée, toux ;
- parfois énanthème pathognomonique (en fin de période catarrhale) : signe de Köplik = taches punctiformes blanc-bleuté sur une muqueuse jugale inflammatoire à la limite de la visibilité (fig. 15.2).
- durée : 2 à 4 jours.

Figure 2 : Rougeole : conjonctivite et signe de Köplik

Phase éruptive :

- début : environ 2 semaines après le contage ;
- exanthème maculopapuleux (fig. 15.3) :

  • description : maculopapules non prurigineuses respectant des intervalles de peau saine,
  • siège : début derrière les oreilles, puis extension en 24–48 heures vers la face et le reste du corps en direction descendante et en une seule poussée,
  • évolution : régression en 5 à 6 jours ;

- fièvre décroissant à la généralisation de l’éruption ;
- persistance des signes respiratoires de la phase d’invasion (conjonctivite, rhinorrhée, toux).

Figure 3 : Rougeole : exanthème

Complications possibles :

  • infectieuses (à évoquer en cas de réascension thermique) :
    • bronchite, pneumopathie (diffusion virale de la maladie respiratoire),
    • surinfections pulmonaires (pneumocoque, S. aureus), OMA purulente (pneumocoque, H. influenzae) ;
  • neurologiques (exceptionnelles) :
    • encéphalite aiguë morbilleuse précoce post-éruptive (fréquence 1/1 000),
    • panencéphalite sclérosante subaiguë de Van Bogaert (PESS) de survenue retardée (en moyenne 5 à 10 ans) après la rougeole (fréquence 1/100 000, 1/6 000 si la rougeole est survenue chez le jeune nourrisson).

Clinique : catarrhe oculorespiratoire, exanthème maculopapuleux, ± signe de Köplik.

Enquête paraclinique

Le diagnostic de rougeole typique est avant tout clinique.
Comme la rougeole est une maladie à déclaration obligatoire, une confirmation paraclinique doit être réalisée de manière systématique.
Examens biologiques de confirmation possibles :

  • diagnostic direct par PCR sur salive ou sérum ;
  • recherche d’IgM spécifiques (salive, sérum) ;
  • dosage des IgG sur 2 prélèvements (phase aiguë et convalescence) : séroconversion ou augmentation significative du taux d’anticorps (× 4) en l’absence de vaccination dans les 2 mois précédents.

Confirmation paraclinique indispensable (maladie à déclaration obligatoire).

3 . 1 . 3  -  Prise en charge


Mesures thérapeutiques

L’hospitalisation n’est requise qu’en cas de signes de sévérité.
Le traitement est essentiellement symptomatique :

  • traitement de la fièvre (paracétamol) ;
  • antibiothérapie probabiliste (amoxicilline-acide clavulanique) en cas de surinfection bactérienne.

Mesures préventives

  • Déclaration obligatoire de la maladie :
    • signalement sans délai à l’ARS pour enquête autour du cas ;
    • notification à visée épidémiologique.
  • Mesures préventives après diagnostic d’un cas de rougeole :
    • recherche systématique d’autres cas (contaminateur, cas secondaires) ;
    • vérification du statut vaccinal des sujets contacts ;
    • mise en place de mesures thérapeutiques préventives.

L’éviction scolaire est requise jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption.

Tout contact entre un sujet non immunisé et un sujet infecté contagieux doit être évité.

Un sujet contact est une personne ayant été en contact proche (famille, crèche) pendant la période comprise entre 5 jours avant et 5 jours après le début de l’éruption (période de forte contagiosité). Les mesures thérapeutiques préventives chez les sujets contact non vaccinés et sans antécédent de rougeole sont rappelées dans le tableau 15.1.

Mesures préventives : recherche d’autres cas, vérification du statut vaccinal des sujets contacts.

Tableau 15.1 Mesures préventives pour les sujets contact d’un cas de rougeole (2014)
Nourrisson d’âge < 6 mois- Si mère immunisée (antécédent de rougeole, vaccinée avec 2 doses) : aucune mesure (sérologie maternelle en urgence si besoin).
- Si mère non immunisée : Ig polyvalentes IV (efficaces dans les 6 jours après le contage)
Nourrisson âgé de 6 à 11 mois1 dose de vaccin monovalent (rougeole) dans les 72 h après le contage
puis 2 doses de vaccin trivalent (ROR) selon le calendrier habituel
Sujets d’âge > 1 an et nés depuis 1980- Non vacciné : mise à jour avec 2 doses de ROR (à au moins 1 mois d’intervalle).
- Déjà vacciné : aucune mesure.
Terrains particuliers- Immunodéprimé : Ig polyvalentes IV (dans tous les cas).
- Femme enceinte non vaccinée et sans antécédent de rougeole : Ig polyvalentes IV.
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