9  -  Traitement


Deux trypanocides sont couramment utilisés: un dérivé du nitrofurane, le nifurtimox ou Lampit ® dont le fabricant s’est engagé en 2004 auprès de l’OMS à fournir gratuitement 500.000 comprimés, et un nitro-2-imidazole, le benznidazole (Radanil ®, Radinil® Rochagan®) . Il existerait d'assez grandes variations dans la sensibilité des différentes " souches" de parasites à ces molécules en fonction des zones d'endémie, mais ce phénomène reste très peu documenté.

Benznidazole et nifurtimox sont contrindiqués chez la femme enceinte. Leurs effets secondaires qui surviennent dans 50% des cas environ peuvent nécessiter l’arrêt du traitement : réactions d’hypersensibilité, toxicité médullaire et neuropathies périphériques pour le premier, troubles digestifs, neuropsychiatriques et également neuropathies périphériques pour le second. Les accidents fatals sont exceptionnels. Le nombre et l’intensité des effets indésirables augmentent avec l’âge des patients et sont pratiquement inexistants durant la première année de vie. Il semble exister in vivo une certaine différence de sensibilité au nifurtimox ou au benznidazole   entre les différentes souches du parasite et, lorsque ce dernier trypanocide est utilisé sur une large échelle en phase chronique, on peut très nettement observer une diminution de son efficacité en allant du nord vers le sud du sous-continent, c’est a dire de l’Amérique centrale vers la Bolivie et l’Argentine. Faute de données comparables, on ne peut dire s’il en va de même pour le nifurtimox.

Qui traiter ?                   

Il était admis jusqu'à ces dernières années que l'utilisation des trypanocides ne se justifiait que durant la phase aiguë de la maladie. Ce n’est plus le cas, même si l’efficacité de ces deux molécules en phase chronique reste discutée et très insuffisamment documentée.

L’ensemble des spécialistes s’accordent pour :

  • traiter le plus rapidement possible tous les patients en phase aiguë, que celle-ci  soit ou non cliniquement explicite, ainsi que les réactivations (benznidazole : 5 à 7,5 mg/kg/j/60j en 2/3 prises) ( 10 à 25 mg/kg/j  en cas de méningo-encéphalite).
  • traiter tous les enfants nés  de mère chagasique dès que l’infection est prouvée (benznidazole 10 mg/kg/j/60j ou nifurtimox 8 mg/kg/j/60j, avec une dose progressive la première semaine)  et suivi tous les 3mois pendant au moins 1 an.
  • traiter immédiatement tous les cas où il y a eu risque de transmission accidentelle (accident de laboratoire, transfusion de sang venant d'un donneur reconnu tardivement comme dangereux) – (benznidazole : 10mg/kg/j/10j.).
  • traiter tous les sujets séropositifs de moins de 15 ans  en raison des bons résultats obtenus avec cette tranche d’âge (60% de guérison) (benznidazole : 5mg/kg/j/60j  ou nifurtimox : 10mg/kg/j/60j).
  • traiter de manière préventive, lors des transplantations d'organes, le donneur et/ou le receveur si les deux ou si l'un ou l'autre sont séropositifs.

Les co-infectés HIV/ T. cruzi non-traités par les ARV doivent bénéficier d’une prophylaxie primaire (benznidazole 5mg/kg/j 3 fois par semaine) lorsque leur taux de CD4 est inférieur à 200/mm3, et ceux traités par les ARV à la suite d’une réactivation révélatrice d’un sida doivent bénéficier d’une chimioprophylaxie secondaire poursuivie au moins six mois après que leurs CD4 soient repassés au-dessus de la barre des 200/mm3.          

 Compte tenu d’une guérison obtenue, au mieux, dans 25/30 % des cas, la décision de traiter les chagasiques chroniques âgés de plus de 15 ans ne peut être prise qu’au cas par cas, après consentement éclairé (bénéfice/risques) des patients, du moins hors zone d’endémie. Une séro-réversion stable pendant au moins cinq ans est le seul critère de guérison actuellement disponible. En cas de succès, elle ne se produit que 3 à 5 ans après le traitement d’une phase aiguë, 5 a 10 ans après celui d’une phase chronique dite « récente » (moins de 15 ans) , et plus de 20 ans après le traitement d’une phase chronique évoluant depuis plus de 15 ans ! C’est dire la difficulté qu’il y a à entreprendre des études d’envergure concernant l’efficacité du traitement étiologique de la maladie de Chagas en phase chronique.

Le traitement des complications tardives fait appel à la chirurgie, aux anti-arythmiques (amiodarone) et en seconde intention aux digitaliques, aux défibrillateurs implantables, ainsi qu’à différents types de pace-makers.  Outre ceux liés à l'intervention proprement dite, la transplantation cardiaque présente chez le chagasique deux risques supplémentaires: celui de provoquer dans l'immédiat une réactivation de la maladie avec récidives à l'arrêt du traitement et celui, pour le transplant, d'être colonisé à son tour par le parasite. Lorsque ces écueils peuvent être évités, l'intervention se solde  par une espérance de vie de plus de dix ans pour 65 % des transplantés.

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