4  -  Les modes de transmission


C'est en 1912 qu' Emile Brumpt montra que T. cruzi se transmettait par les déjections, et non par la piqûre des triatomes comme le soutenait Chagas.

La muqueuse nasale étant beaucoup plus sensible à l'infection que la muqueuse buccale, une transmission par aérosol dans un espace clos, mal aéré et hyper-infesté, comme le sont certaines habitations rurales, est possible.

En milieu urbain, par contre, c'est la transmission congénitale ou par transfusion sanguine qui prévaut. 

Les dons d'organes (surtout de rein, mais aussi de cœur et de moelle, tant à partir de cadavres que de sujets vivants) ont été à l’origine d’un certain nombre de cas, ainsi que la toxicomanie par voie veineuse..

Les accidents de laboratoire sont fréquents et redoutés.  

La transmission par le lait maternel, un temps suspecté, est hautement improbable, mais l’allaitement au cours de la phase aiguë n’est pas sans danger si la mère présente une plaie et un saignement du téton.

En zone d'endémie, des transmissions par consommation de  nourriture souillée par des déjections de triatomes, ou encore par les déjections ou  les urines de certains animaux réservoirs, comme les opossums, ne sont pas exceptionnelles. L’homme peut aussi s’infecter accidentellement en dépouillant  un animal (opossum, tatou, agouti, cobaye) infecté, ou en mangeant  crue de la viande de chasse parasitée (plusieurs dizaines de cas en Amazonie), ou encore en buvant des jus de fruits de fabrication artisanale dans lesquelles se sont noyés des triatomes infectés durant la fabrication de la boisson ( une centaine de micro-épidémies de ce type signalées, surtout au Brésil).Tout dernièrement (mais/juin 2009), dans une école du Venezuela, du jus de goyave a été à l’origine de 35 cas aigus de THAm dont 3 mortels. Les infections par voie orale se traduisent souvent en effet par des formes graves, avec un taux élevé de létalité.

La pénétration du parasite au niveau de la muqueuse buccale, avec ou sans intervention du vecteur, est  un mode d'infection courant  chez les animaux domestiques ou sauvages: léchage de fourrure souillée par des déjections de triatomes et surtout prédation d'insectes ou de rongeurs infectés.

Tant chez l'homme que chez l'animal ou le vecteur, on peut enfin citer  quelques modes de transmission anecdotiques. Certaines espèces d’opossums infectés par T. cruzi  présentent dans leurs 
glandes anales des formes trypomastigotes métacycliques très virulentes. Celles-ci peuvent être projetées à distance lorsque l'animal, menacé, expulse avec force pour se défendre  le liquide qui les contient. Dans certaines régions du Mexique, des déjections fraîches de triatomes sont utilisées, en médecine populaire, pour soigner les verrues, et la consommation de triatomes vivants par la population n'est pas exceptionnelle. On lui prête  des vertus aphrodisiaques. Les vecteurs appartenant à l'espèce Rhodnius prolixus, enfin, peuvent s'infecter entre eux en suçant les déjections de leurs congénères ou encore en prélevant, par ponction directe de l'abdomen, une partie du sang parasité qu'un autre triatome vient d'ingérer. 

1) La transmission par transfusion            

Il est impossible de chiffrer l’incidence réelle des cas. Cela est du au fait que la plupart des infections post- transfusionnelles, très souvent asymptomatiques ou ne se révélant qu’après plusieurs semaines, ne sont ni diagnostiquées, ni déclarées, qu'il n'y a pas de suivi sérologique des transfusés et que le corps médical lui -même, souvent peu sensibilisé au problème, est loin d'être toujours attentif aux risques encourus.             

Les risques de contracter une THAm par transfusion dépendent d’une manière générale du nombre des sujets infectés dans une population donnée, de l’importance de la parasitémie du donneur, du mode de recrutement des donneurs, du nombre des unités de sang transfusées (sang total, culot, plaquettes, plasma fraîchement congelé, cryoprécipités), du nombre cumulé de transfusions, de la qualité du dépistage sérologique des donneurs, en sachant qu'aucune des techniques actuellement utilisées en routine n'est sensible à 100%.                             .

2) La transmission congénitale           

Le risque d'être victime d'une transmission congénitale pour un enfant né d'une mère chagasique est très variable d’une région à l’autre du sous- continent. (de 0, 75 à 18% - en moyenne 5%). Certaines études suggèrent que ce risque serait – tout au moins en partie – sous la dépendance de facteurs génétiques. L’aptitude de certaines souches à donner des infections congénitales ne s’est pas confirmée. Une faible réponse Th1 de la mère à l’infection, l’importance de la parasitémie, que celle-ci soit due à des réinfections, des co-infections ou à la grossesse elle-même par le biais d’une immunodépression physiologique, faciliteraient la transmission.

En fait, on ne sait toujours pratiquement rien de l'épidémiologie des formes congénitales, et le risque pour l’enfant à naître semble aujourd’hui, comme par le passé, totalement aléatoire, l'infection pouvant très bien, chez la même mère, épargner un premier enfant, frapper le suivant et faire grâce au troisième. En cas de grossesse gémellaire, les deux ou un seul des enfants peuvent être atteints.

L’infection du nouveau né se manifeste par une forme aiguë de maladie de Chagas qui doit être dépistée et traitée comme telle dans tous les cas avant l’âge de 1 an pour obtenir une guérison définitive. L’enfant infecté est souvent asymptomatique ou pauci-symptomatique mais peut également présenter un syndrome infectieux sévère, notamment en cas de co-infection avec le VIH, à l’origine de 2 à 13 % de mortalité néo-natale.

En 2006, la PAHO évaluait à 15.000 le nombre annuel des cas de maladie de Chagas congénitale, chiffre probablement bien inférieur à la réalité.

4/10