6  -  Clinique

6 . 1  -  Phase aiguë


Lorsque le parasite pénètre au travers de la peau, l'infection peut se manifester par un chagome, lésion cutanée érysipèloïde ou pseudofuronculeuse. Chez l'enfant, les chagomes siègent souvent au niveau du cuir chevelu, la contamination s'étant faite par la chute sur la tête de déjections d'insectes vivant dans les palmes des toits.

Figure 11 : Chagome
(photo CENPETROP)

Après une dizaine de jours d'incubation, lorsque le trypanosome a pénétré au niveau des muqueuses de l'œil, on peut observer un oedème unilatéral bi palpébral, rougeâtre et peu douloureux, avec dacryocystite et adénopathies satellites, appelé signe de Romaña. Ce signe est pathognomonique mais inconstant, et sa fréquence diffère assez largement d'une région à l'autre. 

Figure 12 : Signe de Romanã
(photo CENPETROP)

Dans 90 % des cas, en l’absence de chagome ou de signe de Romaña, la phase aiguë passe inaperçue, soit parce qu’elle est cliniquement muette, soit parce qu’elle prend le masque d’une maladie infantile banale. Dans le cas contraire, elle se manifeste par une hépato- spléno-adénomégalie fébrile associé à des oedèmes et parfois un exanthème. Dans 30 % des cas, on peut mettre en évidence des anomalies spontanément résolutives à l’ECG. Les formes cliniquement explicites sont surtout l’apanage des enfants de moins de cinq ans. Sans traitement, 3 à 10 % des moins de trois ans meurent dans les premières semaines   de méningo-encéphalite et de myocardite aiguë.

Figure 13 : Phase aiguë de THAm : œdème du visage, signe de Romanã, xénodiagnoctic
(photo CENPETROP)

6 . 2  -  Phase indéterminée


La phase indéterminée dans laquelle on entre, deux mois après la date de l’infection, peut durer de quelques mois à plusieurs dizaines d’années. Dans 67 % des cas elle dure toute la vie. Elle est caractérisée par l’absence de symptomatologie clinique, ce qui ne veut pas dire absence de lésions anatomiques et normalité des examens paracliniques (Holter, ECG d’effort…). C’est essentiellement pendant cette phase que l’homme joue le rôle de réservoir de la maladie vis-à-vis de ses semblables, et ce rôle est très important.

6 . 3  -  Complications tardives (1/3 des cas)


1) Myocardite
                   

Parmi les 3 à 4 % de phases indéterminées qui entrent chaque année dans la phase des complications tardives, 70 % le font sous la forme d’une myocardite. Les premiers signes à apparaître sont souvent des extrasystoles, connues sous le nom de « signe de la batterie » au Brésil. Les précordialgies, par contre, sont plutôt rares. La mise en évidence d’un bloc de branche droite complet à l’ECG, sans être pathognomonique, est hautement significative. La mort subite chez un sujet apparemment en bonne santé, à la suite d’un effort physique intense ou d’une émotion violente, peut être la première et la dernière manifestation clinique d’une myocardite ayant évolué à bas bruit.           

En phase d’état, la myocardite chagasique associe à des degrés divers une cardiomégalie avec dyskinésie ou akinésie, et assez fréquemment un anévrysme apical gauche typique, à des troubles du rythme( brady-tachycardie avec extrasystoles isolées, couplées ou en salve) et des troubles de la conduction ventriculaire (bloc de branche droit, bloc antérieur gauche,) ou auriculo-ventriculaire avec parfois bloc complet. Sans traitement, la mort survient par insuffisance cardiaque progressive, embolies, fibrillation ventriculaire ou rupture d’anévrysme. 

2) Le syndrome « méga »

Tous les viscères creux peuvent être atteints avec des perturbations ou une perte de fonction associées ou non à une dilatation de l’organe : estomac, duodénum, jéjunum, vessie, uretère, vésicule et tractus biliaire…. Mais la très grande majorité des cas concerne l’œsophage et le colon.      

L’atteinte de l’œsophage (mal de engasgo au Brésil) est caractérisée par l’apparition d’une difficulté de plus en plus marquée à avaler de la nourriture solide. En l'absence de traitement, elle peut entraîner la mort en quelques années par dénutrition ou infections pulmonaires récidivantes secondaires à des phénomènes de régurgitation.    

L’ atteinte du sigmoïde et du rectum se manifeste par une dilation du colon avec constipation opiniâtre, rétention massive de matières fécales et risque de volvulus.     

Le syndrome méga ne se voit guère que dans les pays du Cône sud. Dans 30% des cas il est associé à une atteinte cardiaque.

3) Les atteintes neurologiques

Bien que l’atteinte du système neuro-végétatif soit constante, les complications neurologiques s’expriment essentiellement chez les cardiaques par des AVCI secondaires à des troubles du rythme et/ou à des dyscinésies ventriculaires et, en cas d’immunodépression acquise ou induite, par des méningo-encéphalites diffuses ou des chagomes intra-cérébraux. En dehors des méningo-encéphalites qui peuvent survenir chez l'enfant dans les deux mois qui suivent l'infection, les atteintes neurologiques susceptibles de se développer ultérieurement sont mal connues. Elles touchent environ 10 % des chagasiques en phase chronique et se manifestent essentiellement par des névrites sensitivomotrices  

4) Les réactivations
                

T . cruzi
comme T. gondii peut se conduire en parasite opportuniste et la survenue de méningo-encéphalites secondaires à une réactivation de l'infection chez les chagasiques chroniques présentant une immunodépression acquise (infection par le VIH, hémopathies malignes) ou induite (greffe de moelle et transplantations), est maintenant bien connue. Ce sont des méningo-encéphalites fébriles parfois diffuses, mais bien plus fréquemment uni ou multifocales, se traduisant en imagerie numérisée par des lésions hypodenses, uniques ou multiples, prenant généralement bien le contraste, entourées d'une zone oedémateuse extensive, avec ou sans effet de masse, et siégeant le plus souvent dans les aires sous-corticales. Devant ces chagomes intra-cérébraux qui ne se voient que lors les réactivations, le problème du diagnostic différentiel avec la toxoplasmose, les lymphomes, les abcès bactériens ou mycotiques se pose tout naturellement.

Lors des réactivations, le cœur est le second organe concerné en terme de fréquence avec risque d'arythmie ou de défaillance cardiaque aiguë.        

6/10