L'objet des explications : la situation d'apprentissage
• L'enseignant, un concepteur et animateur de situations d'apprentissage
Analyser les moments d'explication collective au cours de la leçon, ne consiste pas à s'intéresser seulement à la façon dont l'enseignant explique une situation d'apprentissage mais aussi à ce qu'il propose comme situation d'apprentissage.
En effet, comme tout enseignant, le professeur d'EPS assure sur la durée d'une année scolaire, l'apprentissage effectif de ses élèves dans le cadre d'un enseignement collectif, en lien avec des acquisitions attendues par les programmes scolaires de sa discipline. Pour cela, il doit être capable de concevoir et animer des situations pédagogiques, condition première pour mettre les élèves en activité et les faire apprendre. Ces situations pédagogiques (appelées aussi tâches, situations d'apprentissage, situations d'enseignement-apprentissage) sont la base de toute leçon d'EPS et elles en constituent la structure.
« Concevoir, mettre en œuvre et animer des situations d'enseignement et d'apprentissage prenant en compte la diversité des élèves » est d'ailleurs l'une des compétences professionnelles requises pour l'exercice du métier d'enseignant. Elle est systématiquement mentionnée dans les Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation (arrêté du 01-07-2013,http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=73066)
• Aucune situation pédagogique n'a de valeur en elle-même !
Aucune situation pédagogique n'a de valeur en elle-même si elle n'est pas rattachée à une nécessité émanant à la fois des objectifs éducatifs visés pour le public d'apprenants concernés et de ce que sont capables de faire les élèves au moment où leur sera proposée la situation. Ainsi une situation d'apprentissage n'est pas un « prêt-à-porter » : elle est un ensemble de contraintes ou conditions conçues et agencées de façon à susciter la mobilisation d'un certain nombre de ressources chez les élèves et structurer, ainsi, de nouvelles acquisitions chez eux.
• Une situation s'inscrit dans une séquence d'apprentissage plus large
Une situation d'apprentissage s'inscrit toujours dans une séquence d'apprentissage plus large
où chaque situation est une étape dans une progression. Les situations et leur enchaînement logique donnent à la leçon sa cohérence interne ; la leçon s'inscrit à son tour dans un continuum de leçons, qui donne sa cohérence longitudinale au cycle d'enseignement ; ce dernier s'articule avec d'autres cycles pour assurer une cohérence interactive des cycles.
• Une situation intègre un dispositif d'organisation collective de la classe
La particularité du métier d'enseignant est qu'il s'adresse à un collectif d'élèves. Le rôle de l'enseignant n'est pas seulement de concevoir ce que les élèves doivent comprendre et apprendre, mais aussi comment ils vont l'apprendre en agissant collectivement. Une situation d'apprentissage intègre donc plusieurs paramètres, à la fois : ce qui est visé par l'enseignant, ce qui est à faire par l'élève, les modalités de fonctionnement collectif, et les modalités d' (auto-)évaluation du travail réalisé.
Ces paramètres sont une condition pour organiser le travail de la classe : ils permettent de favoriser la participation et l'implication de tous les élèves, de créer une dynamique de collaboration entre eux, et de susciter chez eux des activités propices à leur faire apprendre les nouvelles acquisitions visées.
Il va de soi que la structure d'une situation pédagogique ne suffit pas pour garantir que les élèves apprennent ce qui est visé. Une autre compétence est alors requise pour l'enseignant, savoir interagir avec les élèves pour expliquer, c'est-à-dire :
- savoir décrire et expliquer clairement la situation pédagogique à l'ensemble des élèves
- savoir adapter sa façon d'interagir de communiquer aux types de situations prévues et au public d'élèves concerné (postures, place, interventions verbales, vocabulaire et notions convoqués, vérification de la compréhension des consignes, durée d'explication, participation orale des élèves, démonstration, etc.).
L'explication d'une situation : quelles consignes ?
Pour pouvoir élaborer et expliquer des situations d'apprentissage, l'enseignant doit disposer au minimum d'un cadre de conception. S'il en existe plusieurs, certains modèles semblent perdurer en EPS, par exemple : celui de la Tâche motrice de Famose (1983)[1] et celui de Seners (1997)[3][2].
• Le modèle de la « Tâche motrice » proposé par Famose (1983)
La tâche motrice doit être considérée comme une construction, c'est-à-dire le résultat d'une mise en forme, d'agencement d'éléments permettant d'atteindre des objectifs.
« L'objectif est d'essayer de construire une sorte de grammaire de la tâche qui, à partir d'un nombre limité de règles de construction, permettrait de générer un nombre considérable de tâches motrices. (...) Par notre proposition, nous souhaitons contribuer à aider les enseignants à concevoir leur enseignement. Il ne s'agit pas pour nous de développer une théorie ni d'affirmer une idéologie pédagogique. (...) Nous voudrions au contraire montrer ce qui, pour chaque courant pédagogique, sert de fondement à la tâche motrice. » ( Famose, 1983, p. 9[1]).
« Chaque tâche est un assemblage qui résulte d'un choix entre une multitude de solutions élémentaires. Mais pour choisir un assemblage particulier, il faut savoir quelles sont toutes les variations possibles d'une tâche. C'est seulement à partir de cet ensemble de possibilités que l'on pourra adopter l'assemblage qui convient le mieux aux fonctions à remplir » (Famose, 1986).
La tâche motrice est structurée par un ensemble de quatre éléments appelés constituants fondamentaux. Il s'agit de consignes sur : (1) le But, (2) les Opérations, (3) l'Aménagement matériel, (4) les Critères de réussite. Selon que les Opérations sont plus ou moins précises, l'activité des élèves est plus ou moins guidée : la tâche peut alors être non définie, semi-définie, ou définie (opérations précises).
• Le modèle proposé par Seners (1993)
Pour construire une situation d'apprentissage, Seners (1993)[4] propose de suivre 4 étapes : (1) définir l'Objectif de la situation en terme d'apprentissages visés, (2) préciser les Opérations à suivre pour éviter les éventuels tâtonnements, (3) prévoir un Aménagement matériel et humain, ayant une fonction de guidage de l'activité des élèves et une fonction de sécurité par rapport aux risques encourus, (4) prévoir une Évaluation pour l'élève.
• La structure d'une situation d'apprentissage : synthèse
Chaque enseignant d'EPS conçoit à sa manière la structure d'une situation pédagogique et choisit de retenir tels ou tels éléments plutôt que d'autres. Pour autant, leurs pratiques reflètent un cadre de conception relativement partagé et sur lequel ils s'appuient pour construire leurs situations. Ce cadre propose de bâtir une situation sur la base d'un ensemble de 6 éléments :
De plus, selon Piéron (1992, p.122)[5], « La présentation des activités peut s'envisager sous deux optiques :
- Soit chercher cette information chez l'élève ou mieux, l'aider à la construire
- Soit fournir directement une information sur l'activité à réaliser »
Ainsi, au-delà du modèle de conception de la tâche, se pose la question du contenu à apporter pour expliquer une tâche, car comme a pu le souligner Durand (2001, p.220)[6] on peut noter « l'existence d'une contradiction permanente, souvent résolue de façon insatisfaisante, entre la transmission et la découverte »