3 . 4  -  Déformations du rachis de l’enfant et de l’adolescent

3 . 4 . 1  -  Préambule


La plupart des déformations rachidiennes de l’enfant sont asymptomatiques sur le plan fonctionnel. Leur diagnostic repose le plus souvent sur un dépistage systématique. Ce chapitre sera centré selon les objectifs de l’ECN sur le dépistage, le diagnostic et les risques des seules scolioses à connaître par l’étudiant.

La scoliose est une déformation du rachis dans les trois plans de l’espace (frontal, sagittal et horizontal). Son diagnostic repose sur la mise en évidence de la gibbosité, pathognomonique de la scoliose structurale (vraie).

La cyphose est une déformation dans le plan sagittal. Elle est souvent associée à une dystrophie rachidienne de croissance qui se révèle au moment de la période de l’adolescence par une déformation caractéristique et parfois des plaintes douloureuses.

3 . 4 . 2  -  Dépister : qui ?


Dans plus de 80 % des cas, la scoliose est idiopathique. Le dépistage doit être réalisé de façon systématique à l’adolescence.

La scoliose idiopathique concerne la fille dans 80 % des cas. Les antécédents familiaux de scoliose idiopathique vraie augmentent le risque d’être porteur de cette affection.

Certaines pathologies constituent des facteurs de risque accrus dans un contexte où le diagnostic est le plus souvent évident (scoliose neuromusculaire, scoliose malformative dite congénitale, scoliose dystrophique).

3 . 4 . 3  -  Dépister : pourquoi ?


La scoliose, comme la cyphose, a un risque d’aggravation d’autant plus nette que la croissance staturale est rapide. Toute scoliose chez un enfant est à risque d’aggravation au cours de sa croissance, mais le risque est maximum en période pubertaire.

Une scoliose d’amplitude élevée (> 30°) comporte des risques non négligeables (surtout si elle siège dans le secteur thoraco-lombaire ou dans le secteur lombaire) et peut se compliquer de douleurs arthrosiques précoces à l’âge adulte, de troubles respiratoires (diminution de la capacité vitale et du VEMS) et de troubles psychologiques liés à la « mal tolérance » d’un aspect dysmorphique.

L’objectif du dépistage est alors de permettre la mise en Ĺ“uvre d’un traitement précoce afin de stabiliser la courbure et de conduire l’adolescent à la maturité pubertaire avec une déformation rachidienne de la plus faible amplitude possible.

Des rachialgies anorganiques sont fréquentes chez l’enfant (item 92) ; une scoliose douloureuse doit laisser craindre une infection (spondylodiscite) ou une tumeur osseuse intra- ou extracanalaire (diagnostic rare mais à redouter).

3 . 4 . 4  -  Dépister la scoliose : comment ?


Principes

La scoliose est une déformation de la colonne vertébrale parfaitement visible dans un plan frontal (fig. 6.9).

Figure 9 : Scoliose double chez une jeune fille de 14 ans
Elle présente une courbure thoracique droite de 60° et une courbure lombaire gauche de 50°. Sa maturation pubertaire est déjà avancée. Elle n’a aucun phénomène douloureux mais la probabilité que sa scoliose s’aggrave à l’âge adulte est très importante. La déformation du rachis lombaire en particulier expose à un risque élevé de lombalgies. L’angle de Cobb est défini par les 2 lignes parallèles aux 2 plateaux vertébraux les plus inclinés par rapport à l’horizontale. Ici T5–T11 pour la courbure thoracique et T12–L4 pour la courbure lombaire.

Dans la très grande majorité des cas, il s’agit d’une lordoscoliose. La cyphoscoliose est une entité exceptionnelle en rapport avec des déformations de forte amplitude ou associée à une pathologie osseuse.

L’enfant est examiné en position debout de face, de profil, de dos et en antéflexion.

Dans le plan horizontal, il y a toujours rotation des vertèbres autour de leur axe vertical (fig. 6.10A). C’est cette rotation qui se traduit cliniquement par la gibbosité (fig. 6.10B).

Figure 10A : Gibbosité thoracique
A. Coupe TDM du tronc d’un enfant ayant une scoliose thoracique droite : on note que la vertèbre thoracique est déviée vers la droite (sur une radio de face telle que la figure 6.9, cela correspond à la courbure à convexité droite). Mais surtout, on note que l’axe antéro-postérieur de la vertèbre est orienté en avant et à droite. Le corps vertébral est donc fortement translaté à droite alors que la ligne des épineuses reste proche de l’axe du tronc. Cette rotation de la vertèbre entraîne du côté droit la saillie des côtes en arrière et souvent leur effacement en avant de sorte que l’on peut aussi observer du côté opposé la déformation inverse (effacement postérieur gauche des côtes et gibbosité thoracique antérieure gauche).
Figure 10B : Gibbosité thoracique
B. Aspect clinique de la gibbosité chez le même patient. Quand l’enfant est placé en antéflexion, face à l’opérateur, le regard tangentiel permet de voir une image similaire à la coupe TDM. Le relief costal du côté droit réalise la gibbosité (mesurée par la distance « g » qui sépare l’horizontale au sommet de la gibbosité de la surface du thorax à un point équidistant par rapport à la ligne des épineuses).

Gibbosité

Pour mettre en évidence la gibbosité, l’examinateur, assis, place l’enfant devant lui debout de face ou de dos. Il vérifie le bon équilibre du bassin (épines iliaques antéro-supérieures de face ou fossettes iliaques de dos). Les mains de l’enfant sont jointes pour équilibrer les épaules. L’enfant se penche en avant, mains jointes pour toucher ses pieds (fig. 6.10B).

Le reste de l’examen confirme l’existence de la scoliose : déséquilibre de hauteur des épaules, saillie asymétrique des scapula, déséquilibre du tronc, asymétrie des plis de la taille, déviation de la ligne des épineuses. Il est utile que le diagnostic de gibbosité soit rapporté au stade de développement pubertaire (stade de Tanner, indice de Risser).

Avant d’affirmer le diagnostic de scoliose idiopathique, il convient de rechercher les stigmates cliniques d’une étiologie possible : hyperlaxité tissulaire et signes cliniques associés d’une maladie de Marfan, anomalie du revêtement cutané avec des taches café au lait évocatrices d’une neurofibromatose, angiome ou touffe pilleuse en arrière sur la ligne médiane évocateurs d’une malformation vertébrale, anomalies de l’examen neurologique (asymétrie du tonus musculaire, asymétrie des réflexes, abolition des réflexes cutanés abdominaux…) qui nécessiteront le plus souvent des explorations complémentaires.

Le dépistage de la scoliose repose sur la mise en évidence d’un diagnostic de gibbosité.

Ce qui n’est pas une scoliose : une attitude scoliotique (bassin équilibré ; pas de rotation vertébrale ; disparition de la déviation sur un cliché en décubitus).

Premier bilan d’imagerie

Il comporte une radiographie du rachis en entier de dos et de profil en position debout (fig. 6.9). Cette radiographie permettra de calculer l’angle de Cobb dont l’évaluation facilite la surveillance de la scoliose et son évolutivité. Le cliché de profil met en évidence les courbures sagittales. Il n’est pas nécessairement répété au cours de la surveillance. Idéalement, l’enfant est placé de dos pour diminuer l’exposition des gonades, des seins et de la thyroïde.

La radiographie du rachis en entier en position debout constitue la base de la surveillance de la statique rachidienne.

3 . 4 . 5  -  Attitude pratique en cas de scoliose


Si la déformation est de faible amplitude (angle de Cobb < 15°) et si l’enfant est encore en période de croissance, une réévaluation clinique et radiologique est indispensable dans un premier temps avec un rythme semestriel.

Les contrôles peuvent être espacés progressivement. En cas d’évolutivité, le retour au spécialiste orthopédiste pédiatre est indispensable.

La base de la prise en charge d’une scoliose évolutive est, selon les conférences de consensus, toujours orthopédique et repose sur la mise en place d’un corset.

La rééducation (kinésithérapie) est complémentaire du traitement orthopédique. Aucune activité sportive n’est contre-indiquée.

Le traitement chirurgical est réservé aux formes sévères de scoliose, diagnostiquées tardivement ou ayant échappé au traitement orthopédique. Il est assuré par une arthrodèse vertébrale qui maintient l’alignement corrigé des vertèbres.

Question pour le clinicien (l’étudiant) devant une suspicion diagnostique de scoliose :

  • est-ce une scoliose et non une attitude scoliotique ?
  • → gibbosité et mesure de l’angle de Cobb = scoliose ;
  • est-ce une scoliose idiopathique ?
  • → examen clinique : dysmorphie, examen neurologique, examen cutané, hyperlaxité tissulaire ;
  • à quel stade de croissance et de maturation le diagnostic doit-il être porté ?
  • → le plus tôt possible par un dépistage systématique (gibbosité) ;
  • quel est le potentiel évolutif de cette scoliose ?
  • → il est apprécié par des examens cliniques et radiologiques répétés ;
  • quelle orientation proposer à la famille ?
  • → orthopédiste pédiatre en cas de scoliose évolutive et/ou sévère.

3 . 4 . 6  -  Dépister la cyphose : comment ?


La cyphose est une déformation du rachis dans le plan sagittal. Le plus souvent, il s’agit d’une augmentation de la cyphose physiologique du secteur thoracique (fig. 6.11A), mais il peut aussi s’agir d’une diminution voire d’une inversion de la lordose du secteur cervical ou du secteur lombaire.

Les conséquences de cette seule déformation sont essentiellement disgracieuses, mais aussi douloureuses à l’adolescence ou à l’âge adulte.

La dystrophie rachidienne de croissance (maladie de Scheuermann) est la 1re cause de cyphose de l’adolescent (fig. 6.11B). Les douleurs se situent essentiellement au sommet de la déformation.

Les autres causes (malformation congénitale ou maladie osseuse constitutionnelle) s’inscrivent dans un contexte d’évaluation spécialisée.

Figure 11A : Cyphose de dystrophie rachidienne de croissance
A. Cyphose thoracique chez un adolescent. Elle est mesurée cliniquement par les flèches des processus épineux au plus creux de chaque lordose cervicale et lombaire. Cet adolescent a des douleurs du rachis thoracique en rapport avec sa dystrophie osseuse. À l’âge adulte il risque de souffrir de cervicalgies ou de lombalgies en rapport avec les hyperlordoses compensatrices qu’il développe.
Figure 11B : Cyphose de dystrophie rachidienne de croissance
B. Images de dystrophie rachidienne de croissance (maladie de Scheuermann) chez le même patient. Les plateaux vertébraux sont irréguliers et ont perdu leur parallélisme.
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