9  -  Traitement curatif


Une des difficultés majeures du traitement (curatif ou prophylactique) de paludisme réside actuellement dans la progression des résistances de P. falciparum vis à vis des antipaludiques en général, et de la chloroquine en particulier (antipaludique très largement utilisé à l’échelle mondiale pendant toute la 2ème moitié du 20ème siècle). Le phénomène est apparu dans les années 60. Actuellement les résistances continuent de progresser à la fois en termes géographiques (de plus en plus de pays sont touchés) et en terme d’intensité (la chloroquine n’est plus la seule molécule concernée).

Les grandes règles de prise en charge du paludisme exposées dans ce cours sont basées sur les recommandations de la dernière conférence de consensus sur la prise en charge du paludisme d’importation qui s’est tenue en 2007.

9 . 1  -  Prise en charge d'une forme non compliquée

9 . 1 . 1  -  Accès palustre à P. falciparum


Un accès non compliqué est, par définition, un épisode aigu de paludisme se caractérisant par l’absence de signes de gravité. Dans cette forme le patient doit toujours guérir. Le choix du protocole thérapeutique doit donc être guidé par l’efficacité théorique de la molécule et sa faible toxicité : rapport bénéfice / risque. Cinq produits sont actuellement d’utilisation courante, tous utilisables per os : la quinine, la méfloquine, l’halofantrine et l’atovaquone-proguanil.

  • atovaquone – Proguanil (Malarone) : per os, 4 comprimés dosés 250 mg / 100 mg, chez un adulte et un enfant de plus de 40 kg (12 ans environ), en 1 prise par jour avec un aliment riche en lipides, pendant 3 jours consécutifs. Surveiller la survenue de vomissements en début de traitement.
  • artéméther-luméfantrine (Riamet, Coartem), comprimés dosés à 20 mg/120 mg pour un adulte et un enfant de plus de 35 kg : 6 prises de 4 comprimés  à H0, H8, H24, H36, H48 et H60, avec des aliments riches en lipides, pendant 3 jours. Cette bithérapie, comprenant un dérivé de l’artémisinine d’action rapide, est très efficace préconisée. Elle est disponible sur prescription hospitalière depuis 2008.
  • dihydroartémisinine-pipéraquine (Eurartesim), comprimés dosés à 320 mg / 40 mg : 1 prise de 3 comprimés par jour pendant 3 jours pour un adulte et un enfant de plus de 35 kg. Un allongement de l’espace QT est possible avec cette spécialité récemment commercialisée et justifie de sa contre-indication en cas d’allongement congénital de l’espace QTc et d’antécédents de cardiopathies.
  • quinine (Quinimax, Quinine Lafran, Surquina) : per os, 24 mg/kg (quinine base) en 3 prises par jour pendant 7 jours. En cas de troubles digestifs (vomissements), on débute un traitement par voie intraveineuse : 24 mg/kg en 3 perfusions lentes (sur 4 heures toutes les 8 heures) ou en perfusion continue sur 24 heures. Un relais per os est possible. La quinine ne présente aucun risque de complications mortelles en dehors d’une erreur de posologie lors d’un usage par voie intraveineuse. Elle provoque assez souvent des effets indésirables auditifs transitoires (acouphènes) ;
  • méfloquine (Lariam), comprimés quadrisécables à 250 mg : 25 mg/kg répartis en 3 prises sur 24 heures (un seul jour). La méfloquine présente un risque de complications neuropsychiatriques rares mais potentiellement sévères et entraîne souvent des effets secondaires modérés (nausées, vomissements, vertiges). Elle est contre-indiquée en cas d’antécédents de troubles psychiatriques, même minimes ;
  • halofantrine (Halfan), comprimés à 250 mg : 24 mg/kg en 3 prises, espacées de 6 heures, à distance des repas (un seul jour). Une seconde cure, à demi-dose, est nécessaire 7 jours plus tard pour réduire les rechutes. L’halofantrine présente un risque de complications cardiaques parfois mortelles (troubles du rythme par allongement de l’espace QT) et nécessite donc une surveillance ECG.

En pratique, il faut :

  • adulte : préférer l’atovaquone-proguanil ou l’artéméther-luméfantrine en première intention, la quinine ou la méfloquine en deuxième intention ; n’utiliser l’halofantrine qu’avec la plus grande prudence (ECG obligatoire) ;
  • femme enceinte : seule la quinine est préconisée sans réserve parmi les cinq médicaments vus précédemment, bien que la méfloquine ne soit plus contre-indiquée et que l’atovaquone-proguanil soit utilisable en cas de nécessité ; l’artéméther-luméfantrine, déconseillée au premier trimestre de la grossesse, peut être prescrite aux deuxième et troisième trimestres ;
  • enfant :
    • en première intention : la méfloquine, l’atovaquone-proguanil (comprimés enfant dosés à 62,5 mg/25 mg ; de 5 kg à 8 kg de poids : 2 comprimés enfant ; de 9 kg à 10 kg : 3 comprimés enfant ; de 11 kg à 20 kg : 1 comprimé adulte ; de 21 kg à 30 kg : 2 comprimés adulte ; de 31 kg à 40 kg : 3 comprimés adulte) ou l’artéméther-luméfantrine (de 5 kg à 14 kg de poids : 1 comprimé par prise ; de 15 kg à 24 kg : 2 comprimés par prise ; de 25 kg à 34 kg : 3 comprimés par prise) ;
    • en deuxième intention : la quinine ou l’halofantrine sont utilisables, le risque de complications cardiaques dues à l’halofantrine étant moindre chez l’enfant (sous réserve du respect des contre-indications et de la réalisation d’un ECG) et la forme suspension buvable à 2 % étant bien adaptée.

Le traitement ambulatoire d’un accès palustre non compliqué survenant chez un adulte peut se concevoir avec certaines précautions pour garantir une bonne prise en charge thérapeutique : surveiller à la consultation l’absence de vomissement dans les 2 heures qui suivent la première prise médicamenteuse, s’assurer de la présence d’une personne de confiance au domicile pour la surveillance du malade, programmer un contrôle clinique et parasitologique à J3, J7 et J28.

Il est en revanche recommandé d’hospitaliser de manière systématique les enfants et les femmes enceintes.

9 . 1 . 2  -  Accès palustre à P. vivax, P. ovale ou P. malariae ou P. knowlesi


La chloroquine (Nivaquine) garde sa place mais il convient d’être certain du diagnostic d’espèce. Dans le doute, il faut considérer le patient comme étant a priori infecté par P. falciparum.

Chez l’adulte, le traitement est la Nivaquine (comprimé à 100 mg) : 5 comprimés par jour pendant 5 jours ou 6 comprimés les premier et deuxième jours et 3 comprimés le troisième jour (soit environ 25 mg/kg de dose totale répartie sur 3 jours : 10 mg/kg les deux premiers jours, 5 mg/kg le troisième).

Chez le petit enfant, il faut préférer le sirop (25 mg par cuillère-mesure) : 10 mg/kg par jour pendant 2 jours, 5 mg/kg le troisième jour.

Les seules chimiorésistances connues à la chloroquine concernent P. vivax, en Asie du Sud-Est essentiellement.

Pour prévenir les accès de reviviscence à P. vivax ou P. ovale, il existe une molécule, la primaquine, active sur les formes hépatocytaires (hypnozoïtes). Ce médicament n’est pas commercialisé en France mais est disponible sur ATU nominative (obtenue à l’Afssaps). Il est maintenant recommandé de prescrire la primaquine dès le premier accès, après avoir éliminé un déficit en G6PD chez le patient.

9 . 2  -  Prise en charge d'un paludisme grave


Les modalités de prise en charge d’un paludisme grave reposent sur les principes suivants :

  • identification des signes de gravité : face à un accès palustre (cliniquement suspecté ou déjà confirmé biologiquement), il est impératif de rechercher les critères de gravité exposés précédemment. Tout paludisme grave doit être hospitalisé en urgence dans une unité de soins intensifs ou de réanimation ;
  • mise en route immédiate d’un traitement à base :
    • Soit de quinine par voie intraveineuse selon le schéma suivant :
      • dose de charge de 16,7 mg/kg de quinine base en 4 heures chez l’adulte ;
      • suivie d’un traitement d’entretien de 8 mg/kg toutes les 8 heures, en perfusion continue ou en perfusion de 4 heures dans du sérum glucosé à 10 % ;
    • Soit d’artésunate en intraveineux (Malacef), flacons de 60 mg disponibles sur ATU nominative auprès des pharmacies hospitalières, à la dose de 2,4 mg/kg à H0, H12 et H24, puis toutes les 24 h pendant 7jours en IV lente manuelle ou seringue électrique. Ce produit a une rapidité d’action supérieure à celle de la quinine et empêche la cytoadhérence. Il a montré une supériorité sur la quinine en termes de mortalité.
  • relais per os dès que l’état du malade le permet, la durée totale de traitement devant être de 7 jours si la quinine est poursuivie ; un relais par l’atovaquone-proguanil ou par l’artéméther-luméfantrine est possible,  avec 3 jours de traitement ;
  • traitement symptomatique : en cas de défaillance viscérale, le traitement antiparasitaire devra être complété par des mesures de réanimation ;
  • enfant et femme enceinte : les principes de prise en charge sont les mêmes en tenant compte d’un risque plus élevé d’hypoglycémie. Les doses de charge chez l’enfant sont contre-indiquées.
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