L’infection palustre peut entraîner, de manière directe ou indirecte d’autres complications. Ces complications sont la conséquence d’infestations chroniques et surviennent donc de manière exceptionnelle chez des sujets caucasiens. En revanche on peut encore observer ces tableaux en zone d’endémie ou, en Europe, chez des migrants ayant vécu de nombreuses années en zone d’endémie et ayant souvent pratiqué une automédication insuffisante. Il faut citer le paludisme viscéral évolutif, la splénomégalie palustre hyperréactive et la fièvre bilieuse hémoglobinurique.
- Paludisme viscéral évolutif
Il s’agit d’une manifestation chronique atteignant préférentiellement l’enfant vivant en zone d’endémie ou l’adulte non prémuni, soumis à des inoculations parasitaires répétées. Cliniquement le tableau associe : une anémie importante (avec pâleur, dyspnée, asthénie, souffle anorganique et oedèmes), une splénomégalie importante, une fébricule autour de 38° avec parfois des poussées thermiques plus importantes et, chez l’enfant, un retard staturo-pondéral. Le parasite est retrouvé dans le sang périphérique du malade (mais la parasitémie peut être très faible et le diagnostic difficile), la sérologie du paludisme est positive mais avec un taux d’anticorps classiquement moins élevé qu’en présence d’une splénomégalie palustre hyperréactive (voir plus loin), le taux d’IgG est élevé mais le taux d’IgM est normal. L’évolution sous traitement prolongé est spectaculaire.
- Splénomégalie palustre hyperréactive (SMH)
Initialement décrit sous le nom de « Splénomégalie Tropicale Idiopathique », la SPH a surtout été décrite chez l’autochtone vivant en zone impaludée. A la différence du paludisme viscéral évolutif, elle s’observe plus volontiers chez l’adulte. Il s’agit d’une maladie des immuns-complexes provoquée par une réaction démesurée de la rate à la stimulation prolongée des phagocytes mononuclées par des complexes immuns circulants. Il en résulte une splénomégalie avec hypersplénisme entraînant une chute des 3 lignées sanguines et production d’IgG et IgM en quantité exagérée. La sérologie anti-malarique doit être fortement positive pour pouvoir retenir le diagnostic, qui face à une splénomégalie, doit rester un diagnostic d’exclusion. L’évolution est favorable sous traitement antipaludique mais très lente.
- La fièvre bilieuse hémoglobinurique
Devenue exceptionnelle, elle ne constitue pas à proprement parler une manifestation du paludisme mais seulement un syndrome d’étiologie immuno-allergique. Classiquement elle survenait chez un ancien paludéen à P. falciparum soumis, plusieurs années auparavant, à une chimioprophylaxie, souvent irrégulière, par la quinine. Elle consiste en une hémolyse intravasculaire. Le début est brutal marqué par des lombalgies violentes et un état de prostration. Une fièvre, des vomissements alimentaires puis bilieux surviennent. Un ictère hémolytique apparaît avec anémie, collapsus, oligurie ou oligo-anurie faite « d’urines porto ». Parmi les facteurs déclenchant on retient classiquement une nouvelle prise de quinine, le froid (« fièvre de débarquement ») mais des tableaux similaires ont été observés récemment avec l’halofantrine et la méfloquine. Le pronostic est fonction de la rapidité à corriger l’anémie et à obtenir une reprise de la diurèse avant l’évolution vers l’insuffisance rénale.
Paludisme chez l'enfant
Dans les pays développés, du fait de la multiplication des transports aériens, le nombre de paludismes d’importation augmente régulièrement dans les services de pédiatrie, mais les formes graves sont rares chez l’enfant. Les critères de gravité de l’OMS n’ont pas été évalués chez l’enfant voyageur. En pratique les signes de gravité les plus importants sont neurologiques : convulsions et troubles de conscience. Toute convulsion fébrile chez un enfant au retour d’une zone d’endémie palustre doit faire évoquer un accès palustre grave. Il faut aussi se méfier des formes trompeuses particulièrement fréquentes chez l’enfant : inconstance de la fièvre, troubles digestifs dominant le tableau clinique, tableau abdominal pseudo-chirurgical.
En zone d’endémie les 2 formes cliniques les plus fréquemment observées en pédiatrie sont l’anémie grave et le neuropaludisme. La prévalence respective de ces 2 complications varie en fonction de l’intensité de transmission dans la région considérée. En zone de paludisme stable (transmission intense) on observe préférentiellement les anémies graves chez les plus jeunes enfants (< 2 ans) et le neuropaludisme chez les plus grands (2 - 5 ans). A partir de 5 ans en moyenne, l’acquisition progressive d’un état de prémunition fait diminuer le risque d’accès grave. L’hypoglycémie et l’acidose métabolique (pouvant entraîner une détresse respiratoire) sont deux autres critères importants chez l’enfant. Les autres signes de gravité sont beaucoup moins souvent retrouvés que chez l’adulte.
Paludisme chez la femme enceinte
Le paludisme est grave chez la femme enceinte avec un double risque :
- risque d’accès grave chez la mère
- risque pour le fÅ“tus : avortement spontané ou accouchement prématuré, petit poids de naissance.
Il convient donc de traiter en urgence tout accès palustre chez une femme enceinte par de de la quinine ou par les dérivés de l’artémisinine aux deuxième et troisième trimestres. En revanche il faut savoir que le risque d’hypoglycémie au cours de l’accès à P. falciparum, majoré par la quinine, est plus fréquent chez la femme enceinte.
En zone d’endémie, le paludisme a des répercussions particulièrement graves chez les femmes enceintes, et ce, pour plusieurs raisons :
- Par des mécanismes physiopathologiques encore imparfaitement connus, les femmes enceintes sont plus exposées au risque d’accès palustre grave que le reste de la population (à âge égal dans une même région épidémiologique).
- Les accès palustres répétés majorent considérablement les anémies, déjà fréquentes dans ces populations souvent défavorisées (carences nutritionnelles, multiparité) augmentant le risque de mort maternelle à l’accouchement.
- Le paludisme augmente le risque d’avortement, d’accouchement prématuré et d’insuffisance pondérale à la naissance.
- En revanche le véritable paludisme congénital est une éventualité relativement rare. Par conséquent le paludisme est une importante cause de surmortalité maternelle et infantile.
Paludisme sous chimioprophylaxie
La survenue d’un paludisme sous prophylaxie médicamenteuse est actuellement une éventualité envisageable. Cela peut être la conséquence d’une chimioprophylaxie inadaptée à la zone géographique (niveau de résistance élevée) ou, plus souvent encore, d’une chimioprophylaxie mal suivie (prise de manière irrégulière ou arrêtée trop tôt après le retour). Mais une chimioprophylaxie, même bien conduite, ne doit pas écarter le diagnostic. Le tableau clinique peut être trompeur (fièvre absente ou peu élevée) et le diagnostic biologique difficile (parasitémie très faible, morphologie parasitaire altérée).
Paludisme transfusionnel et paludisme post-transplantation
Le paludisme post-transfusionnel est possible car les hématozoaires peuvent résister à une température de + 4 °C pendant 3 semaines. En France, un dépistage par sérologie est systématiquement réalisé chez les sujets donneurs ayant voyagé en zone d’endémie, entre 4 mois et 3 ans après le retour.
De la même manière, des cas de paludismes transmis après transplantation d’organes ont été décrits. Un dépistage systématique du paludisme est réalisé en cas de don d’organes. En cas de positivité, la greffe n’est pas exclue et le receveur sera traité.