5  -  Modalités épidémiologiques


L’épidémiologie du paludisme est extrêmement variable d’une zone géographique à une autre. Cette hétérogénéité est sous la dépendance de nombreux facteurs. Nous avons déjà évoqué le rôle de la distribution des anophèles et leur capacité vectorielle, ainsi que les caractéristiques biologiques des parasites. Un autre facteur extrêmement important est le rôle de l’immunité. Même si le paludisme entraîne la mort d’un très grand nombre de personnes chaque année (entre 750 000 et 1 million) la mortalité est faible (<1%) par rapport au nombre présumé d’accès palustres survenant sur une même période. La réponse clinique à l’infection est extrêmement variable allant de l’infection asymptomatique à la survenue d’un accès grave pouvant entraîner la mort du patient.

5 . 1  -  Immunité naturelle


Bien qu’encore imparfaitement connus, il existe très probablement des facteurs génétiques conférant à certains sujets une immunité naturelle, au moins partielle. On évoque des facteurs érythrocytaires : trait drépanocytaire (sujet hétérozygote AS), groupe sanguin Duffy négatif, et des facteurs non érythrocytaires : groupe HLA, polymorphisme de la réponse immune, facteurs ethniques …

5 . 2  -  Immunité acquise


Elle joue incontestablement un rôle essentiel dans le paludisme. Cette immunité s’acquiert progressivement en situation d’exposition continue. Cette immunité n’est pas stérilisante (elle n’empêche pas d’être de nouveau contaminé) et ne permet pas de se débarrasser totalement du parasite. En revanche elle empêche progressivement la survenue de formes cliniques graves. Cela explique que, en zone de transmission intense, les jeunes enfants payent le plus lourd tribut à la maladie, à partir de l’âge de 4 à 6 mois lorsque la protection maternelle transmise s’amenuise et jusqu’à 4 à 6 ans. Progressivement le risque d’accès grave diminue alors que le sujet tolère des parasitémies de plus en plus importantes tout en restant cliniquement asymptomatique. En zone de transmission intense il est exceptionnel qu’un sujet adulte fasse un accès grave.

Cette immunité est donc « non stérilisante », fonction de l’espèce, et ne se développe qu’après une longue période d’exposition ininterrompue. Elle est transmissible (nouveau-nés). En revanche elle n’est jamais totale et jamais définitive. Un sujet transplanté en zone tempérée pendant 2 ou 3 ans perd progressivement sa protection. Lorsqu’il retourne dans son pays, il est redevenu vulnérable, au même titre un sujet « neuf » récemment arrivé en zone d’endémie. Cette situation est fréquemment observée dans les hôpitaux français où, chaque année, de nombreux accès palustres sont diagnostiqués chez des sujets africains, vivant en France depuis plusieurs années, et qui sont retournés dans leur pays pour des vacances.

En raison des caractéristiques de cette protection, on utilise plus volontiers le terme d’état de prémunition plutôt que d’immunité. Bien évidemment un sujet n’ayant jamais vécu en zone d’endémie (voyageur, expatrié récent) est totalement exposé au risque de paludisme grave, quel que soit son âge.


Les zones épidémiologiques et indices

  • Zones épidémiologiques

La variation de transmission d'une région à l'autre permet de définir des zones épidémiologiques.

Zones épidémiologiques
Zone Transmission Immunité chez l'adulte Type de paludisme
Holoendémique  Intense toute l'année  Solide  Paludisme stable
Hyperendémique   Intense avec variation saisonnière  Significative   Paludisme stable
Mésoendémique  Variable  Non significative   Paludisme instable
Hypoendémique  Faible  Nulle   Paludisme instable
  • Indices paludométriques

Ces indices sont les outils qui permettent aux épidémiologistes d'évaluer, dans une région donnée, le niveau de l'endémie palustre.    
¤ Indice plasmodique (IP) : pourcentage de sujets examinés ayant des hématozoaires dans le sang.    
¤ Indice splénique (IS) : nombre de sujets présentant une splénomégalie par rapport à 100 sujets examinés. Ces 2 indices ont été très utilisés chez les enfants âgés de 2 à 9 ans pour définir les différentes zones d'endémie.   
 ¤ Enquêtes séro-immunologiques : elles permettent également d’évaluer les taux d’anticorps par classe d’âge et de suivre leurs variations saisonnières. Leur valeur est plus grande que celle de l’indice splénique car les étiologies de splénomégalies tropicales sont multiples.   
¤ Indice sporozoïtique et oocystique : pourcentage des anophèles femelles présentant respectivement des sporozoïtes dans les glandes salivaires et des oocystes sur la paroi externe de l’estomac. Bien qu’il existe de nombreuses espèces de Plasmodium d’animaux présentes chez les anophèles, ces indices peuvent refléter l’anthropophilie du moustique.

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