Le paludisme à P. falciparum du sujet non immun (jeune enfant en zone d’endémie, femme enceinte, expatrié, voyageur) est potentiellement mortel. Le décès, quand il survient, est secondaire à la défaillance aiguë d’une ou de plusieurs grandes fonctions, et ce, parfois, même si la mise en place d’un traitement étiologique s’avère efficace. Seule l’instauration rapide d’une réanimation adaptée peut alors sauver le malade.
Il est donc absolument fondamental de connaître les critères de gravité du paludisme à P. falciparum pour identifier les patients qui justifient d’une hospitalisation en urgence, si nécessaire dans une Unité de Soins Intensifs. Un paludisme grave peut donc prendre différentes formes cliniques dont la plus importante est l’atteinte cérébrale.
On regroupe sous le terme de neuropaludisme (accès pernicieux ou "cerebral malaria" chez les anglo-saxons) toutes les manifestations neurologiques conséquence de l’atteinte cérébrale au cours de l’accès palustre : troubles de la conscience, prostration et convulsions.
Le début peut être progressif ou brutal
L’accès pernicieux à début progressif est marqué par l’installation d’une fièvre irrégulière, d’un syndrome algique diffus, associé à des troubles digestifs. L’examen clinique peut déjà révéler une composante neurologique faisant évoquer l’évolution vers un paludisme grave.
En pratique clinique : « tout malade présentant une atteinte de la conscience ou tout autre signe de dysfonctionnement cérébral au retour d’une zone d’endémie palustre doit être traité dans la plus grande urgence comme un neuropaludisme».
Le neuropaludisme à début brutal se traduit par une triade symptomatique (fièvre, coma, convulsions) à laquelle s’ajoute fréquemment une détresse respiratoire. Il est fréquent chez le jeune enfant en zone d’endémie (< 5 ans) et peut entraîner la mort en quelques heures.
Phase d’état
La fièvre est le plus souvent très élevée et le tableau neurologique se complète pouvant associer :
Evolution
Non traité, le neuropaludisme est mortel en deux ou trois jours. Avec une prise en charge adaptée, la mortalité reste lourde (10 à 30 %). Lorsqu’elle est obtenue, la guérison se fait généralement sans séquelle, sauf chez l’enfant (5 à 10 % de séquelles définitives). Le pronostic global repose essentiellement sur la rapidité du diagnostic.
L’OMS a défini des critères de gravité du paludisme. La présence d’un seul de ces critères, clinique ou biologique, associé à la présence de P. falciparum dans le sang, fait porter le diagnostic d’accès palustre grave. Mais il est important de noter que ces critères, élaborés en zone d’endémie, n’ont pas été validés sur une population non-immune (cas de la majorité des paludismes d’importation observés en France) et notamment pas chez les enfants voyageurs.
Troubles de la conscience | Score de Glasgow modifié ≤ 9 chez l’adulte et enfant de plus de 5 ans Score de Blantyre ≤ 2 chez le petit enfant |
Convulsions répétées | ≥ 2 / 24 heures (malgré la correction de l’hyperthermie) |
Prostration | Extrême faiblesse ou chez l’enfant : « Impossibilité, de tenir assis pour un enfant en âge de le faire, ou de boire pour un enfant trop jeune pour tenir assis » |
Détresse respiratoire | Définition clinique |
Ictère | Clinique ou biologique (bilirubine > 50 µmol/L) |
Hémoglobinurie macroscopique | Urines rouges foncées ou noires Hémoglobinurie ou myoglobinurie à la bandelette Absence d'hématurie microscopique |
Collapsus circulatoire | TAS < 80 mmHg chez l'adulte TAS < 50 mmHg chez l'enfant |
Oedème pulmonaire | Définition radiologique |
Saignement anormal | Définition clinique |
Anémie grave | Adulte : Hb < 7 g/dL ou Hte < 20 % Enfant : Hb < 5 g/dL ou Hte < 15% |
Hypoglycémie | Glycémie < 2,2 mmol/L |
Acidose métabolique | pH < 7,35 ou bicarbonates < 15 mmol/L |
Hyperlactatémie | Lactates plasmatiques > 5 mmol/L |
Hyperparasitémie | > 4% chez un sujet non immun |
Insuffisance rénale | Créatininémie > 265 µmol/L après réhydratation ou diurèse < 400 mL/24h chez l'adulte (< 12mL/kg/24h chez l'enfant) |
En France, suite à la conférence de consensus sur la prise en charge du paludisme d’importation à P. falciparum (1999, révisée en 2007), les critères de gravité ont été adaptés aux tableaux cliniques observés chez ces patients et aux moyens des hôpitaux métropolitains.
Les manifestations les plus pertinentes à prendre en compte pour une prise en charge en soins intensifs ou en réanimation (fréquence et mauvais pronostic) sont les suivantes :