10  -  Les examens complémentaires en sénologie

Comme en gynécologie « pelvienne », les examens complémentaires en sénologie doivent être utilisés avec discernement.

10 . 1  -  La mammographie

10 . 1 . 1  -  Technique

La valeur de la mammographieDéfinitionTechnique de radiographie, particulièrement adaptée aux seins de la femme, notamment afin de détecter des nodules dont la présence peut signifier l'existence d'un cancer du sein. est d'autant plus grande que la patiente est plus âgée et notamment ménopausée. En effet, le sein devient moins dense après la ménopause, ce qui se traduit sur le plan radiologique par une meilleure visualisation de sa trame, et donc une meilleure visualisation des éventuelles anomalies de cette trame. Chez la femme plus jeune non ménopausée, la mammographie doit être réalisée en début de cycle.

La mammographie standard comprend 3 clichés par sein : une face, un profil et un oblique. La mammographie réalisée dans le cadre des campagnes de dépistage ne comprend qu'un seul cliché par sein, en général un oblique ; il ne s'agit alors que d'un test de dépistage qui sera confirmé par une mammographie normale (à 6 clichés) en cas d'anomalie.

10 . 1 . 2  -  Les images obtenues

10 . 1 . 2 . 1  -  Les microcalcifications

Les différents types de microcalcifications ont été particulièrement bien décrits par Le Gal qui propose une classification en 5 stades :

Classification des microcalcifications de Le Gal

 Abbara A., Classification de Le Gal des microcalcifications mammaires [Internet]. 2002.

Cette classification permet d'associer à la morphologie des microcalcifications un risque croissant de malignité ce qui facilite la stratégie du dépistage. Les calcifications suspectes sont typiquement irrégulières, vermiculaires ou granuleuses, en grain de sel. Elles sont nombreuses, polymorphes, de densité différente de l'une à l'autre et dans une même calcification. Celles qui moulent les embranchements canaliculaires sont très suspectes. Certaines se forment dans une opacité tumorale, d'autres à distance ou en l'absence de celle-ci. L'analyse de la topographie est aussi importante. Les foyers qui ont une disposition sphérique sont plutôt bénins. Les calcifications canalaires malignes jalonnent le trajet des galactophoresDéfinitionGalactophore : Canal excréteur de la glande mammaire (située dans le sein et sécrétant le lait). ou occupent un territoire plus ou moins triangulaire ou pyramidal à sommet orienté vers le mamelon. La variété histologique qui comporte le plus souvent ces calcifications typiques est le comédocarcinomeDéfinitionSous-type de cancer du sein de stade très précoce caractérisé par une nécrose centrale et généralement confiné aux canaux galactophores. C'est un type de Carcinome Canalaire In Situ (CCIS). Les comédocarcinomes sont des tumeurs intracanalaires non-infiltrantes..

10 . 1 . 2 . 2  -  Les opacités

10. 1. 2. 2. 1 - Les opacités à contours irréguliers

Les opacités à contours irréguliers, spiculésDéfinitionQui a la forme d'une aiguille. et notamment les images de type stellaire, sont presque toujours spécifiques du cancer : 95 % d'entre elles sont malignes. L'opacité stellaire maligne typique comporte une condensation tissulaire centrale plus ou moins dense et hétérogène, de dimension inférieure à celle de la masse palpée (loi de Leborgne). Son contour est irrégulier, frangé, spiculé, avec des prolongements opaques linéaires, tentaculaires, rayonnants à distance. La prolifération néoplasique induit une rétraction du tissu péritumoral créant un vide apparent péritumoral (halo clair graisseux).

Les rares lésions bénignes d'aspect voisin sont les cicatrices rétractiles, « radiairesDéfinitionQui est disposé en rayons. », postopératoires, certaines cytostéatonécrosesDéfinitionCytostéatonécrose ou stéatonécrose : Destruction de la graisse, ou plus exactement du tissu adipeux et des adipocytes qu'il contient. Les graisses sont saponifiées et les produits ainsi libérés provoquent une intervention massive des macrocytes qui détruisent les adipocytes. L'une des principales causes de cette affection est la pancréatite aiguë hémorragique. La cytostéatonécrose se rencontre aussi dans les tissus adipeux du sein., les élastosesDéfinitionAltération du tissu élastique du derme. L'élastose est due au vieillissement cutané, éventuellement accéléré par une exposition exagérée au soleil. et les centres prolifératifs d'AschoffDéfinitionCentre prolifératif d'Aschoff ou cicatrice radiaire : Lésion histologique stellaire bénigne rare, à centre scléreux, riche en substance élascéinique où sont enchâssées des formations glanduliformes (tubulaires) réparties de façon irrégulière. Il associe un centre fibrohyalin et élastosique à une couronne périphérique épithéliale qui lui donne un aspect stellaire à la mammographie. Il pose donc en imagerie mammaire un problème de diagnostic différentiel avec les tumeurs malignes infiltrantes.. L'analyse histologique de la zone suspecte est de toute façon indispensable.


10. 1. 2. 2. 2 - Les opacités à contours nets


Elles sont pour la plupart de nature bénigne, en particulier lorsqu'elles sont multiples et bilatérales. Cependant, certains nodules solides, en apparence bénins, peuvent correspondre à des cancers, de variétés histologiques habituelles ou plus rares (cancers papillaires, mucoïdes ou médullaires).


10. 1. 2. 2. 3 - Les désorganisations architecturales et les asymétries de densité


Elles posent le problème de leur détection et du diagnostic différentiel avec les images construites. Elles persistent sur les clichés agrandis et sur les variations d'incidence et de compression mammaire.

10 . 1 . 3  -  L'expression des résultats de la mammographie

Il est recommandé d'utiliser un compte-rendu mammographique standard où sont formulées les hypothèses diagnostiques selon le degré de suspicion d'après l'American College of Radiology (ACR).

Classification des anomalies mammographiques adaptée d'après l'ACR
Classe Interprétation Anomalies observées
ACR 1 Normale
  • Mammographie normale
ACR 2 Aspect bénin
ACR 3 Probablement bénin
  • Microcalcifications de type 2, en foyer unique ou multiples ou nombreuses calcifications dispersées groupées au hasard,
  • Opacités rondes ou ovales, discrètement polycycliques non calcifiées, bien circonscrites,
  • Asymétries focales de densité à limite concave et/ou mélangées à de la graisse.
ACR 4 Suspect
  • Microcalcifications de type 3 ou 4, peu nombreuses,
  • Images spiculées sans centre dense,
  • Opacités non liquidiennes rondes ou ovales, à contour microlobulé ou masqué,
  • Distorsions architecturales,
  • Asymétries ou hyperdensités localisées évolutives ou à limites convexes.
ACR 5 Malin
  • Microcalcifications de type 5 ou 4 nombreuses et groupées,
  • Amas de calcifications de topographie galactophorique,
  • Calcifications évolutives ou associées à des anomalies architecturales ou à une opacité,
  • Opacités mal circonscrites à contours flous et irréguliers,
  • Opacités spiculées à centre dense.

En situation de diagnostic, comme en situation de dépistage, un contrôle régulier de la qualité des appareils est indispensable.

 Site Internet de l'American College of Radiology : http://www.acr.org 

10 . 2  -  La galactographie

La galactographieDéfinitionExamen permettant de visualiser les canaux galactophores, par lesquels s'écoule le lait. La galactographie est indiquée quand il existe un écoulement de liquide de la glande mammaire. Ce liquide n'est pas forcément du lait, ce peut être un mélange de sérum et de sang, un écoulement dû à une infection microbienne ou à un kyste. Cet examen va permettre de mettre en évidence une anomalie à l'intérieur des canaux (une tumeur généralement bénigne, un papillome). est un examen qui consiste à injecter par l'orifice d'un galactophore un produit de contraste iodé, ce qui permet d'opacifier tout le galactophore.

La galactographie est indiquée devant un écoulement unipore, surtout s'il se produit spontanément et a un aspect séreux ou séro-sanglant. Un cliché objectivant des images lacunaires, des végétations papillaires intracanalaires multiples est suspect.

10 . 3  -  L'échographie

L'échographie des seins est d'autant plus performante que la patiente sera jeune avec des seins denses, elle est donc très complémentaire de la mammographie. L'échographie est peu utile dans les seins graisseux des patientes anciennement ménopausées. L'échographie n'est pas un bon examen de dépistage du cancer du sein car les images sont trop polymorphes et difficiles à interpréter.

10 . 3 . 1  -  Les indications de l'échographie

Depuis 1993, la RMO n° XXII précise « qu'il n'y a pas lieu, lors du dépistage individuel concernant les femmes asymptomatiques dont l'examen clinique est normal, sans pathologie bénigne du sein connue ou suivie, en l'absence d'orientation fournie par la mammographie, d'associer à celle-ci une échographie systématique ».

Les indications de l'échographie sont à moduler en fonction de la densité des seins et de la catégorie ACR de l'anomalie. Les principales indications de l'échographie sont les anomalies ACR 3 et 4 sur des seins denses :

  • en cas d'opacité de nature indéterminée : l'échographie permet essentiellement de différencier un kyste d'une structure tissulaire et apporte des arguments supplémentaires de malignité ou de bénignité,
  • en cas de microcalcifications, distorsions architecturales, hyperdensités localisées : l'échographie ne sert pas à apprécier directement le degré de suspicion mais à éliminer une lésion radiologiquement latente associée.


L'échographie est aussi indiquée en cas d'anomalie ACR 5 en apparence unique sur seins denses pour mettre en évidence des lésions multifocales uni- ou bilatérales radiologiquement latentes. L'échographie n'est pas indiquée dans les anomalies ACR2.

10 . 3 . 2  -  Séméiologie échographique

Il n'existe pas d'aspect échographique parfaitement typique du cancer ; cependant certaines images sont suspectes : une masse hypoéchogèneDéfinitionQui ne génère que peu d'échos en échographie, donnant des plages d'un gris très sombre, proches du noir sur l'écran de l'échographe., solide, non compressible, d'aspect lacunaire, à contours irréguliers avec cône d'ombre postérieur ou ayant des dimensions antéro-postérieures supérieures aux dimensions transversales. Les nodules cancéreux sont en général peu échogènes ; ils ont une échostructure hétérogène, ils présentent volontiers une zone hyperéchogèneDéfinitionQui renvoie un fort écho en échographie. postérieure (renforcement postérieur).

10 . 4  -  Les autres procédés d'imagerie

10 . 4 . 1  -  La thermographie

La thermographieDéfinitionTechnique permettant d'obtenir, au moyen d'un appareillage approprié, l'image thermique d'une scène observée dans un domaine spectral de l'infrarouge. On parlera plus généralement de thermographie infrarouge. L'image obtenue est un thermogramme. La thermographie permet dans les applications médicales de repérer des anomalies de températures locales (tendinite ou inflammations superficielles ou sous-jacentes par exemple) ou globales (fièvre). Elle peut être employée autant pour la détection de traumatismes que pour le suivi en hyperthermie. L'étude par thermographie infrarouge de la température de la peau est un moyen d'apprécier l'état physiologique de la peau et son métabolisme, mais aussi d'une certaine façon celle des tissus sous-jacents. Elle présente un intérêt dans le diagnostic des pathologies ou dans le suivi des actes thérapeutiques où il y a atteinte de la vascularisation : brûlures, greffe, ischémie, angiogenèse, angioplastie. est un examen qui a connu une grande vogue dans les années 1970 et qui s'est avéré peu spécifique, peu sensible et donc très peu performant. Il doit être abandonné de nos jours.

10 . 4 . 2  -  Le scanner

Il n'y a pas d'indication au scanner en matière de dépistage du cancer du sein. Le scanner a cependant un intérêt dans l'évaluation de l'extension en profondeur et de l'envahissement pariétal des grosses tumeurs du sein. Il est également intéressant pour juger de l'extension d'un envahissement axillaire massif.

10 . 4 . 3  -  L'IRM

L'IRM conventionnelle n'a pas d'intérêt en imagerie mammaire, par contre l'IRM dynamique, avec injection de substances paramagnétiques, a certains intérêts. L'IRM permet en effet de caractériser des nodules solides ou des zones très denses en mammographie. L'indication essentielle de l'IRM est la surveillance des seins opérés et/ou irradiés.

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