3  -  Chirurgie digestive et des varices

3 . 1  -  Incidence des événements thromboemboliques cliniques et paracliniques en l'absence de prophylaxie

1. En chirurgie abdominale majeure (foie, pancréas, côlon, maladies inflammatoires ou cancéreuses du tractus digestif) le risque de thrombose veineuse distale estimé par des examens paracliniques varie entre 20-40 %, celui de thrombose veineuse proximale de 3 à 8%. L’incidence des EP est de 1,5 à 4%; elle atteint 0,4 à 1% pour les EP mortelles. En chirurgie carcinologique, le risque global d’ETE objectivé par des examens paracliniques est de 30 % en l’absence de prophylaxie. Il atteint 35% en chirurgie colorectale et 45 % pour la chirurgie carcinologique du petit bassin. Les EP mortelles sont observées chez 3 % des patients en chirurgie colorectale. L’incidence des EP serait de 2,5% en chirurgie oesophagienne pour cancer, et une sur quatre serait fatale. Dans la chirurgie bariatrique (chirurgie digestive de l’obésité), aucune donnée n’est disponible sur le risque thromboembolique en l’absence de prophylaxie. En revanche, si l’on s’en réfère aux données avec prophylaxie, l’incidence des ETE cliniques est supérieure à 2%, avec 1,2 % d’EP, laissant supposer un risque important en l’absence de prophylaxie.

2. En chirurgie abdominale non majeure (chirurgie pariétale, appendice, vésicule non inflammatoire, proctologie) le risque thromboembolique est faible mais ne peut être précisé pour chaque sousgroupe. L’incidence clinique se situe entre 0,1 et 0,6 %. Le risque n’est pas accru sous coelioscopie pour la chirurgie de la lithiase vésiculaire symptomatique.

3. Dans la chirurgie des varices , le risque apparaît faible, à 0,2 % de TVP, 0,11 % d’EP et 0,02 % de décès par EP.

Au total, le risque thromboembolique chirurgical (risque patient exclu) peut être considéré comme :
faible pour la chirurgie des varices et la chirurgie abdominale non majeure.
modéré pour ce même type de chirurgie en cas de dissection étendue et/ou hémorragique, de durée opératoire anormalement prolongée ou en cas d’urgence.
élevé pour la chirurgie abdominale majeure, même en l’absence de cancer. La chirurgie bariatrique entrerait dans cette catégorie de risque.

3 . 2  -  Efficacité et risque des stratégies de prévention

1. Situations à risque faible

Il n’y a pas lieu d’envisager de prophylaxie médicamenteuse dans les situations à risque chirurgical faible définies ci-dessus (risque patient exclu) (grade B).

Néanmoins, la contention élastique, dénuée d’effets indésirables pourrait être indiquée, compte tenu de son efficacité démontrée pour tous les types de chirurgie abdominale confondus (grade A).

2. Situations à risque modéré

Il n’existe pas d’études spécifiques concernant ces situations à risque. Une prophylaxie peut être proposée avec des posologies modérées d’HNF (2 × 5 000 UI) ou d’HBPM (grade D).

3. Situations à risque élevé

L’ HNF (2 × 5000 UI sous-cutanée ou éventuellement 3 × 5000 U /j sous-cutané) réduit de 60%le risque de thrombose veineuse paraclinique et de 60 % celui d’EP (niveau 1). Le risque hémorragique est multiplié par 2 comparé au placebo mais l’incidence reste faible (environ 3%). Les HBPM réduisent de 72% l’incidence des événements phlébographiques et cliniques par rapport à un placebo (niveau 1). L’incidence des hémorragies est doublée mais reste faible dans le groupe HBPM (2,8% environ). Comparés à l’HNF, les résultats concernant la réduction du risque de TVP paracliniques et cliniques et du risque hémorragique sont tous en faveur des HBPM (niveau 1).

Pour des raisons d’efficacité, de tolérance, et de maniabilité, les HBPM sont recommandées en première intention en l’absence d’insuffisance rénale (grade A).

Les posologies d’HBPM pour un risque élevé sont recommandées pour la chirurgie abdominale majeure (grade A).

Le danaparoïde sodique semble réduire le risque de TVP paracliniques mais la puissance des études est faible (niveau 2).

Ce produit ne peut être considéré que comme une alternative en cas de contre-indication à l’HNF ou aux HBPM (grade B).

L’ aspirine , comparée à un placebo, est efficace dans la prévention des événements thromboemboliques (niveau 2). Mais les études sont anciennes et n’ont pas le niveau de qualité des études réalisées avec les héparines.

Aussi l’aspirine ne peut pas être recommandée aujourd’hui dans cette indication (grade B).

Les AVK ne sont pas recommandés dans cette indication (grade B).

Concernant les nouvelles molécules, une étude en chirurgie digestive avec le fondaparinux n’a pas démontré sa supériorité. Il n’a pas l’AMM dans cette indication. On ne dispose pas d’études avec le melagatran/ximelagatran en chirurgie digestive.

La contention élastique réduit l’incidence des ETE paracliniques de 66 % en chirurgie générale par rapport à l’absence de contention (niveau 1). De plus, elle permet de réduire l’incidence des ETE paracliniques de 72 % en association avec l’HNF par rapport à l’HNF seule (niveau 2).

La contention élastique est donc recommandée en cas de contre-indication aux traitements anticoagulants (grade A) et en association avec le traitement médical (grade B).

La compression pneumatique intermittente ( CPI ) seule ou en complément d’une prophylaxie médicamenteuse n’a pas fait la preuve de son efficacité dans ce type de chirurgie (niveau 3).

3 . 3  -  Début et durée de la prophylaxie

1. Début
Dans la grande majorité des études, les schémas thérapeutiques comportaient une injection préopératoire. L’intérêt de débuter la prophylaxie après l’intervention n’a pas été exploré. Il n’y a pas d’argument pour privilégier l’une ou l’autre attitude.

2. Durée
Dans les études disponibles, la durée habituelle de la prévention est de 7-10 jours en chirurgie digestive. Les traitements de plus longue durée ont été étudiés et sont recommandés pour la chirurgie abdominale majeure carcinologique où la prolongation de la prophylaxie à 1 mois a réduit de 50% les thromboses paracliniques sans augmentation du risque hémorragique (niveau 1).

Une thromboprophylaxie prolongée est recommandée en chirugie abdominale majeure carcinologique (grade A).

L’IMPACT DE LA CHIRURGIE AMBULATOIRE ET DE L’HOSPITALISATION DE COURTE DURÉE N’A PAS ÉTÉ ÉVALUÉ EN CHIRURGIE DIGESTIVE

Tableau 6 : Chirurgie digestive et varices
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