6  -  Diagnostic positif de l'embolie pulmonaire

6 . 1  -  Bilan initial : diagnostic de probabilité

1. Signes cliniques et examens de débrouillage

Dans 90 % des cas, l’EP est suspectée devant une dyspnée, une douleur thoracique, une syncope, inconstamment associés :

- la syncope est rare. Elle témoigne d’une réduction sévère du flux sanguin ;
- la douleur thoracique est plus fréquente, secondaire à l’irritation pleurale induite par des embolies distales ;
- la dyspnée peut être soudaine ou d’apparition progressive sur plusieurs semaines. L’EP doit être suspectée devant l’aggravation soudaine d’une dyspnée pré-existante, expression d’une maladie cardiorespiratoire chronique.

Les autres symptômes sont les précordialgies, une toux ou une hémoptysie noirâtre, l’examen clinique recherche tachypnée > 20/min, tachycardie > 100 bpm, signes de TVP ou cyanose. La fièvre est également possible. Les signes de TVP sont absents dans deux tiers des cas.
La radiographie du thorax est surtout utile pour éliminer une autre cause de dyspnée. Elle peut être normale ou mettre en évidence des anomalies non spécifiques (atélectasies en bande, épanchement pleural, élévation d’une coupole diaphragmatique, hyperclarté d’un champ pulmonaire).
La gazométrie artérielle retrouve habituellement une hypoxémie et une hypocapnie (effet shunt). Elle est normale dans 20 % des cas.
L’ECG retrouve inconstamment des signes de souffrance VD : inversion des ondes T de V1 à V4, aspect S1 – Q3 (onde S en D1 et Q en D3), un BBD complet ou incomplet. Des aspects de sus-décalage de ST peuvent être observés en inférieur ou en antérieur ou de sous-décalage +++ (faux aspect de SCA avec ST ou sans ST).
L’ECG est fréquemment normal (+++).

2. Scores de probabilité diagnostique

L’examen clinique et le bilan paraclinique standard permettent d’établir un score de probabilité de l’EP. Deux scores sont utilisés en pratique courante, le score de Wells et le score révisé de Genève. Ils sont établis en donnant une valeur chiffrée à chacun des éléments retenus dans le bilan standard (tableau 3).

Tableau 3. Score de Wells

Un score bas traduit une faible probabilité d’EP (10 %). Elle augmente à 30 % si le score est modéré et à 65 % s’il est élevé. Une probabilité modérée ou forte justifie la réalisation d’examens spécifiques pour confirmer le diagnostic.

6 . 2  -  Examens complémentaires : diagnostic de certitude

1. D-dimères et échographie-doppler veineuse

Cf. supra.

2. Scintigraphie pulmonaire de ventilation – perfusion

La ventilation pulmonaire est appréciée par la fixation d’un traceur radioactif inhalé sur le parenchyme pulmonaire.
La perfusion pulmonaire est étudiée de manière simultanée par l’injection simultanée d’un marqueur radioactif – technétium (Tc)-99m – qui se fixe sur le parenchyme en l’absence d’obstacle au niveau du lit vasculaire.
Le diagnostic de l’EP repose sur la mise en évidence d’une ventilation normale au niveau d’un segment pulmonaire non ou hypoperfusé (défaut de perfusion).
L’existence d’une pathologie cardiorespiratoire perturbe la ventilation pulmonaire. Une scintigraphie positive chez un patient à faible probabilité clinique doit ainsi motiver la réalisation d’autres examens pour confirmer le diagnostic.
Une scintigraphie pulmonaire normale permet d’éliminer le plus souvent une EP. La combinaison d’une scintigraphie normale avec un score de probabilité clinique faible permet d’exclure une EP.

3. Angioscanner pulmonaire

C’est l’examen le plus souvent utilisé grâce aux multidétecteurs avec sensibilité et spécificité excellentes jusqu’aux artères segmentaires ou sous-segmentaires.
Il justifie l’injection d’un produit iodé par voie veineuse et doit être réalisé avec les précautions d’usage (évaluation de la fonction rénale, arrêt des biguanides, prévention d’une réaction allergique, contre-indication relative si grossesse).
Un angioscanner pulmonaire multicoupe négatif permet d’exclure une EP chez des patients dont le score de probabilité est faible ou intermédiaire.
La détection d’un thrombus sous-segmentaire chez un patient sans TVP remet en question le diagnostic et fait discuter la nécessité d’un traitement anticoagulant.
Si le score de probabilité est élevé et l’angioscanner négatif, un autre examen doit être réalisé.

4. Angiographie pulmonaire

C’est l’examen de référence, mais il justifie les mêmes précautions que l’angioscanner.
Elle élimine avec certitude le diagnostic d’EP. C’est un examen plus invasif qui justifie la mise en place d’un cathéter dans l’artère pulmonaire, de préférence introduit par l’intermédiaire d’une veine humérale. De ce fait, c’est un examen de dernière intention pratiqué dans les cas litigieux.

5. Échographie cardiaque transthoracique

L’échocardiographie (ETT) évalue le retentissement VD de l’EP. Elle est pratiquée au lit du patient et permet de visualiser :
- une dilatation (augmentation du rapport diamètres VD/VG) ou une hypokinésie VD (augmentation de vitesse du flux d’insuffisance tricuspide) ;
- un septum paradoxal ;
- une élévation des pressions pulmonaires.

En complément, l’ETT permet le dépistage d’un foramen ovale perméable ou la présence de thrombus dans les cavités droites.
Chez les patients à forte probabilité clinique, en état de choc ou présentant une hypotension artérielle, une ETT normale permet raisonnablement d’exclure le diagnostic d’EP.
Chez les patients peu symptomatiques, des critères de retentissement permettent d’identifier une population à risque intermédiaire.

6. Stratégies diagnostiques

La stratégie diagnostique et thérapeutique est différente selon que le patient est identifié à haut risque ou sans haut risque vital. Deux algorithmes peuvent être suivis (figures 2 et 3). Ils tiennent compte de la disponibilité des plateaux techniques.
Chez les patients à haut risque, l’ETT a une place importante dans l’évaluation du retentissement lorsque le scanner n’est pas disponible.
Chez les patients à bas risque ou intermédiaire, l’écho-doppler veineux est particulièrement utile si le scanner est contre-indiqué (grossesse) ou pour préciser le risque de récidive, plus fréquent si une TVP est identifiée.

Figure 2 : Algorithme de prise en charge d’une EP avec choc ou hypotension.
Figure 3 : Algorithme de prise en charge d’une EP sans choc ni hypotension.
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