Points essentiels
  • Thrombose veineuse profonde :
  • Les conditions de constitution d’une TVP sont retrouvées dans la triade de Virchow qui associe stase veineuse, lésion de la paroi de la veine et anomalie de l’hémostase.
  • Le point de départ du thrombus est le plus souvent distal, il peut s’étendre en amont, être occlusif ou se fragmenter pour migrer vers le champ pulmonaire. Une lyse spontanée peut survenir lorsque le thrombus est peu volumineux et si le facteur étiologique disparaît rapidement.
  • Les TVP distales, souvent asymptomatiques, sont rarement responsables d’une EP ayant des conséquences cliniques importantes, mais environ 25 % des TVP distales asymptomatiques font l’objet d’une extension proximale. La récidive d’une TVP distale est deux fois moins fréquente que celle d’une TVP proximale.
  • À l’inverse, une TVP proximale est symptomatique dans 80 % des cas. Elle a une forte probabilité de s’associer à une EP. En l’absence de traitement anticoagulant, une TVP proximale symptomatique récidive une fois sur deux dans les 3 mois.
  • Les situations chirurgicales les plus à risque regroupent la chirurgie orthopédique réglée des membres inférieurs, les fractures du col du fémur, les polytraumatismes, les lésions médullaires ou les chirurgies majeures chez les patients cancéreux ou avec antécédents de MTEV.
  • Les situations médicales les plus à risque concernent les patients :
    — âgés ;
    — ayant présenté ou présentant un accident vasculaire cérébral ;
    — avec antécédent de MTEV ou avec cancer (+++).
  • L’obésité, la grossesse et le post-partum, les œstrogènes (contraception ou substitution) sont également des facteurs de risque. Les accès veineux profonds (cathéters) sont responsables de TVP iatrogènes.
  • La TVP peut survenir sans facteur déclenchant (TVP dite ambulatoire) ou chez des patients présentant une thrombophilie constitutionnelle (mutations facteurs II et V ; déficit protéine C, protéine S, anti-thrombine III) ou acquise (syndrome des antiphospholipides).
  • La douleur est le signe d’appel le plus fréquent mais elle peut être spontanée, minime ou absente. Le signe de Homans n’est pas spécifique et peut s’observer dans certaines atteintes musculotendineuses ou articulaires (+++).
  • L’œdème n’est présent que lorsque la thrombose entraîne une gêne au retour veineux. Il est dur, résistant et ne prend pas le godet, la peau est de couleur blanche luisante avec une augmentation de la température locale et une dilatation des veines superficielles.
  • En cas d’ischémie artérielle associée par œdème massif et brutal, c’est la phlébite bleue qui constitue une urgence thérapeutique.
  • Au diagnostic différentiel, il faut savoir évoquer la rupture d’un kyste synovial, un hématome intramusculaire, une cellulite inflammatoire ou une compression extrinsèque. Devant des œdèmes, ne pas confondre avec un lymphœdème ou une insuffisance cardiaque droite.
  • Les TVP pelviennes compliquent les interventions sur le petit bassin, la grossesse et l’accouchement. Les TVP de la veine cave inférieure se traduisent par des signes bilatéraux ou à bascule.
  • Le score de Wells prend en compte les facteurs prédisposants pour 1 point chacun (immobilisation, chirurgie de moins de 30 jours ou alitement de plus de 3 jours et notion de cancer). Il prend en compte les signes cliniques pour 1 point chacun (sensibilité veineuse, œdème généralisé, œdème prenant le godet, asymétrie de diamètre des mollets, présence d’une circulation collatérale). On y retranche 2 points si un autre diagnostic est probable. Au total, probabilité forte si score > 3, faible si score < 0.
  • Le dosage des D-dimères est utilisé essentiellement pour exclure le diagnostic de MTEV chez les patients dont le score de probabilité clinique est faible ou intermédiaire.
  • L’échographie-doppler veineuse est effectuée si les D-dimères sont positifs (seuil > 500 µg/L) ou si le score est d’emblée élevé. C’est la technique de référence. Le traitement est débuté sans en attendre le résultat si le score de Wells est élevé ou intermédiaire.
  • Le bilan de thrombophilie est indiqué en cas de :
    — TVP proximale ambulatoire chez le sujet de moins de 60 ans ;
    — TVP proximale chez une femme enceinte ou susceptible de l’être ;
    — TVP récidivante.
  • L’utilité de la découverte d’un cancer occulte, en termes de survie et surtout de qualité de vie, n’est pas connue et le bilan de dépistage nécessaire n’est pas codifié. Après 40 ans, on propose un dosage des PSA chez l’homme, un examen gynécologique avec mammographie et échographie pelvienne chez la femme. Une recherche de sang dans les selles et une radiographie du thorax sont effectués dans les deux sexes.
  • L’objectif du traitement est d’améliorer les symptômes et d’éviter l’extension et les récidives ainsi que leurs conséquences cliniques sur la morbidité et sur la mortalité.
  • Le traitement peut être commencé dès la suspicion de TVP s’il n’existe pas de risque hémorragique en attendant la confirmation ou l’exclusion du diagnostic par une méthode objective validée.
  • Les HBPM sont préférés à l’HNF sauf chez l’insuffisant rénal. On utilise l’énoxaparine (Lovenox®), 100 UI/kg/12 h ou tinzaparine (Innohep®), 175 UI/kg/24 h. On peut utiliser le fondaparinux (Arixtra®) en une injection sous-cutanée par 24 heures : 7,5 mg/24 h pour un poids entre 50 et 100 kg.
  • Le traitement AVK prévient la récidive thrombo-embolique. L’INR doit être maintenu entre 2 et 3 pendant une durée de 3 mois en cas de TVP proximale dont le facteur déclenchant est réversible. La durée est supérieure à 3 mois en l’absence de facteur déclenchant (TVP ambulatoire). Dans ce contexte, elle peut être illimitée surtout s’il s’agit d’une forme récidivante ou en cas de thrombophilie.
  • En cas de premier épisode de TVP distale symptomatique avec facteur déclenchant évident, le traitement par antivitamines K est maintenu seulement 6 semaines.
  • Le traitement est prolongé à 3 mois au moins en cas de :
    - forme idiopathique ;
    - facteur de risque persistant ;
    - forme récidivante ou survenant dans un contexte de cancer évolutif.
  • Le port de bas de compression veineuse (classe 3) est recommandé dès l’instauration du traitement anticoagulant pour une durée de 2 ans.
  • La prévention doit être adaptée au niveau de risque et à la fonction rénale. HBPM à dose préventive, par exemple énoxaparine (Lovenox®) : 2000 UI/j si risque modéré ou 4000 UI/j si risque élevé. La compression élastique est associée au traitement injectable ou prescrite seule si le risque hémorragique est élevé. Le fondaparinux peut être proposé à 2,5 mg/j.
  • Au cours de la grossesse, les signes cliniques sont difficiles à interpréter, les D-dimères peuvent être faussement positifs, le diagnostic par écho-doppler est le test habituellement utilisé, un traitement par HBPM est recommandé dès confirmation diagnostique et les AVK ne sont pas recommandés aux premier et troisième trimestres.
  • Une thrombose veineuse survenant dans un contexte néoplasique est traitée par des HBPM au long cours, car le traitement par AVK est moins efficace et moins bien toléré que chez les patients indemnes de cancer. La tinzaparine à la dose de 175 UI/j est recommandée.
  • Dans les TVS, les HBPM et le fondaparinux à dose prophylactique peuvent être proposés pendant 1 à 4 semaines.
  • Embolie pulmonaire :
  • L’embolie pulmonaire (EP) et la TVP sont deux présentations cliniques de la MTEV et l’EP est le plus souvent (70 %) secondaire à une TVP.
  • Le risque de décès ou de récidive est plus fréquent après EP qu’après TVP.
  • Une EP symptomatique n’est associée à une TVP symptomatique que moins d’une fois sur quatre.
  • Près de 10 % des EP sont mortelles dans l’heure suivant leur constitution (+++).
  • L’EP est compliquée d’un choc dans 5–10 % des cas et d’une dysfonction ventriculaire droite une fois sur deux.
  • Dans 90 % des cas, l’EP est suspectée devant une dyspnée, une douleur thoracique, une syncope, inconstamment associées. Évoquer le diagnostic en cas d’aggravation soudaine d’une dyspnée pré-existante.
  • Les autres symptômes sont les précordialgies, une toux ou une hémoptysie noirâtre. L’examen clinique recherche tachypnée > 20/min, tachycardie > 100 bpm, signes de TVP ou cyanose. La fièvre est également possible. Les signes de TVP sont absents dans deux tiers des cas.
  • La radiographie du thorax est surtout utile pour éliminer une autre cause de dyspnée. La gazométrie artérielle retrouve habituellement une hypoxémie et une hypocapnie (effet shunt). L’ECG retrouve inconstamment des signes de souffrance VD, mais attention aux faux aspects de SCA avec ST ou sans ST.
  • Le score de Wells retient une probabilité forte au-dessus de 6. Il prend en compte :
    - pour 3 points chacun, l’absence de diagnostic différentiel et les signes de TVP ;
    - pour 1,5 point chacun, les antécédents de MTEV, une chirurgie ou immobilisation récente et une tachycardie ;
    - pour 1 point chacun, les notions de cancer ou d’hémoptysie.
  • La scintigraphie pulmonaire de ventilation – perfusion identifie l’EP par la mise en évidence d’une ventilation normale au niveau d’un segment pulmonaire avec défaut de perfusion. Une scintigraphie positive chez un patient à faible probabilité clinique doit ainsi motiver la réalisation d’autres examens pour confirmer le diagnostic mais la combinaison d’une scintigraphie normale avec un score clinique faible permet d’exclure une EP.
  • L’angioscanner pulmonaire a une sensibilité et une spécificité excellentes jusqu’aux artères segmentaires ou sous-segmentaires mais requiert une évaluation de la fonction rénale, l’arrêt des biguanides, la prévention d’une réaction allergique et est contre-indiqué en cas de grossesse. Un angioscanner pulmonaire négatif permet d’exclure une EP chez des patients dont le score de probabilité est faible ou intermédiaire. En revanche, si le score de probabilité est élevé et l’angioscanner négatif, un autre examen doit être réalisé.
  • Chez les patients à forte probabilité clinique, en état de choc ou présentant une hypotension artérielle, une ETT normale permet raisonnablement d’exclure le diagnostic d’EP et chez les patients peu symptomatiques, des critères de retentissement sur le VD permettent d’identifier une population à risque intermédiaire.
  • L’algorithme de prise en charge d’une EP avec choc ou hypotension impose d’emblée le scanner pour confirmation et traitement. Si le scanner est indisponible, l’ETT a valeur de diagnostic si elle montre une souffrance du VD autorisant le traitement. Négative, elle oriente vers un état de choc d’une autre étiologie.
  • L’algorithme de prise en charge d’une EP sans choc ni hypotension dépend du score de Wells :
    — si score > 6, on effectue d’emblée le scanner pour confirmation et traitement ;
    — si score < 6, les D-dimères orientent ou non vers sa réalisation.
  • L’échographie veineuse peut être utile en cas de TVP ou de contre-indication au scanner.
  • Classification du risque :
    — EP à haut risque devant l’existence d’un choc ou d’une hypotension persistante ;
    — EP à risque intermédiaire devant un patient normotendu qui présente des signes de dysfonction VD cliniques, à l’ECG ou échographiques ou une souffrance myocardique (BNP, troponinémie élevés) ;
    – EP à bas risque devant des marqueurs morphologiques et biologiques normaux.
  • L’assistance hémodynamique et respiratoire est nécessaire lorsque l’EP est compliquée d’un choc ou d’une hypotension artérielle sévère.
  • Actilyse® 10þmg en bolus puis 90þmg en 2þheures (si poids <þ70þkg, alors 1,5þmg/kg), associée à HNF 60 UI/kg puis 18 UI/kg/h, chez les patients qui présentent une EP à haut risque compliquée d’un choc ou d’une hypotension artérielle sévère avec dans ce cas un nombre limité de contre-indications.
  • L’Actilyse® peut être discutée si le risque est intermédiaire en l’absence de contre-indication relative liée au risque hémorragique.
  • Les contre-indications principales, faisant discuter l’embolectomie, sont :
    — hémorragie cérébrale ;
    — AVC récent < 3 mois ;
    — maladie hémorragique ;
    — chirurgie majeure récente ;
    — ponction artérielle sans possibilité de compression.
  • L’embolectomie chirurgicale sous CEC est envisagée chez des patients à haut risque en cas de contre-indication ou d’échec de la thrombolyse.
  • Anticoagulation par HNF, HBPM ou fondaparinux dès que le diagnostic de l’EP est confirmé et chez les patients présentant une probabilité forte ou intermédiaire dans l’attente d’une confirmation.
  • L’HNF est indiquée en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance < 30 mL/min), de risque hémorragique (réversibilité d’effet rapide après arrêt) et dans l’EP à haut risque associée au rTPA. Posologie d’HNF de 60 UI/kg en bolus IV puis 18 UI/kg/h en perfusion adaptée au TCA (2 à 3 fois la valeur du témoin).
  • HBPM et fondaparinux sont préférés à l’HNF dans les autres cas. Énoxaparine 100 UI/kg toutes les 12 heures en sous-cutané ou fondaparinux 5 mg (poids < 50 kg), 7,5 mg (50–70 kg), 10 mg (poids > 100 kg) en sous-cutané une fois par 24 heures.
  • HNF ou HBPM poursuivis au moins 5 jours (+++) mais le traitement par AVK doit être débuté dès le premier jour et son efficacité évaluée par la mesure de l’INR. Arrêt de l’héparine dès que l’INR est entre 2 et 3 sur deux mesures réalisées à 48 heures d’intervalle.
  • L’immobilisation au lit n’est pas justifiée mais lever assorti de la pose de bas de contention.
  • Le traitement AVK dépend du contexte :
    — 3 mois si EP dont le facteur déclenchant est réversible ;
    — > 3 mois en l’absence de facteur déclenchant (EP ambulatoire) ;
    — illimité si récidive ou si thrombophilie acquise ou innée.
    — L’HBPM est prolongée en cas de cancer.
  • Indication de filtre cave si contre-indication à l’anticoagulation. Si la contre-indication est provisoire, un filtre temporaire est placé.
  • En cas de grossesse, les examens paracliniques invasifs (irradiation, injection d’iode) doivent être réservés aux situations à haut risque après réalisation d’un écho-doppler veineux des membres inférieurs et d’un ETT.
  • L’hypertension pulmonaire chronique post-embolique est une complication rare mais grave de l’EP. L’endartériectomie pulmonaire est de réalisation beaucoup plus complexe que l’embolectomie. Elle donne de bons résultats lorsqu’elle est réalisée par des équipes entraînées.