4  -  Traitement des thromboses veineuses profondes

4 . 1  -  Généralités

L’objectif du traitement est d’améliorer les symptômes et d’éviter l’extension et les récidives ainsi que leurs conséquences cliniques sur la morbidité (EP, SPT, hypertension pulmonaire aiguë ou chronique) et sur la mortalité (EP fatale).
En raison du risque potentiel du traitement, le diagnostic doit être confirmé par une méthode objective validée. Le traitement peut être commencé dès la suspicion de TVP s’il n’existe pas de risque hémorragique en attendant la confirmation ou l’exclusion du diagnostic.

4 . 2  -  Traitement anticoagulant en aigu

1. Héparine non fractionnée (HNF)

- Elle peut être prescrite indifféremment par voie sous-cutanée ou intraveineuse continue.
- Elle doit être prescrite selon une posologie adaptée au poids corporel (500 UI/kg/j) puis adaptée au TCA (1,5 à 2,5 fois la valeur du témoin) ou par la mesure de l’héparinémie.
- Elle représente à ce jour le traitement recommandé chez les patients insuffisants rénaux sévères (clairance de la créatinine < 30 mL/min) et pour les patients instables ou susceptibles de subir des interventions nécessitant un arrêt temporaire du traitement.

2. Héparine de bas poids moléculaire (HBPM) et fondaparinux


Ils sont préférés à l’HNF compte tenu de :
- une plus grande commodité d’emploi ;
- l’absence d’adaptation des doses à des tests d’hémostase ;
- une réduction du risque de thrombopénie induite.

Pour les HBPM en deux injections sous-cutanées par 24 heures :
- daltéparine (Fragmine®) : 100 UI/kg/12 h ;
- nadroparine (Fraxiparine®) : 85 UI/kg/12 h ;
- énoxaparine (Lovenox®) : 100 UI/kg/12 h.

Pour les HBPM en une injection sous-cutanée par 24 heures :
- nadroparine (Fraxodi®) : 171 UI/kg/24 h ;
- tinzaparine (Innohep®) : 175 UI/kg/24 h.

Pour le fondaparinux (Arixtra®) en une injection sous-cutanée par 24 heures : 7,5 mg/24 h pour un poids entre 50 et 100 kg.
Le dosage de l’activité anti-Xa n’est en principe pas nécessaire (sauf patient obèse, insuffisance rénale modérée).

4 . 3  -  Traitement anticoagulant prolongé

TVP proximale

- Le traitement AVK prévient la récidive thrombo-embolique. L’INR doit être maintenu entre 2 et 3.
- La durée du traitement est illimitée chez les patients présentant un cancer évolutif mais par HBPM (cf. infra).
- La durée est de 3 mois chez ceux dont le facteur déclenchant est réversible (TVP postopératoire, par exemple).
- La durée est supérieure à 3 mois en l’absence de facteur déclenchant (TVP ambulatoire). Dans ce contexte, elle peut être illimitée surtout s’il s’agit d’une forme récidivante ou en cas de thrombophilie.

TVP distale

- En cas de premier épisode de TVP distale symptomatique avec facteur déclenchant évident et en l’absence de facteurs de risque persistant, un traitement anticoagulant à dose curative est maintenu seulement 6 semaines par antivitamines K (INR cible 2,5).
- Le traitement est prolongé à 3 mois au moins et en cas de :

  • forme idiopathique ;
  • facteur de risque persistant ;
  • forme récidivante ou survenant dans un contexte de cancer évolutif (HBPM dans ce cas).

4 . 4  -  Compression élastique, alitement, hospitalisation

Le port de chaussettes ou bas de compression veineuse élastique délivrant 30 à 40 mmHg à la cheville (classe 3 française) est recommandé dès que possible après le diagnostic de TVP et l’instauration du traitement anticoagulant, pour une durée minimale de 2 ans.
Un alitement systématique n’est pas recommandé ; au contraire, une mobilisation précoce (lever) est recommandée dès qu’elle est possible.
Il est recommandé d’hospitaliser les patients dans les situations suivantes :

- insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 mL/min) ;
- risque hémorragique ;
- TVP proximale avec syndrome obstructif sévère ou de localisation iliocave ;
- contexte psychosocial et environnement géographique et médical ne permettant pas une prise en charge optimale à domicile.

Dans les autres cas, le traitement est ambulatoire ou après une courte hospitalisation.

4 . 5  -  Traitement préventif

La prévention doit être adaptée au niveau de risque et à la fonction rénale (tableau 2). La compression élastique est associée au traitement injectable ou prescrite seule si le risque hémorragique est élevé.

Tableau 2. Traitement préventif de la MTEV.

Lors d’un voyage de plus de 8 heures, il est recommandé de ne pas porter des vêtements serrés, de s’hydrater et d’effectuer une contraction active et régulière des mollets. En présence de facteurs prédisposants associés, il est recommandé de porter des chaussettes de contentions de classe 2 ou 3 éventuellement associées à une injection préventive d’HBPM avant le départ.

4 . 6  -  Situations particulières

1. Grossesse

- Les signes cliniques sont difficiles à interpréter du fait de la stase veineuse induite par la grossesse.
- Le dosage des D-dimères peut être faussement positif.
- Le diagnostic par écho-doppler est le test habituellement utilisé et le plus souvent suffisant pour le diagnostic. Il peut être gêné au niveau iliocave.
- Un traitement par HBPM est recommandé dès confirmation diagnostique.
- Le traitement par AVK n’est pas recommandé aux premier et troisième trimestres.
- Toutes les anomalies de l’hémostase pouvant être rencontrées, la pratique d’un bilan de thrombophilie est systématique chez toute femme :

  • en âge de procréer ayant des antécédents personnels ou familiaux de MTEV ;
  • pour avis sur une contraception demandée ou un désir de grossesse.


2. Cancer

- Une thrombose veineuse survenant dans un contexte néoplasique témoigne de l’activité de la maladie et a la particularité d’être traitée par des HBPM au long cours car le traitement par AVK est moins efficace et moins bien toléré que chez les patients indemnes de cancer.
- En présence d’un cancer, le traitement prolongé par HBPM permet une réduction significative et importante du risque de récidive sans réduction de tolérance. Ces résultats ont été obtenus avec des posologies d’HBPM légèrement inférieures aux posologies curatives habituelles, sauf pour la tinzaparine.
- Devant une MTEV confirmée objectivement survenant au cours d’un cancer, une HBPM en relais du traitement initial est recommandée. Il est donc recommandé d’utiliser la tinzaparine (Innohep®) 175 UI/kg une fois par jour.
- Dans cette situation, la durée du traitement par HBPM doit idéalement être de 3 à 6 mois en fonction de la tolérance et de l’évolution du cancer ainsi que des modifications de son traitement. Au-delà de 6 mois, si le traitement anticoagulant est nécessaire, il faut réévaluer la possibilité de passer aux AVK.

3. Thrombopénie à l’héparine

Cf. item 182.
C’est une complication redoutée de l’héparinothérapie.

4. Thrombose veineuse superficielle (TVS)

- Le diagnostic clinique est facile. La thrombose siège habituellement sur le trajet de la grande veine saphène, à l’origine d’une douleur spontanée. La palpation du trajet veineux est douloureuse et perçoit un cordon induré. La peau est rouge et chaude.
- L’écho-doppler confirme le diagnostic, précise la localisation, recherche une extension au réseau veineux profond (TVP associée dans 10 % des cas) et identifie d’éventuelles varices du réseau superficiel.
- Une TVS sur veines apparemment saines non variqueuses doit faire rechercher une cause systémique : cancer, maladie de Buerger, maladie de Behçet, maladies hématologiques, pathologie auto-immune, thrombophilie constitutionnelle ou acquise.
- Les AINS en application locale n’ont qu’un effet antalgique.
- La prescription d’une compression veineuse est indiquée à la phase aiguë.
- Les anticoagulants à dose curative ne sont pas recommandés mais les HBPM et le fondaparinux à dose prophylactique peuvent être proposés pendant 1 à 4 semaines.
- L’extension à la jonction grande saphène – veine fémorale transforme une TVS en TVP et amène au traitement anticogulant à dose curative.

5. Syndrome veineux post-thrombotique (SPT)


- Le SPT veineux traduit l’existence de séquelles anatomiques et hémodynamiques (destruction des valvules). Il apparaît quelques mois ou années après une TVP.
- Les manifestations cliniques sont de sévérité variable :

  • lourdeur de jambe, œdème dur, chronique, douloureux ;
  • dilatations veineuses superficielles, varices de suppléance ;
  • œdème de cheville ;
  • troubles trophiques, hypodermite, dermite ocre, atrophie blanche ;
  • ulcères sus-malléolaires spontanés ou provoqués.

- L’écho-doppler veineux est le meilleur examen et permet de détecter l’obstruction et le reflux veineux.

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