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Diagnostic positif d'une thrombose veineuse profonde
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Bilan initial : diagnostic de probabilité
1. Signes cliniques
Ils résultent de deux facteurs : la réaction inflammatoire pariétale et l’obstruction due au caillot. La symptomatologie clinique dépend de l’importance de chacun d’eux :
- elle est fruste ou même absente quand un caillot est non occlusif et ne s’accompagne d’aucun phénomène inflammatoire ;
- elle est au contraire, bruyante quand s’associent, à leur plus haut degré, obstruction et inflammation.
Attention
Il faut d’emblée insister sur le manque de sensibilité et de spécificité de ces signes qui sont surtout utiles pour évoquer le diagnostic mais ne permettent jamais à eux seuls de l’affirmer ou de le réfuter (+++). Leur recherche représente cependant une étape préliminaire indispensable pour prescrire les examens paracliniques : examiner ne suffit pas, mais examiner est nécessaire !
- Douleur :
- la douleur est le signe d’appel le plus fréquent (60 %) ;
- elle relève de plusieurs mécanismes : la stase, le spasme et l’inflammation de la veine ;
- elle peut être spontanée, minime ou absente, elle doit alors être exagérée ou provoquée par la palpation le long des trajets veineux, par le ballottement ou la compression manuelle du mollet ou par la dorsiflexion du pied, c’est le classique signe de Homans qui n’est pas spécifique et peut s’observer dans certaines atteintes musculotendineuses ou articulaires (+++).
- Œdème :
- l’œdème n’est présent que lorsque la thrombose entraîne une gêne au retour veineux comme c’est le cas lorsqu’elle est occlusive et siège au niveau poplité, fémorale et/ou iliaque. Il est dur, résistant et ne prend pas le godet, la peau est de couleur blanche luisante avec une augmentation de la température locale et une dilatation des veines superficielles ;
- selon la topographie de l’obstruction, il est limité à la jambe (thrombose poplitée) ou s’étend à tout le membre inférieur (thrombose fémoro-iliaque), se trouve alors réalisé le tableau clinique typique de phlegmatia alba dolens ou phlébite blanche qui peut être complété par une hydarthrose du genou et des adénopathies inguinales ;
- en cas d’œdème massif et brutal par blocage aigu du carrefour saphéno-fémoro-iliaque, la mise en tension sous-aponévrotique entraîne une compression de la circulation artérielle, ce qui se manifeste par des signes d’ischémie avec une cyanose s’étendant à tout le membre accompagné parfois d’un état de choc, c’est la phlegmatia coerulea dolens ou phlébite bleue qui constitue une urgence thérapeutique. Cette forme particulière est très rare (1 % des TVP), son pronostic est mauvais car l’évolution peut se faire vers la gangrène et l’amputation, le risque embolique est élevé et l’association à un cancer est fréquente.
Les signes généraux sont habituellement peu intenses avec fébricule aux alentours de 38 ?C, pouls classiquement accéléré de façon progressive et angoisse.
2. Diagnostics différentiels
La spécificité des signes clinique est faible car ils peuvent être présents dans d’autres affections non thrombotiques. Lorsqu’ils sont dissociés, ils peuvent traduire un(e) :
- rupture d’un kyste synovial de Baker ;
- hématome intramusculaire ou « claquage » musculaire ;
- érysipèle, lymphangite, cellulite inflammatoire ;
- lymphœdème ou lipœdème ;
- maladie post-phlébitique ;
- compression extrinsèque (adénopathies, tumeur, utérus gravide) ;
- sciatique tronquée ;
- insuffisance cardiaque droite.
3. Localisations particulières
- TVP pelvienne (utéro-ovarienne, hypogastrique) : elle complique les interventions sur le petit bassin (prostatectomie, hystérectomie), la grossesse et l’accouchement. Elle peut se traduire par une dysurie, un ténesme, une constipation… Les touchers rectal ou vaginal peuvent réveiller la douleur. Le diagnostic est très difficile car il échappe à toutes les explorations sauf en cas d’atteinte de la veine hypogastrique ou iliaque. Lorsqu’elle se propage vers le réseau iliocave, elle devient très emboligène.
- TVP de la veine cave inférieure : classiquement, elle se traduit par des signes bilatéraux qui surviennent en un temps ou en deux temps successifs (thrombose veineuse à bascule). Il faut la rechercher systématiquement devant toute thrombose proximale car, habituellement non obstructive, elle ne se traduit par aucun signe spécifique. L’atteinte de la veine cave inférieure sus-rénale est rencontrée dans les thromboses de la veine rénale à partir d’un cancer du rein.
- TVP du membre supérieur : elle reste rare et survient dans certaines circonstances (héroïnomanie, cathéter de perfusion, stimulateur cardiaque, compression axillaire ou défilé costoclaviculaire). Le diagnostic clinique est proposé devant un œdème inflammatoire du bras ou de l’avant-bras dans un contexte évocateur. Dans certains cas, l’extension du thrombus dans la veine cave supérieure est responsable d’un œdème en pèlerine. L’écho-doppler veineux est le plus souvent suffisamment contributif. La réalisation d’une phlébographie des membres supérieurs et de la veine cave supérieure est discutée au cas par cas.
- TVP de la veine cave supérieure : souvent satellite d’une néoplasie profonde, d’une thrombose sur cathéter ou sonde de stimulation. Parfois elles sont dues à l’extension d’une thrombose du membre supérieur, à une maladie de système ou à une thrombophilie. Elles se manifestent de manière progressive par une dyspnée, une toux, une turgescence des jugulaires, un œdème en pèlerine, un œdème de la glotte. En raison du peu de spécificité de ces signes, le diagnostic est souvent difficile à la phase initiale.
4. Score de probabilité diagnostique
Baser le diagnostic de TVP sur les signes cliniques fait courir le risque d’un traitement inutile, coûteux et dangereux. C’est sur un faisceau de signes cliniques que l’on évoque la possibilité d’une TVP et la probabilité clinique a priori de TVP est d’autant plus élevée qu’il existe des circonstances favorisantes, la certitude diagnostique n’étant apportée que par des examens complémentaires. Le passage de la suspicion clinique à la confirmation paraclinique s’accompagne d’un abandon du diagnostic plus ou moins fréquent selon la localisation du thrombus. Les examens complémentaires confirment la suspicion clinique dans seulement 10 % des cas pour les TVP surales et 30 % des cas pour les TVP proximales.
En calculant le score clinique de Wells, il est possible d’évaluer le niveau de probabilité que les symptômes traduisent une TVP. La probabilité peut être estimée faible (3 %), intermédiaire (17 %) ou forte (75 %) (tableau 1). L’analyse est faite a priori avant les tests paracliniques et permet de renforcer la valeur de ces tests lorsqu’ils sont concordants avec l’impression clinique.
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Examens complémentaires : diagnostic de certitude
1. D-dimères
Les D-dimères sont les produits de dégradation de la fibrine. Ils sont dosés soit par méthode ELISA, soit par méthode au latex. La plus fiable est le test ELISA.
La valeur prédictive positive d’une élévation des D-dimères est faible car de nombreuses causes à l’origine d’une hyperfibrinogénémie peuvent en être responsables (âge, cancer, inflammation, infection, nécrose, dissection aortique, grossesse).
Dans la MTEV, un taux plasmatique élevé > 500 μg/L traduit la présence d’un thrombus actif (activation simultanée de la coagulation et de la fibrinolyse).
La valeur prédictive négative d’une élévation des D-dimères est forte (> 95 %). Le diagnostic de MTEV est très peu probable lorsque le taux est normal.
Le dosage des D-dimères est donc utilisé essentiellement pour exclure le diagnostic de MTEV chez les patients dont le score de probabilité clinique est faible ou intermédiaire.
2. Écho-doppler veineux
L’exploration morphologique et hémodynamique est effectué grâce à l’échographie et au Doppler. L’axe veineux est observé en coupe transversale, puis longitudinale, sous compression : veine cave inférieure jusqu’aux veines distales, système profond et superficiel. Le doppler complète l’examen, en particulier aux confluents veineux (fémoro-iliaque, poplité). Le doppler couleur peut être utilisé pour explorer certains territoires veineux de repérage difficile.
Les critères d’une veine normale sont :
- l’absence de matériel endoluminal ;
- la possibilité de la comprimer avec la sonde ;
- la perception de signal Doppler rythmé par la respiration et augmenté par la chasse veineuse manuelle.
Les critères de TVP sont variables. L’image directe du thrombus est un signe très fréquent et spécifique. L’incompressibilité de la veine à la pression sous la sonde, comme seul signe de thrombose, est recherchée par certaines équipes et limitée aux seuls axes fémoral et poplité, afin de rendre l’examen plus rapide et plus facile. Les modifications du signal Doppler recherchées sont une diminution ou une abolition du signal spontané ou provoqué lors des manœuvres dynamiques ; en couleur, il est noté un remplissage partiel ou une absence de remplissage au sein du thrombus. D’autres signes indirects de la présence du thrombus sont décrits et intéressent le calibre veineux, la cinétique de la paroi veineuse et des valvules, l’existence de circulation collatérale.
Les limites de l’examen sont liées à des exigences d’appareillage (haute résolution et sonde adaptée à la profondeur de la zone examinée), d’opérateur (expérimenté) et de conditions techniques optimales (absence de contractions musculaires).
3. Phlébographie
Elle est obtenue après injection de 60 mL de produit iodé dans une veine dorsale de chacun des pieds. Un garrot est placé à la cheville et à la cuisse pour opacifier le réseau veineux profond.
Les critères de TVP sont la lacune et l’arrêt en cupule. L’absence de segment veineux principal et la présence d’une circulation collatérale ne sont pas spécifiques. La nécessité d’une injection de produit de contraste en limite les indications. Il s’agit d’un examen coûteux et peu confortable dont il faut respecter les contre-indications.
4. Stratégies diagnostiques
Les stratégies diagnostiques sont adaptées au score de probabilité clinique, au dosage des D-dimères et à l’écho-doppler veineux des membres inférieurs (figure 1).
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