5  -  Bilan initial d'une hypertension artérielle de l'adulte

La démarche diagnostique au cours d’une HTA doit préciser le niveau de la pression artérielle, rechercher une HTA secondaire le cas échéant, évaluer le risque cardiovasculaire global du patient en examinant d’autres facteurs de risque, une atteinte infraclinique des organes cibles, des pathologies associées et d’éventuelles complications.

5 . 1  -  Mesure de la pression artérielle

1. Pression artérielle de consultation

La méthode la plus utilisée est la méthode auscultatoire : la PA systolique (PAS) correspond à l’apparition du premier bruit (phase I de Korotkoff), la disparition des bruits (phase V de Korotkoff) correspondant à la PA diastolique (PAD), la différence des deux à la pression pulsée (PP), on parle d’élévation de la PP à partir de 65 mmHg (c’est un reflet de la rigidité artérielle).
Les recommandations suivantes sont à respecter : sujet assis ou allongé au repos physique et psychique depuis > 5 minutes, à distance de plus de 30 minutes d’un effort physique d’une prise de café ou d’exposition à la cigarette.
Faire au moins deux mesures espacées de 1 à 2 minutes, à répéter si les deux premières mesures sont très différentes.
Utiliser un brassard adapté à la taille du bras (disposer de trois tailles : obèse, standard, enfant) et positionné à hauteur du cœur.
Mesurer la PA aux deux bras à la première consultation pour rechercher une asymétrie tensionnelle (atteinte artérielle périphérique). Dans ce cas, utiliser la valeur la plus élevée comme pression de référence.
Le chiffre retenu est la moyenne des tensions artérielles évaluées après deux à trois mesures.
Mesurer la PA 1 et 5 minutes après le passage en orthostatisme dans les cas où une hypotension orthostatique est suspectée, notamment chez le sujet âgé et chez le diabétique.
Mesurer la fréquence cardiaque par la palpation du pouls sur au moins 30 secondes.
Plusieurs causes d’erreur doivent être soulignées :

- l’effet blouse blanche ou hypertension isolée de consultation : pression artérielle de consultation élevée, alors que la MAPA ou l’automesure donnent des valeurs normales (15 % de la population générale) ;
- l’HTA ambulatoire isolée ou HTA masquée : il s’agit de sujets dont la PA est normale en consultation, mais élevée en MAPA ou en automesure ;
- chez le sujet âgé, une rigidité extrême des artères, notamment en cas d’artères calcifiées, pouvant aboutir à une élévation de la PA prise au brassard supérieure de 20 mmHg (et parfois de 40 à 50 mmHg) à la pression intra-artérielle. Chez de tels patients, il est possible de constater que le pouls brachial ou encore un cordon induré huméral ou radial restent perçus quand le brassard est gonflé au-dessus du niveau de la PAS, niveau jugé sur la disparition des bruits (manœuvre d’Osler). Le même phénomène peut se rencontrer chez le diabétique et/ou chez l’hémodialysé.

2. Mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA)


La MAPA améliore la prédiction du risque cardiovasculaire, est mieux corrélée à l’atteinte des organes cibles et évalue mieux la réduction de pression sous traitement.
La MAPA doit être faite sur 24 heures et correspondre à une période d’activité habituelle. Le brassard doit être adapté à la taille du bras. Il est important que le déroulement de l’examen soit expliqué au patient. Celui-ci doit recevoir un journal d’activité servant à consigner les heures réelles du coucher et du lever, éventuellement les heures de prise de médicaments ou l’horaire d’apparition d’un symptôme. Il est recommandé de procéder à des mesures suffisamment rapprochées, soit une mesure toutes les 15 minutes ou encore une mesure toutes les 15 minutes pendant la période diurne et toutes les 30 minutes pendant la période nocturne.
Les limites supérieures des valeurs normales sont fixées à 130–135/85 mmHg en période de jour, 120–70 mmHg en période de nuit, et 125–130/80 mmHg sur 24 h.
Les indications reconnus à la MAPA sont :

- grande variabilité de la pression artérielle, la MAPA a la capacité de mieux apprécier la réalité d’une HTA jugée limite et d’aider ainsi la décision thérapeutique ;
- PA de consultation élevée chez un patient à faible risque cardiovasculaire ;
- discordance entre PA mesurées en consultation et au domicile : hypertension artérielle « blouse blanche » ou HTA masquée ?
- HTA résistante ;
- suspicion d’hypotension artérielle chez les diabétiques ou les sujets âgés.

3. Automesure à domicile

L’automesure tensionnelle à domicile (mesure de la PA par le sujet lui-même) améliore également la prédiction du risque cardiovasculaire, est mieux corrélée à l’atteinte des organes cibles et améliore l’adhésion du patient à son traitement.
Il faut utiliser un appareil validé semi-automatique et éviter la mesure au poignet. Une éducation du patient est nécessaire. Outre l’apprentissage du maniement de l’appareil, il faut indiquer la chronologie des mesures et les conditions de la mesure (au calme, assis, réalisation d’une première mesure dont on ne tient pas compte et d’une deuxième mesure 5 minutes plus tard, notée par écrit ou éditée). Selon l’objectif poursuivi, les mesures sont faites au lever, avant le dîner, au coucher.
Les limites supérieures des valeurs normales sont fixées à 130–135/85 mmHg.

5 . 2  -  Évaluation initiale du patient hypertendu

Ce bilan comporte deux aspects : le bilan étiologique et le bilan de gravité reposant sur le degré d’élévation des chiffres tensionnels, la présence de signes cliniques d’atteinte viscérale et/ou de manifestations infracliniques d’atteinte d’un organe cible et la présence de facteurs de risque.

1. Interrogatoire


Il précise :

- l’ancienneté de l’HTA et les valeurs antérieures, le traitement anti-hypertenseur antérieur (efficacité, effets secondaires éventuels) ;
- les facteurs de risque associés : dyslipidémie, diabète, tabagisme, ATCD familiaux cardiovasculaires précoces, habitudes alimentaires (graisses animales, sel, alcool), activité physique, obésité ou prise de poids, ronflement et apnée du sommeil ;
- les ATCD et symptômes évocateurs d’une atteinte des organes cibles :

  • ATCD de maladie coronaire, d’insuffisance cardiaque, d’accident vasculaire cérébral, d’atteinte vasculaire périphérique, de néphropathie,
  • cerveau et yeux : céphalées, vertiges, troubles visuels, AIT, déficit sensitif ou moteur,
  • cœur : palpitations, douleur thoracique, dyspnée, œdèmes des membres inférieurs,
  • rein : soif, polyurie, nycturie, hématurie,
  • artères périphériques : extrémités froides, claudication intermittente ;

- les symptômes évocateurs d’une HTA secondaire :

  • histoire familiale de néphropathie (polykystose familiale) ou de polyendocrinopathies,
  • maladie rénale, infections urinaires, hématurie, consommation d’antalgiques (néphropathie parenchymateuse),
  • médicaments et substances : contraceptifs oraux (+++), réglisse et boissons anisées, carbénoxolone, gouttes nasales vasoconstrictrices, cocaïne, amphétamines, corticoïdes, AINS (+++), érythropoïétine, ciclosporine, dérivés de l’ergot,
  • céphalées, sueurs, palpitations (triade de Ménard du phéochromocytome),
  • faiblesse musculaire, tétanie (hyperaldostéronisme primaire).


2. Examen clinique


Il recherche :

- signes évocateurs d’une atteinte des organes cibles :

  • cerveau : souffles carotidiens, déficit moteur ou sensitif,
  • anomalies du fond d’œil de stade III : artères sclérosées ou spasmées, exsudats floconneux, hémorragies ponctuelles ou en nappes ; stade IV : stade III + œdème papillaire,
  • cœur : tachycardie, troubles du rythme, galop, râles pulmonaires, œdèmes des membres inférieurs,
  • artères périphériques : absence, diminution ou asymétrie des pouls, extrémités froides, lésions cutanées d’allure ischémique ;

- signes évocateurs d’une HTA secondaire :

  • souffle précordial, diminution ou abolition des pouls fémoraux (coarctation),
  • souffle aortique abdominal (HTA rénovasculaire),
  • gros reins palpables (polykystose),
  • signes cutanés de neurofibromatose (phéochromocytome),
  • éléments du syndrome de Cushing ;

- une obésité viscérale :

  • poids, indice de masse corporelle : surpoids > ou = à 25 kg/m2 ; obésité > ou = à 30 kg/m2,
  • tour de taille en position debout : homme > 102 cm ; femme > 88 cm.


3. Examens complémentaires systématiques


Il s’agit des recommandations OMS reprises par l’HAS en 2005 pour la France. Le but de ces examens est de rechercher d’autres facteurs de risque, une atteinte infraclinique des organes cibles ou une HTA secondaire :

- glycémie à jeun, test de tolérance au glucose si glycémie à jeun > ou = à 5,6 mmol/L (1 g/L) ;
- cholestérol total, HDL-cholestérol, triglycérides, calcul du LDL ;
- kaliémie sans garrot ;
- créatinine, estimation de la clairance de la créatinine (formule de Cockcroft et Gault) ou de la filtration glomérulaire (formule MDRD) ;
- bandelette réactive urinaire pour recherche de protéinurie et d’hématurie, quantification si bandelette positive sur échantillon d’urine ;
- ECG de repos ;
- il est habituel d’y adjoindre le dosage de l’hémoglobine et de l’hématocrite et le dosage de l’uricémie ;
- autres examens complémentaires non systématiques mais conseillés en fonction du contexte afin de dépister une atteinte infraclinique des organes cibles :

  • échocardiographie (HVG),
  • écho-doppler carotidienne (augmentation de l’épaisseur intima-média),
  • index de pression systolique (IPS),
  • vitesse de l’onde de pouls si appareillage disponible (mesure de la rigidité artérielle),
  • fond d’œil,
  • β-HCG en cas de suspicion de grossesse.


4. Atteinte infraclinique et cœur

a. Anomalies ECG

Cf. item 309.

- HVG (la présence de signes électriques d’HVG traduit une HVG déjà importante car l’ECG est un examen relativement peu sensible).
- Séquelles d’un infarctus du myocarde passé inaperçu (éventualité non exceptionnelle).
- Anomalies de la repolarisation d’interprétation plus difficile car les conséquences électriques de l’HVG (surcharge ventriculaire gauche) ou d’une ischémie associée ont des expressions assez voisines.
- Troubles de la repolarisation en relation avec le traitement (par exemple, un traitement diurétique abaissant la kaliémie).
- Hypertrophie atriale gauche.
- Trouble du rythme, notamment fibrillation atriale.
- ECG de départ normal qui peut ultérieurement servir de repère en cas d’accident évolutif.

b. Échocardiographie

- Plus sensible que l’ECG pour dépister une HVG et prédire le risque cardiovasculaire. Elle améliore la stratification du risque (géométrie : HVG concentrique de plus mauvais pronostic, taille de l’oreillette gauche) et aide du choix de la thérapeutique.
- HVG définie par une masse VG > 125 g/m2 chez l’homme et 110 g/m2 chez la femme.
- Étude de la fonction VG, d’abord anomalies du remplissage (doppler transmitral) puis diminution des indices de fonction systolique. La dysfonction diastolique est fréquente chez l’hypertendu (même en l’absence d’HVG) et explique une grande partie des insuffisances cardiaques chez le sujet âgé.

5. Atteinte infraclinique et vaisseaux

L’échographie des carotides avec mesure de l’épaisseur intima-média (> 0,9 mm au niveau de la carotide primitive) et recherche de plaques athéromateuses (bifurcations, carotides internes) affine la stratification du risque.
Un index de pression systolique cheville/bras < 0,9 signe une artériopathie des membres inférieurs.
La mesure de la vitesse de l’onde de pouls carotidofémorale (disponibilité encore limitée en dehors des centres de recherche), reflet de la rigidité artérielle des grosses artères, a une valeur prédictive indépendante pour la mortalité, la morbidité cardiovasculaire, les événements coronariens et les AVC.

6. Atteinte infraclinique et rein

Une augmentation de la créatinine ou une baisse de la clairance de la créatinine sont le reflet d’une baisse de la filtration glomérulaire, alors que la présence d’une protéinurie traduit une altération de la surface filtrante.
On parle de micro-albuminurie de 30 à 300 mg/24 h et de protéinurie au-delà de 500 mg/24 h.
La recherche de micro-albuminurie n’est systématique que chez le diabétique.

7. Fond d’œil

Les stades 1 (rétrécissement artériolaire focal ou diffus) et 2 (signe du croisement) correspondent à des altérations artériolaires peu spécifiques, sauf chez les sujets jeunes.
Au contraire, les stades 3 (hémorragies ou exsudats) et 4 (œdème papillaire) sont associés à un risque accru d’événements cardiovasculaires.
Ce bilan comporte deux aspects : le bilan étiologique et le bilan de gravité reposant sur le degré d’élévation des chiffres tensionnels, la présence de signes cliniques d’atteinte viscérale et/ou de manifestations infracliniques d’atteinte d’un organe cible et la présence de facteurs de risque.

5 . 3  -  Calcul du risque cardiovasculaire global


1. Facteurs de risque à retenir (HAS, 2005)


- Âge (> 50 ans chez l’homme et > 60 ans chez la femme).
- Tabagisme (actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans).
- Antécédents familiaux d’accident cardiovasculaire précoce :

  • infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 55 ans chez le père ;
  • infarctus du myocarde ou mort subite avant l’âge de 65 ans chez la mère ;
  • AVC précoce (< 45 ans).

- Diabète.
- Dyslipidémie :

  • LDL-cholestérol > ou = à 1,60 g/L ;
  • HDL-cholestérol < ou = à 0,40 g/L.


2. Atteintes d’organes cibles et/ou maladies

- Atteintes d’organe cible : HVG ou micro-albuminurie (30 à 300 mg/24 h).
- Maladies avérées :

  • artérite : aorte ou membres inférieurs ;
  • atteinte coronarienne ;
  • insuffisance rénale (DFG < 60 mL/min) ;
  • protéinurie > 500 mg/24 h ;
  • AVC ou AIT.


3. Tableau de calcul (tableau 2)


Les risques faible, moyen et élevé correspondent à des probabilités d’événement cardiovasculaire à 10 ans : respectivement < 10 %, entre 10 et 20 % et > 20 %.

Tableau 2. Cacul du risque cardiovasculaire global.
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