4  -  Manifestations cliniques, complications et évolution de l'HTA

4 . 1  -  Circonstances de découverte

Le plus souvent l’HTA est totalement latente et n’est qu’une découverte d’examen systématique.
Il est banal en outre de repérer une élévation tensionnelle à l’occasion d’une consultation pour de petits symptômes :

- céphalée occipitale légèrement battante, matinale, qui résiste volontiers aux antalgiques habituels et cède en quelques minutes au lever ou progressivement dans la matinée ;
- fatigabilité anormale, nervosité, insomnie ;
- épistaxis.

En fait, il n’est pas du tout certain que l’HTA soit vraiment à l’origine de ces symptômes. Le lien de causalité est très difficile à affirmer. La réalité d’une HTA ne peut pas être affirmée sur cette seule symptomatologie. Les critères habituels du diagnostic doivent être exigés et les autres causes possibles de ces manifestations fonctionnelles recherchées. Enfin, ces tableaux ne justifient pas un traitement d’urgence.

4 . 2  -  Complications

L’HTA peut être compliquée et la liste des complications de l’HTA est longue.

1. Complications neurosensorielles

- Accident ischémique :

  •  transitoire ;
  •  constitué.

- Hémorragie cérébrale (intraparenchymateuse par rupture de micro-anévrysme ou par nécrose fibrinoïde), méningée (dans cette éventualité une association avec une malformation vasculaire est souvent retrouvée), parfois cérébroméningée.
- Encéphalopathie hypertensive, possible dans toutes les formes d’hypertension mais surtout dans les hypertensions s’élevant vite (hypertension maligne, toxémie gravidique, glomérulonéphrite aiguës) : céphalées occipitales puis généralisées, accrues au moindre effort, vomissements, troubles de la conscience, convulsions, évolution naturelle vers le coma ou la mort.
- Lacune cérébrale.
- Démence vasculaire.
- Rétinopathie hypertensive : elle est non corrélée à la sévérité de l’HTA sauf pour les urgences hypertensives (cf. infra).

2. Complications cardiovasculaires

Insuffisance cardiaque systolique, conséquence des atteintes ischémiques et nécrotiques liées à l’insuffisance coronarienne. Il s’agit alors d’une insuffisance ventriculaire gauche avec diminution de la fraction d’éjection sur un cœur à la fois dilaté et hypertrophié (HVG).
Insuffisance ventriculaire gauche par anomalie du remplissage ventriculaire (troubles de la compliance et de la relaxation), insuffisance cardiaque dite à fonction systolique conservée (fraction d’éjection normale) sur un cœur hypertrophié et non dilaté.
Cardiopathie ischémique : SCA, angor, infarctus du myocarde. L’angine de poitrine chez un hypertendu peut être liée à une athérosclérose coronaire ou à l’HTA elle-même (diminution de la réserve coronaire due à l’HVG) ou aux deux.
Fibrillation atriale (FA) dont l’HTA est la première cause (un sujet en fibrillation atriale sur deux est hypertendu). La phase d’installation de la FA est parfois très mal tolérée marquée par une insuffisance cardiaque aiguë due au fait que le raccourcissement de nombreuses diastoles (tachyarythmie) et la perte de la systole auriculaire sont particulièrement mal supportés par le ventricule lorsqu’il connaît des difficultés de remplissage liées à l’HVG. L’HTA est un facteur de risque thrombo-embolique au cours de la FA (1 point dans le score CHADS2).
Les enregistrements électriques continus montrent la fréquence d’épisodes de tachycardie ventriculaire méconnus. L’incidence des arythmies ventriculaires est d’autant plus importante qu’il existe une HVG et une ischémie.
Le risque de mort subite est multiplié par trois chez l’hypertendu.
Complications artérielles liées à l’athérosclérose : artériopathie des membres inférieurs, sténose carotide, anévrysme de l’aorte abdominale…
La mortalité cardiovasculaire est accrue chez l’hypertendu, multipliée par cinq chez l’homme et par trois chez la femme.

3. Complications rénales


Cf. item 134 : néphropathie vasculaire (non traité dans cet ouvrage).

La néphro-angiosclérose peut évoluer vers l’insuffisance rénale par réduction néphronique qui à son tour aggrave l’HTA. Un signe précoce est l’apparition d’une micro-albuminurie (> 30 mg/24 h).
L’HTA peut conduire indirectement à l’insuffisance rénale par l’intermédiaire d’une sténose athéromateuse de l’artère rénale ou d’embolies de cholestérol.
Au cours du traitement d’une hypertension artérielle, une élévation de la créatininémie peut s’observer dans diverses circonstances :

- chez un hypertendu en insuffisance cardiaque, ayant une hypoperfusion rénale et recevant pour son état cardiaque un traitement diurétique important, une augmentation souvent modérée (10 à 25 %) de la créatininémie est possible après l’administration d’un anti-hypertenseur inotrope négatif (baisse du débit sanguin rénal) ou d’un produit (IEC, ARA II) affaiblissant le rôle de l’angiotensine dans le maintien d’une pression de filtration satisfaisante (diminution du tonus de l’artère efférente glomérulaire) ;
- de même, une insuffisance rénale fonctionnelle peut apparaître à la suite de la prescription de diurétiques thiazidiques ou diurétiques de l’anse entraînant une déshydratation extracellulaire ;
- une insuffisance rénale aiguë ou rapide sévère peut se voir après prescription d’un IEC en cas de sténose bilatérale des artères rénales ou de sténose de l’artère d’un rein unique ;
- une élévation modérée de la créatininémie, supérieure toutefois à 25 %, peut traduire la baisse du débit de filtration glomérulaire après prescription d’IEC sur une sténose unilatérale de l’artère rénale.

4 . 3  -  Urgences hypertensives

Ne pas confondre avec la crise hypertensive qui se définit par une HTA de grade III isolée (TA > 180–110 mmHg) et qui n’est pas une urgence.
L’urgence hypertensive (dont fait partie l’HTA maligne, cf. infra) se caractérise par une HTA le plus souvent sévère (ou installée rapidement chez un patient normotendu) et qui est associée à une atteinte aiguë des organes cibles. Ces urgences sont rares mais mettent en jeu le pronostic vital. Le traitement de l’hypertension doit être rapide, mais il faut éviter une chute trop brutale de la pression artérielle afin d’empêcher les conséquences de la perte de l’autorégulation de la pression artérielle, entraînant une hypoperfusion cérébrale, une ischémie myocardique ou rénale.
Les principales urgences hypertensives sont :

- HTA avec syndrome coronarien aigu avec ou sans sus-ST ;
- HTA avec insuffisance ventriculaire gauche (OAP) ;
- HTA avec dissection aortique ;
- encéphalopathie hypertensive (HTA avec hypertension intracrânienne) ;
- HTA avec hémorragie méningée ou AVC ;
- phéochromocytome ;
- usage d’amphétamines, de LSD, de cocaïne, d’ecstasy ;
- HTA péri-opératoire (attention à la rétention aiguë d’urine comme facteur déclenchant) ;
- Pré-éclampsie sévère ou éclampsie ;
- HTA du syndrome hémolytique et urémique.

Diagnostic clinique sur des chiffres de TA élevés souvent > 180–110 mmHg et point d’appel sur l’une ou l’autre de ces atteintes viscérales.
Examens paracliniques :

- biologie de routine avec urée créatinine et recherche de protéinurie, plaquettes et bilan de coagulation (CIVD), troponine (SCA), dosage de toxiques (cocaïne), NFS, recherche de schizocytes, bilirubine libre haptoglobine (anémie hémolytique) ;
- ECG à la recherche d’un syndrome coronaire aigu ;
- radiographie de thorax à la recherche de signes de surcharge (OAP) ;
- échocardiographie (fonction VG, infarctus, pressions de remplissage) ;
- fond d’œil pour rechercher une occlusion de veine centrale de rétine ou un stade IV ;
- scanner ou IRM cérébrale en cas de suspicion d’hémorragie ou d’AVC ;
- imagerie aortique (scanner, ETO, IRM) si suspicion de dissection aortique.

4 . 4  -  HTA maligne

Elle est devenue rare aujourd’hui dans les pays développés en raison de la large diffusion du traitement anti-hypertenseur.
Son mécanisme comporte une part d’hypovolémie liée à une augmentation de la natriurèse avec hyperaldostéronisme secondaire et hypokaliémie. Ce cercle vicieux aggrave l’encéphalopathie hypertensive et contre-indique les diurétiques.

Le tableau comporte une diastolique élevée > 130 mmHg (systolique souvent > 210 mmHg), un œdème papillaire au fond d’œil (stade IV), une insuffisance ventriculaire gauche, une insuffisance rénale aiguë avec élévation de la créatininémie +++, une protéinurie abondante, une hématurie fréquente.
On retrouve souvent aussi :

- asthénie, amaigrissement, avec altération de l’état général ;
- troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements), soif, signes possibles de déshydratation.
- troubles neurologiques : troubles visuels, céphalées violentes liées à l’hypertension intracrânienne, réalisant le tableau d’une encéphalopathie hypertensive avec parfois signes de focalisation pouvant aller au coma.

On note fréquemment une hypokaliémie et une anémie hémolytique régénérative.
L’HTA maligne est caractérisée surtout (+++) par une évolution particulièrement rapide aboutissant en quelques mois en l’absence de traitement approprié à une grande insuffisance rénale irréversible et mortelle.

4/8