Introduction

La  prévalence  des  douleurs  augmente avec l'âge, notamment chez les patients porteurs d'une polypathologie avec perte d'autonomie d'origine physique et / ou psychique ou chez les sujets en fin de vie, le  vieillissement  modifie  peu  les  seuils douloureux  provoqués  par  des  stimuli nociceptifs mais la perception est influencée  par  les  expériences  douloureuses antérieures, l'anxiété, la dépression et le vieillissement pathologique des zones corticales impliquées dans la douleur.

La symptomatologie douloureuse est souvent atypique et l’expression d'une douleur chronique peut prendre un masque trompeur à type de confusion, de perte d'autonomie ou de repli sur soi. L'évaluation est difficile, car 30 à 40 % des hospitalisés  âgés  présentent  des  déficiences sensorielles ou cognitives ou des troubles du langage.

L'approche de la mort provoque des réactions psychologiques qui doivent être analysées par l'équipe soignante et l'entourage pour assurer une prise en charge adaptée.
Il importe de connaître les particularités d'utilisation des antalgiques au grand âge et les traitements des symptômes générateurs d'inconfort en fin de vie.

1  -  La douleur

1 . 1  -  Définition

La douleur est une expérience sensitive et émotionnelle désagréable survenant après une lésion tissulaire aiguë ou présentée comme telle.

L'aspect pluridimensionnel de la douleur oblige à considérer :
• la  composante  sensori-discriminative correspondant  aux  mécanismes  de détection  et  d'analyse  du  stimulus nociceptif ;
• la composante affective et psychique correspondant à la perception douloureuse qui est modulée par l'anxiété ou la dépression ;
• la composante cognitive qui se réfère à la mémoire, au vécu, aux phénomènes d'attention ou d'interprétation
• la composante comportementale  correspondant aux manifestations observables  :  verbales  (plaintes,  gémissements...), motrices (postures, attitudes antalgiques) et végétatives (sueurs...).

La durée d'évolution de la douleur doit être prise en compte car la persistance d'un symptôme douloureux (douleur aiguë : signal d'alarme) peut se modifier et devenir un syndrome à part entière (douleur -maladie).

La douleur est dite chronique  lorsqu'elle évolue depuis plus de 3 mois. Elle s'accompagne alors d'anxiété, d'insomnie, de perte d'autonomie et de détérioration de la qualité de vie, souvent associées à un sentiment d'abandon et / ou d'insécurité. La douleur exprimée par les patients n'est plus en rapport avec la lésion initiale. Elle est pérennisée ou entretenue par des facteurs psychiques, somatiques et environnementaux : c‘est la douleur globale.

La douleur nociceptive est directement liée à un dommage tissulaire. L'allodynieDéfinitionL'allodynie est une douleur suscitée par un stimulus qui n'est normalement pas ressenti comme douloureux, mais qui l'est en l'occurrence chez le patient, contrairement à l'hyperalgie qui correspond à une sensation de douleur intense provoquée par un stimulus habituellement douloureux. Le simple geste d'effleurer doucement la peau ou encore de légers stimuli de chaleur ou de froid peuvent alors être douloureux. La définition originale est de Merskey & Bogduk (1994): Douleur causée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur Traduction de Malenfant 1998 [1]. Le territoire allodynique peut être cartographié par une allodynographie: Territoire cutané où la stimulation, par une force d'application de 15 grammes, provoque une douleur égale ou supérieure à 3 sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 10 cm [2] Les patients souffrant d'allodynie caractérisent la douleur comme rayonnante, sensible, enserrante, constante, réveillant la nuit. Ce sont souvent des patients ayant eu recours à toutes les méthodes antalgiques connues sans résultats. Ces radiculalgies proviennent de lésions partielles des nerfs cutanés - a beta (Devor, Exp Brain Res, 2009). Ces douleurs neuropathiques au toucher peuvent être diminuées par la méthode de rééducation sensitive de la douleur [3] Une nouvelle méthode chirurgicale parvient néanmoins à soigner cette maladie pour certains patients : la neurostimulation medullaire consistant à stimuler des zones spécifiques de la moelle afin de contrer l'influx douloureux.  est une douleur provoquée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur. L'hyperpathie DéfinitionL'hyperpathie est un terme médical désignant la perception d'une douleur persistante lors de stimulations répétées non douloureuses normalement (exemple : Lors du sommeil, le drap posé sur les jambes). est un syndrome douloureux caractérisé par une réponse exagérée  à  un  stimulus  douloureux.  La causalgieDéfinitionLa causalgie est un syndrome (ensemble de symptômes) touchant le plus souvent les extrémités et se caractérisant par une sensation de brûlure s'associant à une perception plus importante au niveau de la peau (hyperesthésie cutanée) et à une altération spéciale de celle-ci qui prend une coloration rouge et luisante s'accompagnant d'un excès de sueur localement. D'autre part l'attouchement des zones atteintes exacerbe les douleurs. associe une douleur continue, à type de brûlure, à une allodynie et à une hyperpathie  après  une  lésion  nerveuse traumatique. Elle est souvent associée à une activation constante du système sympathique et expose à des troubles trophiques.

1 . 2  -  Mécanismes physiopathologiques

  • Les deux grands types de douleur

La douleur par excès de nociception DéfinitionLa nociception a une fonction défensive, d'alarme. C'est l'ensemble des phénomènes permettant l'intégration au niveau du système nerveux central d'un stimulus douloureux via l'activation des nocicepteurs (récepteurs à la douleur) cutanés, musculaires et articulaires. Le transport de l'information sensorielle par les nerfs se fait de la périphérie (lieu du ressenti de la douleur) jusqu'à l'encéphale. Il faut que la stimulation dépasse un certain seuil pour qu'il y ait un déclenchement d'une réponse électrique, c'est la théorie du gate control. résulte de la stimulation des terminaisons nerveuses cutanées, musculaires ou viscérales. Le message est véhiculé jusqu'à  la  corne  postérieure  de  la moelle par des fibres A delta myéliniques de petit calibre et des fibres C amyéliniques plus lentes.

La  douleur  neurogène  résulte  d’une lésion  du  système  nerveux  périphérique (douleur de désafférentationDéfinitionLe terme désafférentation est utilisé entre autres pour désigner une douleur liée à une lésion du système nerveux périphérique (au contraire de l'encéphale contenant le cerveau et la moelle épinière qui font partie du système nerveux central). Une des douleurs de désafférentation les plus typiques est la douleur survenant après l'amputation d'un membre et se traduisant par une douleur du moignon et un membre fantôme. Ce type de douleurs est perçu en dehors de toute stimulations nociceptivres (susceptibles d'entraîner une douleur). Les douleurs de désafférentation se traduisent de plusieurs manières :Perte de la sensation douloureuseExagération de la sensation douloureusePerturbation de la sensation douloureuse à type de décharge électrique plus ou moins intenseParesthésies (sensation de fourmillements) plus ou moins fortes.Les douleurs de désafférentation surviennent au cours d'autres pathologies (polynévrite, zona etc.)) ou central (douleurs cordonnales ou thalamiques). La douleur s'exprime par des brûlures avec des paroxysmes parfois fulgurants. Il peut s’y associer une hypo ou une hyperesthésie dans la zone douloureuse.

  • Impact du vieillissement sur la douleur

Les seuils et la tolérance de la douleur sont similaires chez les sujets jeunes et chez les sujets âgés.

La localisation de la douleur devient avec le vieillissement moins précise et la tolérance aux stimulations nociceptives de forte intensité est réduite.

Du fait d’une baisse des neuromédiateurs (noradrénaline, sérotonine), les systèmes de contrôle de la douleur sont moins efficaces.

On observe avec le vieillissement une augmentation du syndrome de désafférentation notamment lors des zonas, des amputations, des thermocoagulations du trijumeau.

L'histoire  individuelle  joue  un  rôle important par l’acquis d’une mémoire de la douleur tout au long de la vie. Les douleurs fantôme traduisent l'activation de cette mémoire sensori-motrice lors de certaines stimulations.

Les processus d’intégration corticaux de la douleur semblent parfois altérés au cours de la démence expliquant la modification des comportements douloureux.

Il existe un lien entre douleur chronique, anxiété et dépression. Avec le vieillissement,  la  fréquence  de  la dépression accompagnant une douleur chronique augmente.

En conclusion, aucun argument n'autorise à penser que les sujets âgés ont une plus  grande  tolérance  à  la  douleur. L'histoire  personnelle,  la  chronicité  du passé douloureux, l'état psychothymique  modifient  les  réponses  à  la  douleur.

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