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Stérilisation à visée contraceptive
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Généralités
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Cadre légal
La stérilisation à visée contraceptive, qu’elle soit masculine ou féminine, n’est devenue légale en France que depuis la loi du 4 juillet 2001 (relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception). Avant la promulgation de cette loi, les actes de stérilisation étaient considérés comme des actes de mutilation et punissables au titre des blessures involontaires, quel que soit le consentement du patient, sauf en cas de nécessité thérapeutique. Ainsi, plusieurs praticiens ont été condamnés, même si les patients ont témoigné du fait que les praticiens avaient agit sur leur demande, pour des convenances personnelles.
La loi du 4 juillet 2001 fixe donc les conditions de réalisation de ces interventions.
L’acte reste donc toujours interdit chez les mineurs, il doit être pratiqué dans un établissement de santé, après une consultation avec un médecin qui lui aura délivré une information claire, compréhensible et complète sur la méthode, les avantages et inconvénients, ainsi que les risques et les conséquences possibles tout en insistant sur le caractère irréversible de l’intervention. De plus, une information écrite (qui ne dispense pas de l’information orale) doit être remise au patient afin qu’il puisse prendre le temps de la réflexion. La loi prévoit un délai incompressible de 4 mois correspondant au délai de réflexion, un consentement écrit doit également être donné avant l’intervention. Il est important de souligner que le consentement du conjoint (qu’il soit marié ou non) n’est pas nécessaire. Toutefois, un praticien a le droit de refuser de pratiquer l’acte, il se doit dans ce cas d’informer le patient de son refus dès la première consultation.
Cas particulier du majeur sous tutelle ou curatelle
La loi du 4 juillet 2001 n’interdit pas la stérilisation à visée contraceptive chez les majeurs sous tutelle ou sous curatelle ; elle est possible uniquement lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée à les mettre en œuvre efficacement (il s’agit donc d’un dernier recours), soumise à autorisation du juge des tutelles, et après information adaptée au degré de compréhension de la personne. Le consentement de la personne concernée doit être systématiquement recherchée et recueilli si elle est apte à s’exprimer. L’autorisation ne sera éventuellement donnés qu’après audition du patient, de ses père, mère et tuteur ; ainsi qu’après avis d’un comité d’experts.
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Indications
L’indication principale des méthodes masculines et féminines de stérilisation à visée contraceptive est l’absence définitive et réfléchie du désir d’enfant, vient ensuite la notion de risque vital pour la femme en cas de survenue d’une nouvelle grossesse. Il est essentiel d’insister sur le caractère irréversible, et d’insister sur le risque de regret ultérieur en cas de remariage, de décès du conjoint ou de décès d’enfants par exemple. La méthode n’est pas réversible donc il ne s’agit pas d’un moyen de contraception.
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Stérilisation féminine
L’ensemble des techniques vise à prévenir les grossesses par interruption ou par occlusion des trompes à l’aide de différents dispositifs médicaux. Les trompes peuvent ensuite être ligaturées et sectionnées (technique type Pomeroy), bloquées mécaniquement par des anneaux de silicone ou de caoutchouc (anneaux de Yoon) ou des clips (Filshie ou Hulka-Clemens) ou coagulées à l’aide d’un courant électrique. Une autre technique consistant en l’insertion de « plug » dans la trompe (système Essure®), vise à créer une fibrose luminale sur environ 4 cm. Toutes ces techniques n’entraînent pas de changement dans la fonction sexuelle et n’altèrent pas la fonction hormonale.
Quatre voies d’abord sont possibles : mini-laparotomie (en vue d’une ligature avec ou sans section des trompes), coelioscopie (essentiellement pour coagulation bipolaire ou pour application de clips ou d’anneaux), la voie d’abord vaginale (avec colpotomie ou culdoscopie (à définir en lien glossaire) et l’hystéroscopie (insertion d’un plug).
Une large étude de l’US Collaborative Review of Sterilization(cf. note : 35) (CREST) estimait le risque d’échec à 10 ans à 1,85% toutes méthodes confondues. Cette étude rapportait également que leurs performances dépendaient de nombreux facteurs, notamment l’âge de la femme au moment de l’intervention, les femmes les plus jeunes (< 28 ans) ayant plus de risques de devenir enceintes que les plus âgées (> 34 ans).
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Efficacité des méthodes de stérilisation féminine
La technique Essure existe depuis 1999 en Australie et consiste à placer des plugs en forme de ressorts dans les trompes par voie hystéroscopique (par les voies naturelles, sous anesthésie locale) ; les ressorts allant, dans une durée évaluée à 3 mois, venir oblitérer les trompes par la prolifération des tissus autour d’eux. Cette technique nécessite un contrôle radiologique 3 mois après la pose (car il existe 8 à 15% d’échec de pose et 1 à 3% de déplacement secondaire en intra-abdominal ou intra-vaginal), ainsi qu’une contraception efficace durant 3 mois. L’allergie au nickel constitue une contre-indication à cette technique.
On peut souligner le fait que la réalisation de l’intervention par l’une de ces techniques est possible au décours d’une césarienne si la patiente a reçu une information préalable par un médecin, que le délai de réflexion de 4 mois est respecté, et que le consentement écrit et éclairé de la patiente a été recueilli.
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Contre-indications
Il n’existe aucune contre-indication médicale formelle ou absolue à la stérilisation féminine. Celle-ci peut être réalisée à n’importe quel moment du cycle à condition toutefois de s’assurer de l’absence de grossesse en cours, un test de grossesse devant être réalisé en préopératoire au moindre doute.
L’OMS précise quelques situations devant conduire à différer l’intervention(cf. note : 36) . Il s’agit de:
- grossesse
- certaines situations en post-partum : entre 7 jours et 6 semaines, infection puerpérale, hémorragie grave, lésion grave de l’appareil génital
- certaines situations du post-abortum : infection ou fièvre, lésion grave de l’appareil génital, hématométrie aiguë
- thrombose veineuse profonde/embolie pulmonaire en cours
- chirurgie majeure avec immobilisation prolongée
- cardiopathie ischémique en cours
- saignements vaginaux inexpliqués
- maladie trophoblastique maligne
- cancers du col utérin, de l’endomètre ou de l’ovaire (le traitement entraîne la stérilité)
- infection génitale haute en cours ou datant de moins de 3 mois
- IST en cours
- hépatite virale évolutive
- anémie ferriprive (avec Hb < 7 g/dl)
- infection cutanée abdominale
- pathologie respiratoire aiguë
- infection généralisée
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Précautions
Certains critères sont à étudier avant d’accepter de pratiquer l’intervention :
- l’âge
- la parité
- la vie de couple
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Complications et inconvénients
Les complications précoces dépendent à la fois de la voie d’abord et de la technique utilisée. Dans les études comparatives retenues par la Cochrane Library et rapportées par l’Anaes, le taux de complications majeures était de l’ordre de 1 % des cas, les complications mineures survenant quant à elles dans 1 à 10 % des cas en fonction de la technique utilisée et des études. Les tailles réduites d’échantillons ne permettaient pas réellement la comparaison des voies d’abord notamment en termes d’événements rares tels que complications majeures ou décès. Dans le cas de la minilaparotomie, il s’agit essentiellement d’hématomes, d’infections (de la cicatrice ou génitale haute), d’hémorragie intrapéritonéale, de douleurs postopératoires et d’accidents d’anesthésie. Dans le cas de la coelioscopie, le risque est essentiellement celui de la perforation vasculaire, des douleurs post-opératoires et, lorsque l’électrocoagulation est utilisée, celui de la brûlure des organes du voisinage et notamment de l’intestin. Dans le cas de l’hystéroscopie, il s’agit essentiellement de douleurs en cours de procédure (72 % des patientes).
Une étude de cohorte prospective du CREST(cf. note : 37) estimait à 0,73% le risque cumulé de faire une grossesse ectopique à 10 ans pour les femmes ayant eu recours à une stérilisation tubaire, toutes méthodes confondues
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Risque de regret
Une étude prospective multicentrique(cf. note : 38) menée sur 14 ans a estimé le risque de regret de la part des femmes ayant eu recours à une stérilisation tubaire. Ce risque était de 3,9 % après 3 ans, 7,5 % après 7 ans et 12,7 % après 14 ans. Ces regrets étaient plus fréquents chez les femmes de moins de 30 ans (20,3 %) par rapport à celles de plus de 30 ans (5,9 %). Les motifs étaient le plus souvent le désir d’un nouvel enfant, les problèmes gynécologiques qui avaient suivi l’intervention et un divorce ou un nouveau mariage.
Deux possibilités peuvent être proposées en vue d’une grossesse : la procréation médicalement assistée et l’appel à une technique réparatrice chirurgicale, celle-ci exposant néanmoins, de même qu’en cas d’échec, à un risque de grossesse extra-utérine (3 à 17 % en fonction des techniques sur des études non comparatives)(cf. note : 39) .
La réversibilité des techniques semble liée à la quantité tubaire non endommagée et disponible pour l’anastomose. À titre indicatif, une revue de la littérature sur la stérilisation aux États-Unis donne des chiffres variant de 42 à 52 % de grossesses à terme après tentative de réversion d’une coagulation bipolaire, 41 à 74 % après une technique de type Pomeroy.
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Stérilisation masculine
Pour l’homme, les précautions, le cadre légal et éthique sont les mêmes que ceux évoqués ci-dessus, pour la stérilisation féminine.
Il s’agit de même que pour la stérilisation féminine d’une méthode de contraception qui doit être considérée comme irréversible. Elle est très pratiquée dans les pays du nord comme la Suède, la Norvège ou la Canada, mais reste minoritaire en France et dans les pays latins. (sentiment de perte de virilité)
Quelle que soit la voie d’abord, le principe commun à l’ensemble des techniques utilisées est au final de réaliser une occlusion ou de sectionner le canal déférent (qui achemine les spermatozoïdes). La ligature du canal déférent s’appelle la vasectomie. Sa réalisation est simple, se pratique sous anesthésie locale, et nécessite une contraception efficace durant 3 mois. Le contrôle à 3 mois de l’acte s’effectue au moyen d’un spermogramme qui montrera l’azoospermie effective de l’éjucalat qui garde un volume identique. Il existe cependant des erreurs techniques de réalisation de la méthode (opérateur débutant) ou des erreurs dues à une anomalie ou une particularité anatomique.
Aucune contre-indication permanente à la stérilisation masculine n’est retenue par l’OMS
Il s’agit d’une méthode très efficace avec un indice de Pearl à 0.1. Elle nécessite une intervention simple faite en ambulatoire, sans risque anesthésique si elle est pratiquée sous anesthésie locale. Il y a peu d’effet secondaires à long terme, pas de changement de la fonction ou des capacités sexuelles ni d’altération de la fonction hormonale testiculaire.
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Complications et inconvénients
Du fait de la technique, il peut y avoir une gêne ou des douleurs à court terme, des hématomes, et une possible atrophie testiculaire dans de rares cas. Le risque de regret est estimé à 15%, et les chances de succès de micro-recapilorisation à 45%. La technique n’est pas immédiate tout de suite et nécessite 3 mois de contraception efficace.
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Conclusion
La stérilisation à visée contraceptive nécessite un opérateur formé. Elle peut avoir des répercussions psycho-sexuelles selon l’acceptation et l’impression éventuelle de pertes de capacités fécondantes.
Notes
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35 :
Peterson HB, Xia Z, Hughes JM, et al. The risk of pregnancy after tubal sterilization: findings from the U.S. Collaborative Review of Sterilization. Am J Obstet Gynecol 1996;174(4):1161-70
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36 :
Organisation mondiale de la santé. Pour un meilleur accès à des soins de qualité en matière de planification familiale. Critères de recevabilité pour l'adoption et l'utilisation continue de méthodes contraceptives. 2nd ed. Genève: OMS; 2002
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37 :
Peterson HB, Xia Z, Hughes JM, et al. The risk of ectopic pregnancy after tubal sterilization. N Engl J Med 1997; 336(11):762-7.
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38 :
Hillis SD, Marchbanks PA, Tylor LR, Poststerilization regret: findings from the United States Collaborative Review of Sterilization. Obstet Gynecol 1999;93(6):889-95.
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39 :
Westhoff C, Davis A. Tubal sterilization: focus on the U.S. experience. Fertil Steril 2000;73(5):913- 22.
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