1 . 4  -  Troubles du rythme supraventriculaire

On les définit comme naissant des massifs atriaux ou du nœud atrioventriculaire plus rarement du faisceau de His. Au-delà de la bifurcation hisienne, on parle de troubles du rythme ventriculaire.


Attention

Dans la pratique française, trouble du rythme est quasi synonyme de tachycardie et n’est pas employé pour désigner les bradycardies. Pour les bradycardies, on utilise le terme de trouble de la conduction. Enfin, le terme de tachysystolie a été banni depuis longtemps du vocabulaire français ou international.

Figure 14 : Aspect d’échappement jonctionnel traduisant une dysfonction sinusale
Noter l’absence d’onde P devant les QRS, on n’observe pas non plus d’ondes P bloquées. En fait, l’activité atriale est visible derrière le QRS dans le segment ST. Chez ce sportif de haut niveau, le mécanisme est une vagotonie.

Les troubles du rythme supraventriculaire sont à QRS fins (< 120 ms) mais pas toujours…
Intérêt des manœuvres vagales pour élucider ces ECG en créant un bloc atrioventriculaire transitoire :

  • manœuvre de Valsalva (expiration forcée à glotte fermée) ;
  • à la rigueur chez les patients jeunes, compression carotidienne unilatérale (attention à l’athérome carotide) ;
  • jamais de compression oculaire (décolle la rétine des myopes) ;
  • si inefficace, utiliser un vagomimétique, agoniste purinergique de type Striadyne®. Cette molécule est contre-indiquée en cas de bronchospasme (asthme) ou d’hypotension artérielle, elle n’est pas recommandée si les QRS sont larges (> 120 ms), elle s’utilise en intraveineux flash, l’effet dure une dizaine de secondes.

1 . 4 . 1  -  Fibrillation atriale : FA

Ce sujet fait l’objet de litem 236.

Forme usuelle de tachycardie entre 100 et 200 bpm à QRS « irrégulièrement irréguliers », c’est-à-dire que les intervalles RR ne sont pas multiples d’une valeur commune, habituellement les QRS sont fins et l’activité atriale est remplacée par des mailles amples ou au contraire par une fine trémulation de la ligne de base (cf. exemples item 236). En cas de difficultés pour analyser l’activité atriale, on peut recourir aux manœuvres vagales.
Des aspects plus difficiles peuvent mettre l’étudiant de DCEM en difficulté :

  • association à un bloc atrioventriculaire complet, l’évoquer lorsque l’activité ventriculaire devient lente et régulière ;
  • association à une dysfonction sinusale avec alternance de bradycardie et de tachycardie. On parle alors de la maladie de l’oreillette ou maladie rythmique atriale. Des pauses de régularisation sont observées à l’arrêt de la FA traduisant la non-reprise du rythme sinusal ;
  • association à un bloc de branche pré-existant. Plus problématique encore et dépassant les objectifs de cet ouvrage est le problème des blocs de branche fonctionnels observés en FA et non en rythme sinusal chez le même patient.
Figure 15 : Fibrillation atriale à petites mailles, bien visibles sur le long tracé D2, et bloc de branche gauche complet (durée de QRS = 120 ms, aspect QS en V1)

1 . 4 . 2  -  Flutters atriaux

Troubles du rythme également fréquents et organisés, liés à une boucle d’activation circulaire dans l’atrium droit plus souvent que gauche (on parle de réentrée).
Ils sont souvent observés en association à la FA avec possibilité de passage d’une forme à l’autre (parfois sur un même ECG !).
Activité atriale monomorphe (même aspect sur une dérivation donnée) rapide avec le plus souvent activité à 300 bpm (entre 240 et 340), sans retour net à la ligne de base. L’enchaînement des ondes P (dénommées F) donne un aspect sinusoïdal ou en dents de scie, parfois uniquement visible après manœuvre vagale (figure 16).
On en distingue plusieurs variétés :

  • le flutter commun (ou typique) tourne dans l’atrium droit, il a une cadence à 300 bpm (le plus souvent) et les ondes F sont bien visibles en D2, D3 et aVF sous la forme de dents de scie négatives, et sous une forme bosselée et positive en V1 ;
  • autres variétés dites atypiques, soit atriales droites soit atriales gauches, à des cadences propres allant de 150 à 320 bpm et des ondes F de morphologies diverses.
Figure 16 : Flutter atrial commun avec ondes F en dents de scie négatives en D2, D3 et aVF à 300 bpm démasquées par une manœuvre vagale en raison d’un bloc de branche associé

L’activité ventriculaire est particulière et doit être bien analysée :

  • elle est rapide le plus souvent mais pas toujours (si le patient reçoit des médicaments freinateurs ; premier piège) ;
  • elle est régulière le plus souvent mais pas toujours (car l’effet de filtrage du nœud peut lui-même être variable ; second piège) ;
  • elle correspond à un filtrage physiologique de la part du nœud atrioventriculaire ;
  • dans sa forme usuelle, la cadence ventriculaire est à 150 bpm, correspondant à une division par deux de la fréquence des ondes F (transmission 2:1) ou à 100 bpm correspondant à une transmission 3:1… ;
  • elle est ralentie temporairement par la manœuvre vagale qui démasque de ce fait l’activité atriale sous-jacente.

1 . 4 . 3  -  Tachycardies atriales

Elles sont moins fréquentes et correspondent à des arythmies atriales le plus souvent focales.
La cadence atriale est souvent moins rapide que celle des flutters à 120–200 bpm.
L’activité atriale est marquée par un retour à la ligne de base entre des ondes P différentes de l’onde P sinusale dans toutes les dérivations, elle est régulière.
Présentation sous forme de tachycardie régulière à QRS fins et PR soit long soit normal souvent entrecoupée de retours en rythme sinusal, elles peuvent aussi prendre l’allure de salves d’extrasystoles atriales (cf. point 1.4.5. Extrasystoles)
Elles sont parfois stoppées par les manœuvres vagales.

1 . 4 . 4  -  Tachycardies jonctionnelles

Elles sont fréquentes, couramment synonymes en France de la maladie dite de Bouveret.
Leur signature est une tachycardie très régulière, rapide de 130 à 260 bpm, sans activité atriale visible ou parfois simplement devinée dans le segment ST et surtout qui s’accompagne d’un retour en rythme sinusal lors de la manœuvre vagale au moins temporairement (figure 17).
Il en existe deux mécanismes, l’un confiné au nœud atrioventriculaire (réentrée nodale) et l’autre utilisant une voie accessoire (figure 18).
Pour l’étudiant de DCEM, ces deux formes sont indiscernables sauf si la voie accessoire s’exprime au retour en rythme sinusal par un aspect de pré-excitation (cf. syndrome de Wolff-Parkinson-White, voir point 1.6.3 pré-excitation).
Ces tachycardies sont en principe à QRS fins, mais des exceptions restent possibles.

Figure 17 : Tachycardie jonctionnelle, régulière à QRS fins, pas d’activité atriale ici par réentrée nodale
Figure 18 : Mécanisme alternatif des tachycardies jonctionnelles

1 . 4 . 5  -  Extrasystoles

Elles sont de faible valeur séméiologique, car fréquentes et observées de façon physiologique.
Elles peuvent déclencher une enquête étiologique surtout en cas de palpitations (cf. item 325).
Ce sont des battements prématurés soit atriaux, soit jonctionnels avec un QRS en principe identique à celui observé en rythme sinusal.
L’onde P prématurée (ectopique) est de morphologie en général différente de l’onde P sinusale (figure 19).

Figure 19 : Extrasystole atriale
À première vue, l’onde P n’est pas identifiée. Elle est en fait juxtaposée à l’onde T qui précède, elle en renverse la polarité (de négative en positive sur la dérivation du bas).

Elles peuvent être :

  • répétitives : doublets, triplets ou salves ;
  • rythmées :
    • un battement sur deux, on parle de bigéminisme,
    • un sur trois de trigéminisme, etc.


Si elles sont très prématurées ou en salves rapides, certaines peuvent être filtrées de façon physiologique par le nœud atrioventriculaire (P bloquées). Dans ce cas, attention à ne pas évoquer à tort un bloc atrioventriculaire.

4/8