3  -  Boiterie non fébrile

3 . 1  -  Raisonner avant tout selon l’âge

  • De l’âge de la marche à l’âge de 3 ans :
    • fracture sous-périostée du tibia (fracture en cheveu) ;
    • LCH ;
    • inégalité de longueur des membres inférieurs ;
    • tumeur (souvent hématologique à cet âge).
  • Chez le jeune enfant (3 à 10 ans) :
    • synovite aiguë transitoire de hanche (rhume de hanche) ;
    • ostéochondrite primitive de hanche ;
    • traumatisme (fractures) ;
    • tumeur (osseuse ou des parties molles, leucémie aiguë) ;
    • pathologie neuromusculaire.
  • Chez le (pré-)adolescent :
    • épiphysiolyse fémorale supérieure ;
    • traumatisme (entorses, fractures) ;
    • tumeur (ostéosarcome, sarcome d’Ewing, hématologique) ;
    • pathologie rhumatismale.

3 . 2  -  Points clés à propos de certaines causes

3 . 2 . 1  -  Fracture sous-périostée du tibia


Généralités

Elle survient entre l’âge de la marche et jusqu’à l’âge de 3 ans.

Elle est liée à un traumatisme à faible énergie en torsion du membre : simple chute de sa hauteur, pied pris entre les barreaux du lit.

Devant toute fracture du nourrisson, le diagnostic de maltraitance doit être évoqué et doit faire mener un interrogatoire minutieux sur les circonstances de l’accident.

Diagnostic

Le diagnostic est évoqué devant une boiterie d’esquive récente non fébrile.

L’appui et la marche sont souvent possibles malgré la fracture de jambe (solidité du périoste). L’enfant peut parfois refuser simplement l’appui en faisant la « grue ».

L’examen clinique met en évidence une douleur à la torsion et à la palpation du membre.

Le cliché radiographique montre un trait de fracture fin à peine visible (ou « cheveu d’ange »). Elle est parfois plus visible sur des clichés de 3/4.

Le diagnostic est confirmé 2 à 3 semaines plus tard lors de nouveaux clichés montrant l’existence d’une apposition périostée (correspondant à un début de cal osseux).

Prise en charge

En cas de douleur, une immobilisation pendant 3–4 semaines est proposée.

Ne pas méconnaître une fracture notamment chez le nourrisson et le jeune enfant.

3 . 2 . 2  -  Synovite aiguë transitoire (SAT)


Généralités

La synovite aiguë transitoire (SAT) est aussi appelée rhume de hanche.

Elle correspond à une arthrite réactionnelle.

Elle concerne habituellement le garçon, entre les âges de 4 et 10 ans.

Elle survient le plus souvent l’hiver, au décours d’un épisode infectieux viral.

Diagnostic

Tableau clinique habituel :

  • apyrexie ou fébricule (éliminer avant tout une IOA) ;
  • refus de marche, boiterie d’esquive récente (appui douloureux) ;
  • limitation douloureuse de la rotation interne et de l’abduction de la hanche, parfois flessum antalgique.

Examens paracliniques pouvant permettre de préciser le diagnostic :

  • bilan inflammatoire : absence de syndrome inflammatoire ;
  • radiographies du bassin : normales, parfois signes indirects d’épanchement ;
  • échographie de hanche : épanchement intra-articulaire (fig. 70.3).
Figure 3 : Échographie de hanche : épanchement intra-articulaire

L’enjeu est d’éliminer avant tout une arthrite septique.

Prise en charge et suivi

Le traitement est avant tout symptomatique :

  • mise au repos avec décharge, traitement antalgique ;
  • en cas de douleurs très intenses : mise en traction, ponction évacuatrice (rare).

L’évolution est favorable en quelques jours.

Un bilan radiographique de contrôle est habituellement prescrit 1 mois après l’épisode, afin d’éliminer le diagnostic d’ostéochondrite débutante.

Les parents sont informés de la nature peu grave de l’affection, de la durée prévisible des symptômes, des signes devant amener à suspecter une complication (fièvre) et justifiant une nouvelle consultation.

La persistance de la boiterie plus de 10 jours doit faire pratiquer une scintigraphie osseuse pour éliminer une ostéochondrite.

3 . 2 . 3  -  Ostéochondrite primitive de hanche


Généralités

L’ostéochondrite primitive de hanche (OPH) est aussi appelée maladie de Legg-Perthes-Calvé.

Elle correspond à une nécrose ischémique du noyau épiphysaire fémoral supérieur. Il peut exister une atteinte bilatérale dans 10 % des cas environ.

Elle concerne habituellement le garçon, entre les âges de 4 et 10 ans.

Diagnostic

  • Tableau clinique habituel :
    • installation progressive et insidieuse de la boiterie (d’où un diagnostic parfois retardé) ;
    • douleurs localisées à la hanche ou au genou (douleur projetée) ;
    • amyotrophie quadricipitale homolatérale modérée en cas d’évolution depuis plusieurs semaines ;
    • limitation douloureuse de la rotation interne et de l’abduction de la hanche.
  • Examens paracliniques pouvant permettre de préciser le diagnostic :
    • bilan inflammatoire : absence de syndrome inflammatoire ;
    • radiographie du bassin (fig. 70.4) :
      • initialement : cliché souvent normal, parfois image en « coup d’ongle » (décollement) sous-chondral, plus facilement visible sur l’incidence de profil,
      • secondairement : condensation (stade de nécrose) puis fragmentation du noyau épiphysaire (revascularisation),
      • stade séquellaire : déformation en coxa plana ou coxa magna.

Le diagnostic de certitude repose sur la scintigraphie osseuse et/ou l’IRM osseuse avec injection de gadolinium, mettant en évidence une hypoperfusion :

  • scintigraphie osseuse : hypofixation lacunaire plus ou moins étendue du noyau épiphysaire ;
  • IRM osseuse : hypersignal en T1 et hyposignal en T2.
Figure 4 : Ostéochondrite primitive de hanche : fragmentation du noyau épiphysaire droit

Prise en charge

La prise en charge est très variable en fonction des équipes :

  • mise en décharge afin d’éviter l’effondrement en hauteur du noyau épiphysaire fragilisé : traction axiale continue, fauteuil roulant, appareillage en abduction ;
  • au stade de fragmentation, en cas de perte de congruence entre le cotyle et le noyau fémoral : ostéotomie de recentrage, qui peut être fémorale ou pelvienne ;
  • surveillance radiologique tous les 2–3 mois pendant toute la durée de la maladie.

L’évolution est spontanément favorable en 12 à 18 mois.

Le but du traitement est d’éviter l’installation de séquelles, et plus précisément une reconstitution inadéquate de l’épiphyse fémorale (coxa magna), qui perdrait sa congruence avec l’articulation cotyloïdienne.

Tout rhume de hanche doit être réévalué à 1 mois pour éliminer une ostéochondrite débutante.

3 . 2 . 4  -  Épiphysiolyse fémorale supérieure


Généralités

L’épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) se produit le plus souvent en période de croissance pubertaire, favorisée par une surcharge pondérale.

Elle correspond à un glissement de la tête fémorale en arrière, en bas et en dedans. Elle est dite aiguë en cas de symptômes durant moins de 3 semaines, chronique si ces derniers existent depuis plus longtemps.

Il peut exister une atteinte bilatérale dans 20 % des cas environ, soit d’emblée, soit au cours du suivi chez les enfants ayant un squelette immature, justifiant un suivi prolongé jusqu’à l’arrêt de la croissance. Il faut alors penser à rechercher une hypothyroïdie ou une insuffisance rénale.

Diagnostic

  • Tableau clinique habituel :
    • forme stable (appui ou marche sans cannes possible) :
      • attitude spontanée en rotation externe du membre inférieur au repos et lors de la marche,
      • douleurs inguinales, souvent projetées au niveau du genou (piège diagnostique),
      • limitation douloureuse de la rotation interne et de l’abduction de hanche,
      • mouvement d’abduction et rotation externe automatique lors de la flexion de la hanche,
      • atteinte (signe de Drehmann) ;
    • forme instable (appui impossible) :
      • impotence fonctionnelle complète et hyperalgique du membre inférieur,
      • membre inférieur en rotation externe (comme pour une fracture du col du fémur).
  • Examens paracliniques pouvant permettre de préciser le diagnostic :
    • bilan inflammatoire : absence de syndrome inflammatoire ;
    • radiographie du bassin de face et profil (possibilité d’erreur diagnostique sans profil) (fig. 70.5) :
      • initialement : l’interprétation est difficile, mais il faut rechercher une diminution de hauteur de l’épiphyse ou un cartilage de croissance fémoral supérieur trop bien visible par rapport à l’autre côté ; intérêt du cliché de profil pour visualiser la bascule postérieure,
      • secondairement : glissement de l’épiphyse en dedans et en arrière, objectivé par la construction de la ligne de Klein, qui ne coupe plus le noyau épiphysaire.
Figure 5 : Épiphysiolyse fémorale supérieure : représentation de la ligne de Klein

Prise en charge

L’enfant doit être transféré sans délai dans un milieu spécialisé.

Il s’agit d’une urgence chirurgicale, car le pronostic fonctionnel est en jeu :

  • arrêt immédiat de l’appui : brancard ou béquilles sans appui ;
  • pour certains, réalisation d’une échographie pour juger de la stabilité de l’épiphyse (épanchement = instabilité) ;
  • intervention chirurgicale : fixation in situ de la tête fémorale par vissage, plus ou moins associée à un vissage controlatéral préventif en cas de squelette immature.

Un retard de prise en charge expose à de graves complications : nécrose de la tête fémorale, coxite laminaire, arthrose précoce.

Évoquer une épiphysiolyse fémorale supérieure en cas de boiterie chez un adolescent en surpoids.

8/9