8  -  Prise en charge et prévention de la douleur

Les objectifs du traitement analgésique chez le nouveau-né sont de minimiser l’expérience douloureuse et ses conséquences physiologiques, et de potentialiser les capacités du nouveau-né à affronter et à récupérer de l’expérience douloureuse.
Les moyens pharmacologiques ont une place importante dans la prise en charge de la douleur du nouveau-né, soit seuls, soit en association avec des moyens pharmacologiques.

8 . 1  -  Préventions et stratégies environnementales

La douleur lors des gestes douloureux peut être diminuée par :

  • Une indication de l'examen fondée sur un examen clinique et une hypothèse diagnostique préalable, une limitation des examens complémentaires à des situations à risque.
  • Un regroupement des soins (toilette, examen pédiatrique, prélèvements) et une réalisation en phase d'éveil afin de respecter le rythme du nouveau-né.
  • Un regroupement des examens sanguins afin de réduire le nombre de ponctions
  • Eviter une période de jeun prolongé afin de limiter l’inconfort du nouveau-né et d’améliorer sa tolérance à la douleur.
  • L’utilisation de techniques non douloureuses lorsque cela est possible (bilirubinométrie transcutané).
  • La participation des parents. Il ne faut pas proposer aux parents de maintenir l’enfant, mais de lui parler, de le caresser. Leur participation peut être un élément favorable, malgré l’anxiété que le geste peut induire chez eux, à la condition qu’ils ne soient pas contraints et qu’ils aient été préparés au préalable à l’examen et qu’ils sachent comment contribuer au mieux-être de leur enfant durant sont déroulement.
  • La réduction de l’intensité lumineuse et une alternance de conditions jour-nuit peuvent réduire le stress.

8 . 2  -  L’emmaillotement, enveloppement, positionnement en flexion et toucher

L’emmaillotement consiste à envelopper le nouveau-né dans un tissu de manière à restreindre ses mouvements. Il a été démontré que cette pratique réduit la détresse provoquée par la douleur pendant et après une ponction au talon.
L’effet en est cependant très modeste.

8 . 3  -  La succion non nutritive

8 . 3 . 1  -  Effet analgésique de la succion non nutritive

Des effets analgésiques et réconfortants ont été rapportés pour la succion non nutritive des tétines. La succion d’une tétine diminue le temps des pleurs, réduit l’agitation et atténue l’élévation de la fréquence cardiaque.

8 . 3 . 2  -  Mécanisme d’action analgésique de la succion non nutritive.

Le mécanisme d’action exacte de la succion non nutritive n’est pas encore connu. Seule la première étape est certaine puisque son mode d’action obéit à un mécanisme orotactile, par stimulation de récepteurs mécaniques et tactiles de l’oropharynx.
Dans la littérature, deux explications sont proposées :

  • une dominance sensorielle, selon laquelle la succion chez le nouveau-né est une stimulation tellement intense et agréable qu’elle pourrait bloquer la perception de la douleur.
  • La tétine permet une autorégulation de la perception douloureuse en donnant la possibilité au nouveau-né de réguler, par la succion, la quantité de stimulation reçue par son système nerveux.

8 . 4  -  Les solutions sucrées et leurs effets

8 . 4 . 1  -  Saccharose

BLASS et collaborateurs ont rapporté en 1991 la première étude montrant un effet analgésique du saccharose, hydrate de carbone constitué d’une molécule de glucose et d’une molécule de fructose, chez le nouveau-né à terme. L’administration orale de 2 ml de saccharose à 12% deux minutes avant un prélèvement au talon avait diminué le temps des pleurs de 50%. Par la suite HOUARI et ses collaborateurs ont étudié l’effet antalgique du saccharose à 12,5%, 25%, et 50% chez les nouveau-nés sains. L’effet antalgique a été dans cette étude, dépendant de la concentration de saccharose utilisé ; ainsi il est devenu significatif à partir de 25%.

En 2001, une métanalyse réalisée par Cochrane Collaboration en 2001 démontre une efficacité antalgique du saccharose. Les auteurs avaient utilisé du saccharose à 7,5% chez des nouveau-nés à terme. Depuis la réalisation de cette revue de la littérature, d’autres études publiées confirment la diminution des signes de douleur par l’administration orale d’une solution de saccharose aux nouveau-nés à terme ou prématurés.

Les données de la littérature montrent que l’effet analgésique est maximal deux minutes après l’administration de la solution sucrée.

L’effet analgésique du saccharose ne semble pas être influencé par l’âge postnatal du nouveau-né ou le nombre de gestes douloureux réalisés.
Chez le nourrisson, l’effet analgésique diminue avec l’âge et peut être obtenu jusqu’à 6 à 8 semaines de vie maximum.

8 . 4 . 2  -  Glucose

L’effet du glucose est très proche de celui du saccharose et pour des raisons de facilité de fabrication, il est très souvent utilisé.

Une première étude faite chez des nouveau-nés à terme âgés de 1 à 3 jours avait montré que le glucose possède aussi un effet antalgique. Dans cette étude, l’effet était discrètement inférieur à celui du saccharose mais la différence n’était pas statistiquement significative. SKOGSDAL et al. Ont rapporté l’effet analgésique d’une solution de glucose à 30% lors de prélèvements veineux. L’effet analgésique du glucose oral à des conditions allant de 25 à 30% a été confirmé par d’autres études chez le nouveau-né à terme lors de ponctions veineuses et chez le nouveau-né prématuré aussi bien lors des injections sous-cutanées que des ponctions veineuses.

En revanche le glucose à 10% n’a pas montré d’efficacité analgésique. GRADIN et al. Ont publié en 2002 un travail montrant que le glucose oral à 30% possède un meilleur effet analgésique que la crème EMLA® chez des nouveau-nés lors de la réalisation d’une ponction veineuse.

8 . 4 . 3  -  Mécanisme d’action analgésique des solutions sucrées

L’effet analgésique immédiat d’une solution sucrée est très probablement lié à la libération de morphiniques endogènes puisque chez l’animal l’effet antalgique a été bloqué par l’administration préalable d’un antagoniste spécifique des morphiniques, le naloxone. Cette hypothèse n’a pas encore été prouvée chez le nouveau-né humain : une étude préliminaire datant de 2003 n’a pas montré d’élévation de la concentration sérique de béta-endorphines après l’administration orale de saccharose.

Si chez le rat, l’intervention de médiateurs centraux opioïdes est démontrée, de même que l’inhibition de l’effet antalgique par un antagoniste spécifique, le mécanisme initial de la sécrétion de ces substances est controversé. Le mécanisme d’action pourrait d’action pourrait être à la fois un contrôle direct sur les voies de la nociception, mais aussi la stimulation orogustative des récepteurs au goût sucré, situés sur la partie antérieure de la langue, entrainant la libération de morphines endogènes.

8 . 4 . 4  -  Effets secondaires des solutions sucrées administrées oralement

Aucun effet secondaire immédiat n’a été rapporté dans la littérature après utilisation du saccharose ou glucose oral chez le nouveau-né à terme.

Dans une étude réalisée chez de grands prématurés (âge gestationnel moyen 28 SA), une tendance à la désaturation (85 à 88%) a été observée chez certains enfants lors de l’administration orale de la solution de glucose à 30%. Cet effet souligne la nécessité d’administrer lentement et par quelques gouttes les solutions sucrées chez les nouveau-nés très prématurés.
En dehors du grand prématuré, dans toutes les études concernant l’utilisation de solutions sucrées, aucune complication n’est mentionnée. Cependant dans la méthodologie de ces travaux, les critères et la durée de surveillance quant à la tolérance du sucre sont rarement décrits.
Quant au risque d’hyperglycémie, à ce jour aucune publication n’a étayé cette crainte.
Aucun effet secondaire métabolique ou digestif n’a été décrit.

8 . 5  -  L’allaitement

Deux études ont montré l’effet analgésique de l’allaitement maternel pour le nouveau-né à terme lors de ponction capillaires ou veineuses.
GRAY et al. ont rapporté que l’allaitement durant une ponction capillaire réduit considérablement les pleurs, les grimaces et évitent l’augmentation de la fréquence cardiaque chez des nouveau-nés à terme comparés à des enfants prélevés dans leur berceau.
CARBAJAL et al. ont inclus dans leur étude 180 nouveau-nés randomisés dans 4 groupes. L’évaluation de la douleur lors des ponctions veineuses a été faite à postériori en visualisant des vidéos et en utilisant deux échelles d’évaluation de la douleur (PIPP et DAN).
Des scores significativement inférieurs avec les échelles DAN et PIPP ont été notés dans les groupes allaitement et glucose 30% associé à la succion d’une tétine par rapport aux autres groupes dans lesquels les nouveau-nés sont tenus dans les bras de leur mère sans contact peau à peau ou recevant de l’eau stérile.
La différence en score DAN entre les groupes allaitement et glucose plus tétine n’a pas atteint de signification statistique.

L’effet analgésique retrouvé dans les deux études a été important et incite à l’utilisation de cette technique lors de la réalisation de gestes douloureux mineurs chez le nouveau-né. En effet, l’allaitement maternel est une excellente alternative naturelle aux solutions sucrées et à la succion non nutritive.

8 . 6  -  Le peau à peau

GRAY et al. ont rapporté que le contact peau à peau entre la mère et son nouveau-né pendant 10 à 15 minutes permettait de réduire la douleur d’une ponction capillaire chez le nouveau-né à terme. Les auteurs notent que, contrairement à celle conférée par la solution sucrée et la succion, l’analgésie procurée par le contact dépend du contexte : la personne qui tient le nouveau-né doit être détendue et maintenir l’enfant confortablement mais fermement contre sa peau. D’autre part, la solution sucrée et la succion ont un effet immédiat, alors qu’une période d’attente de 10 à 15 minutes est indispensable au succès de l’analgésie par contact, ce qui témoignerait de mécanismes différents.

8/9