2  -  Les dosages hormonaux

Une dysfonction endocrinienne provient d’un excès ou d’un déficit hormonal confirmé par un dosage quantitatif, ou encore résulte d’une sensibilité excessive ou insuffisante à l’action d’une hormone dont le diagnostic se fera par des tests dynamiques de stimulation ou de suppression.
Ces déséquilibres hormonaux peuvent être primitifs ou secondaires, intermittents ou constants. Ils se traduisent le plus souvent par des signes cliniques révélateurs (anomalie de l’installation de la puberté, excès ou défaut de pilosité, irrégularité des cycles, aménorrhée, stérilité, absence de glaire cervicale, galactorrhée…) associés à des anomalies biologiques. Les éléments anamnestiques et cliniques peuvent avoir une valeur d’orientation parfois bien supérieure à celle des dosages hormonaux.
Les dosages hormonaux ne se limitent pas au seul intérêt diagnostique, ils sont aussi largement utilisés dans le monitorage des inducteurs de l’ovulation ou encore dans la surveillance des thérapeutiques de suppression hormonale.


Pour que ces dosages aient une certaine valeur, il faut plusieurs conditions :

  • Ils doivent porter sur des prélèvements sanguins, les dosages plasmatiques ayant, malgré leurs imperfections, largement supplantés les dosages urinaires.
  • Ils doivent être pratiqués par un laboratoire très spécialisé.
  • Ces dosages doivent être très souvent répétés : en effet, ils constituent un instantané de l'état hormonal à un moment donné. Or l'état hormonal de la femme varie d'un jour à l'autre en fonction du cycle menstruel et peut également être influencé par l’état nutritionnel et métabolique, une activité physique intense, l’état psychique et émotionnel (le stress… )
  • Se fonder sur un seul dosage statique pour apprécier l'état hormonal expose à des interprétations erronées et peut entraîner de lourdes conséquences.
  • Enfin, ces dosages doivent être lus par un gynécologue averti qui les appréciera en fonction de la clinique et de leur date dans le cycle.


La pratique des dosages hormonaux permet d'étudier la fonction ovarienne et la fonction hypothalamo-hypophysaire.

Le diagnostic d’un trouble du cycle menstruel nécessite l’étude des 4 compartiments qui en assurent le contrôle. (Figure 1 et 2)

Figure 1 :
Figure 2 :

2 . 1  -  Evaluation de la fonction ovarienne

L'ovaire sécrète trois types d'hormones stéroïdiennes : des œstrogènes, de la progestérone et des androgènes.

2 . 1 . 1  -  L'exploration de la fonction estrogénique

Elle fait appel au dosage radio-immunologique du 17-estradiol plasmatique qui est le principal œstrogène produit par l'ovaire.
Le prélèvement s’effectue vers le 12e jour d'un cycle menstruel normal. En fait, les indications de ce dosage sont rares en pratique courante car l'appréciation de l'imprégnation estrogénique de l'organisme peut bien souvent se faire avantageusement par l'étude clinique : la survenue de bouffées de chaleur nocturnes, l’absence de glaire cervicale, la sécheresse vaginale avec aspect atrophique du frottis cervico-vaginal évoquent sans équivoque une insuffisance estrogénique installée.
En cas de doute, le test à la progestérone peut être utile. La survenue d’une hémorragie de privation à l'arrêt du traitement indique l'intégrité des récepteurs utérins et permet de conclure à l'existence d'une imprégnation estrogénique minimale de l'organisme. A l’inverse, un test négatif, c’est à dire l’absence d’hémorragie de privation ne signifie pas toujours l’existence d’une insuffisance estrogénique en raison de nombreux faux négatifs.

Indications de l’exploration de la fonction estrogénique :
L’appréciation de la sécrétion estrogénique est indiquée dans plusieurs cas :

  • Dans les pubertés précoces où le taux d’Estradiol est élevé
  • Dans les aménorrhées montrant une hypoestradiolémie par insuffisance gonadotrope ou ovarienne. A l’inverse, des taux d’estradiol ? à 50pg/ml traduisent la persistance d’une activité hypothalamo-hypophyso-ovarienne (anovulations, troubles des cycles fréquents dans les ovaires polykystiques).
  • Dans les anomalies de l’ovulation
  • Dans le monitorage de l’induction de l’ovulation
  • Dans l’exploration de métrorragies post ménopausiques en cas de tumeur sécrétrice d’estrogènes

2 . 1 . 2  -  Evaluation de la fonction progestative

En pratique, la courbe ménothermique suffit bien souvent à apprécier la sécrétion progestéronique. La survenue d’une ascension thermique et d'un plateau thermique se prolongeant pendant plus de 10 jours (effet hyperthermiant de la progestérone) témoigne d’une sécrétion lutéale sans pour autant affirmer de façon formelle la normalité de la sécrétion du corps jaune. A l’inverse, une insuffisance lutéale est évoquée en présence d'un plateau thermique d’une duré inférieure à 10 jours
Si une courbe ménothermique normale n'exclut pas la possibilité d'une insuffisance lutéale, il est alors parfois nécessaire, pour évaluer la qualité sécrétoire du corps jaune, de recourir au dosage de la progestérone plasmatique. Mais l’interprétation reste très difficile en raison de la fluctuation des taux plasmatiques de progestérone au cours d’un même cycle et d’un cycle à l’autre. Bien qu’un taux isolé supérieur ou égal à 10ng/ml en milieu de phase lutéale soit considéré comme le témoin d’une sécrétion lutéale adéquate, il est préférable de réaliser trois prélèvements entre le 3e et le 9e jour du plateau thermique dont la somme supérieur ou égal à 15ng/ml témoignerait d’une sécrétion normale en progestérone .

Indications de l’exploration de la fonction progestative :
Une insuffisance lutéale doit être évoquée en cas d’infertilité, en particulier chez les femmes ayant présenté des fausses couches précoces à répétition.

2 . 2  -  Exploration de la fonction androgénique

L’hyperandrogénie est facile à évoquer lorsque les manifestations cutanées sont caractéristiques (hirsutisme, acné, séborrhée) mais lorsque elle est modérée, le diagnostic clinique n’est pas évident et le recours aux dosages plasmatiques est justifié.

L’exploration de la fonction androgénique fait actuellement appel à quatre principaux dosages :

1) La testostérone plasmatique a une valeur d'orientation capitale bien que d'origine mixte, ovarienne et surrénalienne.
Devant un hirsutisme, un taux de testostérone normal avec des cycles menstruels réguliers et ovulatoires est en faveur d'un hirsutisme idiopathique.
Un taux légèrement élevé associé à des troubles du cycle est en faveur d'une dystrophie ovarienne.
Un taux franchement élevé doit faire évoquer une tumeur ovarienne ou surrénalienne, une hyperthécose ovarienne ou un bloc enzymatique surrénalien ;
Le dosage de la fraction libre de la testostérone (c’est à dire non liée à la protéine de transport SHBG) est un indicateur plus sensible que la mesure de la testostérone totale.

2) Le dosage de la 4-androsténedione plasmatique permet d'affirmer le diagnostic. Bien qu'elle soit elle aussi d'origine mixte, une élévation de la 4-androsténédione est plutôt en faveur d'une hyperandrogénie ovarienne car la voie 4 est la voie métabolique essentielle au niveau ovarien. Cette hormone est modérément augmentée dans les dystrophies ovariennes. Elle est encore plus franchement élevée dans les hyperandrogénies tumorales ;

3) Le dosage plasmatique du sulfate de déhydroépiandrostérone (sulfate de DHA) remplace avantageusement celui des 17-cétostéroïdes urinaires. Sécrété essentiellement par la glande surrénale (95%), son élévation correspond à une hyperandrogénie d’origine surrénalienne.

4) le dosage urinaire du 3-androstanediol, métabolite de la dihydrotestérone (DHT ) est un excellent critère d'appréciation de la consommation périphérique des androgènes : constamment élevée dans tous les types d'hirsutisme ovarien et surtout dans l'hirsutisme idiopathique où elle témoigne de la consommation périphérique exagérée alors que les androgènes plasmatiques y sont subnormaux.


Indications de l’exploration de la fonction androgénique :

  • Bilan d’hirsutisme et/ou acné évolutif ou intense.
  • Anomalie de l’ovulation avec oligoaménorrhée ou aménorrhée associée à un hirsutisme traduit généralement une augmentation de la production des androgènes dont il convient de définir l’origine ovarienne ou surrénalienne.
  • L’apparition d’une virilisation marquée par une hypertrophie clitoridienne et le développement de la masse musculaire évoquent une tumeur virilisante.
  • Syndrome des ovaires polykystiques.

2 . 3  -  Exploration de la fonction hypothalamo-hypophysaire

L'exploration de l’activité gonadotrope repose sur les dosages plasmatiques de FSH et de LH. Ils ont supplanté les anciens dosages des gonatrophines urinaires.
En pratique 1 ou 2 dosages isolés de LH ou de FSH ne permettent pas de tirer de conclusions fiables. Pour une plus grande sécurité, le dosage sur 4 ou 5 prélèvements, répartis sur une heure, permet de définir le niveau moyen du taux plasmatique des gonadotrophines.

Le taux de FSH est élevé dans les aménorrhées d'origine ovarienne comme par exemple en période post-ménopausique.
Le taux de LH est plus particulièrement intéressant dans le cadre des dystrophies ovariennes.
L'épreuve dynamique au LH-RH ou test de stimulation par la GnRH est d'un certain secours dans le diagnostic des dystrophies ovariennes et des retards pubertaires.

Indications de l’exploration de l’axe gonadotrope:

  • Dans l’exploration des pubertés précoces ou tardives.
  • Dans la recherche du mécanisme d’une aménorrhée ou d’une perturbation du cycle liée à une anomalie de l’ovulation afin d’adapter le traitement.
  • Dans la prédiction exacte de la rupture folliculaire par détection du pic pré ovulatoire de LH (assistance médicale à la procréation).

2 . 4  -  Dosage radio-immunologique de la prolactine plasmatique

Ce dosage a pris une importance capitale dans l'exploration des aménorrhées et des dysovulations.
Avant tout bilan, il est important de vérifier que la patiente ne prend pas de traitement hyperprolactinémiant (agents pharmacologiques appartenant au groupe des estrogènes, des oestroprogestatifs, des psychotropes, les antihypertenseurs, les antiémétiques, des morphiniques…). Tout traitement devra être arrêté depuis plus de 48 heures.
La prise de sang devra être réalisée à jeun et au repos (le stress et à degré moindre l’apport alimentaire stimulent la sécrétion de prolactine).
L’hyperprolactinémie se définit par des taux de prolactine supérieurs ou égaux à 20 ng/ml.
Elle est modérée pour des valeurs comprises entre 20 et 50 ng/ml.
Elle est considérée comme moyenne entre 50 et 150 ng/ml et importante au dessus de 150 ng/ml. Dans ce dernier cas, le diagnostic d’adénome hypophysaire à prolactine est quasi certain et devra conduire à réaliser une tomodensitométrie (ou scanner) de la selle turcique.

À l'inverse, certaines hyperprolactinémies discrètes sont parfois très difficiles à mettre en évidence en raison de la pulsatilité sécrétoire de cette hormone. Dans ces cas, la répétition du contrôle du taux de prolactinémie sur 2 prélèvements effectués à 15 mn d’intervalle ou la réalisation d’un test de stimulation à la TRH peuvent présenter un intérêt.

Indications du dosage de la prolactine
L’hyperprolactinémie doit être recherchée :

  • en présence d’une anomalie de l’ovulation et du cycle menstruel
  • lors de la découverte d’une galactorrhée isolée ou associée à une aménorrhée secondaire
  • devant une infertilité inexpliquée
  • lorsque l’on suspecte un adénome hypophysaire et devant toute anomalie de la selle turcique.

2 . 5  -  Exploration de la thyroïde

Les affections du corps thyroïdien sont fréquentes chez la femme, ce qui justifie les indications larges de l’évaluation de la fonction thyroïdienne à la recherche d’une hyperthyroïdie ou d’une hypothyroïdie.

L'exploration de la thyroïde repose sur les dosages radio-immunologiques de la thyroxine (T4) et de la triiodothyronine (T3) et de la TSH sériques.

2 . 6  -  L’Hormone Gonadotrophine Chorionique (hCG)

L’hCG est sécrétée par le trophoblaste dès le début de la grossesse et l’évolution des taux d’hCG est parallèle à celle du syncytiotrophoblaste.
L'hCG a pour rôle de maintenir l'activité du corps jaune gravidique jusqu'à ce que le placenta prenne le relais.
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La recherche d’ hCG peut être effectuée par des dosages urinaires ou plasmatiques, qualitatifs ou quantitatifs.
Le dosage qualitatif dans les urines fait appel à la méthode immunologique de Wide et Gemzell. Celle-ci permet de diagnostiquer la grossesse à partir de 10 à 15 jours de retard de règles. En fait, cette réaction apprécie la présence de l'ensemble hCG et LH hypophysaire en raison de la parenté de structure existant entre ces hormones.
Le dosage quantitatif peut être réalisé dans les urines ; le taux d'hCG totale est généralement exprimé en Unités Internationales (ancien dosage des prolans).
Le dosage quantitatif le plus utilisé, parce que le plus sensible et le plus spécifique, est le dosage plasmatique d’hCG qui permet d'obtenir le diagnostic biologique de la grossesse avec certitude avant même le retard des règles.
Le dosage détecte la sous-unité β et non pas la sous-unité α, ni l'hCG totale car seule la sous-unité β est spécifique ; la sous-unité α étant commune à FSH, LH et TSH, ce qui peut donner des faux positifs.
Soulignons qu'un taux plasmatique d’hCG inférieur à 10 g/ml ou UI/l permet d'affirmer l'absence de grossesse, ce qui en fait un examen précieux pour écarter une grossesse extra-utérine.
Les taux augmentent rapidement, classiquement ils doublent toutes les 48 heures.
Les taux atteignent leurs valeurs maximales vers la 8 ème semaine d’aménorrhée puis ils diminuent progressivement jusqu’à être ininterprétables à partir du 4ème mois.

La recherche d’hCG ne doit pas être systématique pour diagnostiquer une grossesse si elle peut l’être cliniquement ou par échographie.
Le dosage quantitatif est licite chez les femmes ayant des facteurs de risques de GEU, salpingite, tabac, grossesse sous contraception (DIU), grossesse induite ou dans le cadre de la surveillance des IVG médicamenteuses.
En cas de métrorragies ou douleurs pelviennes chez une femme, sans facteur de risque de GEU, un dosage quantitatif d’HCG doit être couplé à l’échographie et répété si la preuve d’une GIU n’est pas faite .
En cas de GEU traitée de façon conservatrice (cœlioscopie, expectative, médical) ou de grossesse molaire, des dosages quantitatifs sont utiles au suivi.
Dans le cadre du diagnostic anténatal par dosage des marqueurs sériques maternels (test d’évaluation du risque de trisomie 21 fœtale) la fraction libre de la sous-unité β de hCG est dosée au 1er trimestre de grossesse, couplée à la PAPP-A. Au 2ème trimestre de grossesse l’évaluation du risque se fait par dosage de l’hCG total ou de la sous-unité β de hCG libre couplé à l’alpha-foetoprotéine et éventuellement à l’estriol non conjugué (uE3).

2 . 7  -  Conclusion sur les dosages hormonaux

Les dosages hormonaux sont particulièrement précieux dans l'étude étiologique d'une aménorrhée, d'une stérilité, d'un dysfonctionnement ovarien ou pour diagnostiquer une grossesse dans certaines circonstances.
Ils présentent un intérêt certain s’ils sont prescrits à bon escient, couplés à un interrogatoire et un examen clinique minutieux et effectués dans de bonnes conditions.

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