5  -  Diagnostic d'une pathologie hémorragique constitutionnelle de la coagulation


Les pathologies hémorragiques constitutionnelles de la coagulation sont dominées par l’hémophilie, due à un déficit en FVIII ou en FIX. Plus rarement, elles concernent une autre protéine de la coagulation et sont diagnostiquées à un âge variable, parfois chez l’adulte.

5 . 1  -  Hémophilie congénitale

Elle est due à un déficit en FVIII (hémophilie A, touchant 1 garçon pour 5000 naissances) ou en FIX (hémophilie B, 5 fois moins fréquente). L’hémophilie est transmise selon un mode récessif lié au sexe, les gènes des FVIII et IX étant localisés sur le chromosome X. Seuls les garçons sont donc atteints (sauf cas exceptionnel), et les femmes sont conductrices. Environ 30 % des cas sont dus à une mutation de novo, sans antécédent familial.

La gravité du syndrome hémorragique dépend de la sévérité du déficit en FVIII ou FIX : le déficit peut être sévère (taux < 1 %), modéré (taux entre 1 et 5 %) ou mineur (taux entre 5 et 30 %). Si le taux de FVIII ou de FIX est compris entre 30 et 50 %, l’hémophilie est dite frustre, car le plus souvent de découverte fortuite et asymptomatique.

Manifestations cliniques

Elles sont dominées par les saignements provoqués par un choc parfois minime. Le diagnostic d’hémophilie sévère se fait habi-tuellement à l’âge de la marche.

  • Les hémarthroses sont les manifestations les plus typiques. Elles touchent surtout les genoux, les coudes et les chevilles. Récidivantes, elles peuvent entraîner une arthropathie évolutive dont la forme la plus évoluée est la destruction articulaire, avec malformations et rétractions tendineuses conduisant à une invalidité sévère.
  • Les hématomes des tissus sous-cutanés ou affectant les muscles peuvent être graves de par leur volume ou leur localisation, avec un risque fonctionnel ou vital : hématome du plancher de la bouche (risque d’asphyxie), de la loge antérieure de l’avant-bras (risque de syndrome de Volkmann), du creux axillaire ou du creux poplité (risque de compression vasculaire), rétro-orbitaire (risque de cécité). Un hématome du psoas est parfois difficile à évoquer lorsqu’il est révélateur d’une hémophilie, pouvant simuler une appendicite aiguë ; le plus souvent, il faut avoir recours à une échographie pour confirmer le diagnostic.
  • Les hématomes intracrâniens sont très rares, mais parfois révélateurs chez le nouveau-né.


Diagnostic d’une hémophilie

Il est en règle assez aisé ; associé à la symptomatologie clinique, il repose sur la mise en évidence :

  • d’un allongement isolé du TCA, sans anticoagulant circulant (allongement corrigé après addition de plasma témoin normal), avec un TQ et un TS normaux ;
  • d’un déficit isolé en FVIII ou FIX (le taux de FXI est normal).


En cas de déficit en FVIII, il convient aussi de vérifier que le taux plasmatique de vWF est normal (vWF:Ag et vWF:RCo > 50 %).

Principes du traitement d’un hémophile et surveillance

  • Tous les hémophiles doivent être suivis par un centre spécialisé et posséder une carte précisant notamment le type et la sévérité de la maladie, ainsi que le(s) médicament(s) habituellement utilisé(s) pour traiter et prévenir les saignements.
  • Les gestes vulnérants (injections intramusculaires), les situations à risque (sports violents), les médicaments modifiant l’hémostase (aspirine et autres médicaments antiplaquettaires) sont à proscrire. Toute ponction veineuse ou injection sous-cutanée (pour une vaccination par exemple) nécessite une compression prolongée et un pansement compressif.
  • Le patient et sa famille doivent bénéficier d’une éducation précise et encadrée afin de connaître la maladie et les modalités de traitement. De même, un conseil génétique et une démarche visant à permettre un diagnostic anténatal sont à proposer chez les conductrices d’hémophilie sévère.
  • Le traitement substitutif repose sur l’injection de concentrés de FVIII ou de FIX d’origine plasmatique ou recombinante. Le rythme des injections et la posologie dépendent de l’indication (saignement, chirurgie ou prophylaxie), du poids corporel, et de la demie-vie du facteur injecté (proche de 8 heures pour le FVIII et 12 heures pour le FIX). Deux risques principaux sont associés à ces traitements substitutifs.
  • Le risque majeur actuellement est celui d’un inhibiteur anti-FVIII ou plus rarement anti-FIX, particulièrement élevé chez l’hémophile A sévère, au décours des premières injections. L’inhibiteur est suspecté en cas d’inefficacité du traitement et systématiquement recherché lors du suivi du patient.
  • Le risque infectieux est devenu aujourd’hui exceptionnel, même avec les facteurs d’origine plasmatique, mais nécessite cependant la surveillance des sérologies virales (hépatite B, hépatite C et virus de l’immunodéficience humaine [VIH]). Il est considéré comme nul avec les FVIII et FIX recombinants.
  • Chez l’hémophile A, dans les formes mineures, l’utilisation de la desmopressine (DDAVP) permet souvent de corriger de façon transitoire le déficit en FVIII. Tout comme pour la maladie de Willebrand, il convient de vérifier que le patient est bon répondeur à ce médicament qui n’est utilisable que pour des saignements mineurs ou des interventions chirurgicales associées à un risque de saignement relativement faible.

5 . 2  -  Autres déficits constitutionnels de la coagulation, en dehors de l’hémophilie

Ils sont exceptionnels (prévalence des homozygotes ≤ 1/106 sauf pour le déficit en FVII, un peu plus fréquent) et caractérisés par une expression clinique et biologique variable. En règle, seuls les homozygotes sont symptomatiques.

7/8