3  -  Traitement hormonal de la ménopause, bénéfices et risques


Le traitement hormonal (TH) de la ménopause (THM), longtemps appelé traitement hormonal substitutif (THS), consiste à administrer des estrogènes chez une femme ménopausée dans le but de contrebalancer les effets de la carence estrogénique.

Un traitement progestatif est associé à l’estrogénothérapie pour contrecarrer l’effet prolifératif des estrogènes au niveau endométrial. L’association d’un progestatif est impérative chez les femmes non hystérectomisées.

3 . 1  -  Bénéfices

Tous ces bénéfices sont résumés dans le tableau 7.II.

1. Bénéfices à court terme

L’effet bénéfique du THM sur les bouffées de chaleur, l’atrophie de la muqueuse vaginale et la sexualité constitue une justification évidente de sa prescription. On a dit aussi que le THM a un rôle bénéfique sur les troubles de l’humeur. À plus long terme, l’effet bénéfique des estrogènes sur le tractus urogénital pourrait jouer un rôle dans la prévention de l’apparition de prolapsus et/ou d’incontinence chez la femme ménopausée.

Les effets du THM sur la qualité de vie ont été pendant longtemps un argument majeur de prescription. Évalué de façon objective par des échelles de qualité de vie, il ne semble pas, d’après une large étude récente, prospective et randomisée contre placebo, que le THM soit globalement associé à une amélioration de la qualité de vie quand il est prescrit à des femmes asymptomatiques de plus de 60 ans. L’effet du traitement sur la qualité de vie est en fait surtout net chez les femmes qui sont très gênées par leurs bouffées de chaleur, c’est-à-dire finalement surtout dans les 5 à 10 ans suivant la ménopause.

2. Bénéfices à long terme

a. Prévention de l’ostéoporose

Les estrogènes entraînent une diminution de la résorption osseuse, et de nombreuses études épidémiologiques ainsi que des essais cliniques ont montré une diminution significative de la perte osseuse chez les femmes ménopausées traitées par les estrogènes :

  • augmentation de 2 à 5 % de la densité minérale osseuse dans les premières années de traitement ;
  • diminution de l’incidence des fractures ostéoporotiques (diminution de 40 % des fractures du rachis, du poignet et du col fémoral après 5 ans de traitement dans les dernières études prospectives randomisées versus placebo).


Cependant, cet effet protecteur au niveau de l’os ne dure que pendant l’utilisation du THM : dans les années qui suivent son interruption, une dégradation rapide de la masse osseuse se produit.

b. Prévention cardiovasculaire

Un objectif longtemps revendiqué du THM était la prévention des événements cardiovasculaires. Cet objectif paraissait logique pour de nombreuses raisons :

  • les études épidémiologiques d’observation avaient montré un bénéfice cardiovasculaire du TH aussi bien en prévention primaire qu’en prévention secondaire (risque relatif : RR = 0,5 à 0,6) ;
  • de nombreuses études expérimentales chez l’animal et chez l’humain démontrent que les estrogènes ont un effet bénéfique sur le métabolisme lipidique (augmentation du HDL-cholestérol, ou HDLc), sur la prévention de la plaque d’athérome sur l’endothélium vasculaire et qu’ils favorisent la vasodilatation.


Cependant, plusieurs études prospectives randomisées, contrôlées et contre placebo, menées à large échelle aux États-Unis (études HERS [Heart estrogen replacement study] et WHI [Women health initiative]), n’ont pas confirmé cet effet bénéfique du THM sur la survenue des événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux), et cela ni en prévention primaire ni en prévention secondaire. Au contraire, certaines études américaines de prévention secondaire des maladies cardiovasculaires par le traitement substitutif de la ménopause tendraient même à montrer une augmentation des événements, dans la première année de traitement.

c. Prévention des troubles cognitifs

Un autre objectif longtemps revendiqué du THM était la prévention des troubles cognitifs, et en particulier de la démence. Cet objectif paraissait logique pour de nombreuses raisons. Les études épidémiologiques d’observation avaient montré que le THM semblait prévenir la détérioration cognitive, au moins en prévention primaire (puisque moins de femmes sous THM développaient une maladie d’Alzheimer), alors qu’en prévention secondaire, le THM était inefficace (l’état des femmes ayant déjà une maladie d’Alzheimer et traitées par THM se dégradait aussi vite que les femmes sans THM). Par ailleurs, des arguments expérimentaux indiquent un effet protecteur neuronal des estrogènes.

Cependant, récemment, les résultats des premières études prospectives randomisées, contrôlées contre placebo, menées à large échelle aux États-Unis ont été publiés. Ces études (HERS, WHI) n’ont pas confirmé cet effet bénéfique du THM sur la fonction cognitive chez les femmes de plus de 65 ans. Au contraire, il semble même que l’incidence des démences soit légèrement supérieure chez les femmes traitées par THM. Cet effet s’explique peut-être par le rôle possiblement délétère sur le système cardiovasculaire du THM, donné par voie orale chez des femmes déjà âgées, à risque vasculaire.

d. Prévention du cancer du côlon

Certaines études, y compris les études prospectives, ont montré une réduction de 20 à 30 % de l’incidence du cancer du côlon.

e. Discordance entre les études prospectives et d’observation

Alors que les résultats attendus (à partir des études d’observation) pour l’effet préventif du THM sur les conséquences de l’ostéoporose ou du cancer du côlon ont été vérifiés par les études prospectives d’intervention, cela n’est pas le cas pour la prévention des événements cardiovasculaires et des troubles cognitifs. Quelles peuvent en être les raisons ?

Il est d’abord vraisemblable que dans les études d’observation (où l’on analyse le devenir de cohortes de femmes « tout venant ») les femmes spontanément traitées par les estrogènes pour la ménopause sont en fait, avant même tout traitement, moins à risque cardiovasculaire (on a ainsi remarqué que les médecins tendaient à prescrire des estrogènes aux femmes qui fument moins, sont plus minces, font plus d’exercice, ont un meilleur niveau socio-éducatif, etc.) que les femmes dont le médecin a préféré ne pas en donner, ce qui introduit un biais. En fait, il existe plusieurs biais :

  • un « biais de recrutement » (ce sont déjà des femmes soucieuses de leur santé et à niveau socio-économique élevé qui consultent pour demander un traitement de ménopause) ;
  • un « biais de prescription » ;
  • un « biais de compliance » puisque l’on sait que les populations compliantes sont d’une façon générale à moindres risques.


Par ailleurs, certains effets délétères vasculaires du traitement estroprogestatif s’expliquent peut-être par l’effet de stimulation de la coagulation des estrogènes oraux, qui ont ainsi pu favoriser la survenue d’accidents thrombotiques sur une pathologie coronarienne préexistante, chez certaines femmes prédisposées. En effet, ces études américaines ont porté sur des femmes de plus de 60 ans, dont le tiers présente de l’hypertension, la moitié est fumeuse, 70 % sont en surpoids et même 35 % sont obèses, et donc plus à risque vasculaire que les femmes françaises.

Il n’est pas impossible non plus que le type et la voie d’administration des estrogènes jouent un rôle, puisque les estrogènes utilisés dans les études prospectives américaines sont donnés par voie orale et ne sont pas les mêmes que ceux utilisés en France (où près de 60 % des femmes utilisent des estrogènes par voie percutanée). Les estrogènes, quand ils sont utilisés par voie orale, ont possiblement plus d’effets délétères sur le système cardiovasculaire que d’autres, donnés par voie percutanée. Le progestatif utilisé majoritairement aux États-Unis est également un progestatif non dénué d’effet vasculaire.

Aucune étude portant sur la morbi-mortalité vasculaire n’a actuellement été réalisée de façon prospective et randomisée avec les molécules utilisées en France. Seules des études portant sur les paramètres biologiques de coagulation ont montré des différences selon la voie d’administration des estrogènes, en faveur de la voie per ou transcutanée, et une augmentation du risque d’accident veineux avec la voie orale d’administration des estrogènes.

Tableau 7. 2. Bénéfices du traitement de la ménopause
  Dans l'immédiat  A moyen terme  A long terme
  Suppression des bouffées de chaleur  Protection contre l'atrophie cutanéo-muqueuse    Protection contre l'ostéoporose
  Sensation de confort physique et psychique     Effet cardiovasculaire et neurologique ? 
  Récupération du dynamisme  

3 . 2  -  Risques du THM

1. Cancer du sein

Son risque de survenue est corrélé à la durée du traitement et à la dose. Il est d’autant plus important que les femmes sont âgées. Il est en moyenne augmenté de 20 à 30 % par le THM, après 10 ans d’utilisation.

Ces données sont trouvées aussi bien par les études d’observation (comparant utilisatrices et non-utilisatrices de THM), que par les études prospectives d’intervention (comparant des femmes prenant un THM et des femmes prenant un placebo).

En chiffres absolus, à l’échelon individuel, le risque reste minime. Ainsi, sur 10 000 femmes ne prenant pas d’estrogènes, 450 présenteront un cancer du sein entre 50 et 70 ans (ce risque augmentant avec l’âge), alors que sous THM pendant 5 ans, le nombre de cas supplémentaires pour 10 000 femmes est de 8, chaque année. Dans l’étude anglaise de la Million Women Study, il existe une augmentation de l’incidence du cancer du sein, chez les femmes sous traitement hormonal de 6/1 000 après 5 ans de traitement hormonal estro-progestatif et de 19/1 000 après 10 ans de traitement. Ce risque n’est présent que chez les utilisatrices actuelles : il disparaît après l’arrêt du THM (en 2 ans).

Le risque de cancer du sein est aussi (et même plus, dans certaines études) important chez les femmes prenant une association d’estrogènes et de progestatifs que chez celles prenant des estrogènes seuls. Dans une étude française, l’utilisation de progestérone naturelle paraît ne pas augmenter le risque de cancer du sein, mais le niveau de preuve est insuffisant.

2. Accidents veineux thromboemboliques (AVTE)

Le risque d’AVTE est multiplié par deux. En chiffres absolus, le risque reste néanmoins minime : ainsi, sur 5 années et pour 1 000 femmes non traitées par THM, 3 feront un AVTE entre 50 et 59 ans, et 11 en feront un entre 60 et 69 ans ; ces chiffres passent à 7 chez les femmes de 50 à 59 ans traitées par THM pendant 5 ans (4 AVTE en plus) et à 20 (9 AVTE en plus) chez les femmes de 60 à 69 ans traitées par TH pendant 5 ans.

Deux études françaises récentes montrent que ce risque est limité au THM donné par voie orale : par voie transcutanée, les estrogènes ne sont pas associés à un risque supérieur d’AVTE.

3. Accidents vasculaires cérébraux (AVC)

Le risque pourrait être augmenté de 30 % dans certaines études, y compris dans les études prospectives américaines déjà citées. Il s’agit d’une augmentation du risque des AVC ischémiques, mais non des accidents hémorragiques, possiblement en rapport avec l’effet prothrombotique des estrogènes oraux.

4. Lithiases biliaires

Le risque des lithiases biliaires serait augmenté de 50 % environ par le THM.

5. En conclusion

La balance bénéfice/risque chez des femmes à risque vasculaire de plus de 60 ans n’est pas en faveur du THM.

En revanche, chez la femme de 50 ans ménopausée de façon récente, symptomatique, le bénéfice évident sur la symptomatologie l’emporte sur le risque encouru, à condition de respecter les contre-indications, en maintenant à la dose minimale efficace et a priori en utilisant des molécules à risque moindre sur le plan vasculaire (estrogènes naturels, de préférence par voie per ou transcutanée si risque vasculaire) et peut-être de la progestérone naturelle (si le moindre sur-risque de cancer du sein avec cette molécule est bien confirmé), et à condition que la patiente soit informée des risques, pendant un temps limité et sous surveillance régulière.

Dans le cas particulier de l’insuffisance ovarienne prématurée, le traitement hormonal est recommandé.

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