4  -  Diagnostic étiologique

4 . 1  -  Moyens du diagnostic étiologique

1. Examen clinique

Les données de l’examen clinique peuvent, à elles seules, faire le diagnostic de l’ascite et de sa cause.

Les points précisés par l’anamnèse et l’examen physique sont :
– les facteurs de risque, les causes et les signes de cirrhose (voir chapitre 19) ;
– les facteurs de risque et les signes de maladie cardiaque et de maladie broncho-pulmonaire (particulièrement les signes d’insuffisance cardiaque droite) (voir item 250) ;
– les antécédents, les facteurs de risque, et les signes de cancer de l’appareil digestif ou génital, ou de lymphome ;
– les facteurs de risque, les antécédents et les signes de  tuberculose (voir item 106) [l’item 106 n’appartient pas à l’hépato-gastro-entérologie, quel type de renvoi mettre ?] ;
– les facteurs de risque, les causes et les signes de syndrome néphrotique (voir item xxx) [référence à compléter] ;
– les antécédents de chirurgie ou de traumatisme abdominaux ;
– une exposition à  l’amiante et la notion d’asbestose.


2. Examens de laboratoire

a. Liquide d’ascite

Les analyses du liquide d’ascite constituent l’étape essentielle du diagnostic étiologique. La ponction est sans danger lorsque les règles précisées plus haut sont respectées. Les analyses sont peu coûteuses, largement disponibles en routine, et donnent souvent des résultats spécifiques. Leur sensibilité n’est cependant pas parfaite. Autrement dit, elles échouent à fournir la clé du diagnostic dans bon nombre de cas (faux négatifs).

Les analyses du premier prélèvement d’ascite chez un malade donné doivent être complètes. Sauf situation particulière, les analyses ultérieures devraient être limitées à un examen cytobactériologique de routine.

Examens biochimiques

Ils incluent les déterminations :
– des protéines totales ;
– de la lipase ;
– des triglycérides.


La lipasémie et la triglycéridémie doivent être déterminées simultanément pour comparaison des concentrations dans l’ascite et dans le plasma.

La différence entre la concentration d’albumine de l’ascite et celle du plasma (« gradient d’albumine ») permet une estimation indirecte de la pression portale. Son utilité est limitée à des cas rares.

Examens cytobactériologiques


Ils incluent :
– le compte des hématies, des polynucléaires et des lymphocytes ;
– l’ensemencement, au lit du patient, de milieux de culture aérobie et anaérobie par 20 à 50 mL de liquide, pour isolement bactérien, repiquage, et antibiogramme éventuels ;
– l’examen direct pour recherche de bactéries et de mycobactéries après colorations appropriées ;
– l’ensemencement au laboratoire sur milieu pour mycobactéries.

Les caractéristiques habituelles du liquide d’ascite selon la cause sont détaillées plus bas.

La sévérité d’une infection du liquide d’ascite impose de récupérer en urgence les résultats de l’examen cytobactériologique pour mettre en route sans attendre, le cas échéant, une antibiothérapie probabiliste secondairement adaptée à l’antibiogramme (si un germe est isolé).

Examens cytologiques

Ils permettent, après étalement et coloration de préciser les caractéristiques des cellules en cherchant notamment des cellules anormales et tumorales.

b. Examens sanguins et urinaires

Leur premier intérêt est de conforter les arguments pour une cause éventuelle, dérivés des données cliniques s’il y en a ; sinon d’apporter ces arguments.

Ils incluent :
– protéinurie des 24 heures et électrophorèse des protéines (syndrome néphrotique) ;
– hémogramme, électrophorèse des protéines, taux de Quick, bilirubinémie (cirrhose) ;
– ProBNP ou BNP, uniquement lorsque les signes cliniques et échographiques d’insuffisance cardiaque sont discutables.

Leur second intérêt est de préciser le fonctionnement rénal, souvent perturbé quelle que soit la cause de l’ascite :
– sodium et potassium, sanguins et urinaires ;
– créatinine plasmatique et urinaire.

3. Imagerie et examens fonctionnels

a. Échographie abdominale


Examen performant dans ce contexte, peu coûteux et anodin.

Outre la détection d’une ascite peu abondante, et le diagnostic différentiel
avec les autres collections abdominales, il permet d’apporter des arguments décisifs pour la cause :
– dysmorphie hépatique, circulation collatérale porto-systémique d’une  cirrhose ;
– dilatation des veines hépatiques et de la veine cave inférieure d’une  insuffisance cardiaque droite ou d’une péricardite constrictive ;
– épaississement pariétal d’une tumeur péritonéale (carcinose ou mésothéliome) ;
– tumeur de l’ovaire ou de l’appareil digestif ;
– obstruction des veines hépatiques d’un syndrome de Budd-Chiari.

b. Autres examens d’imagerie

Tomodensitométrie et IRM n’ont d’intérêt que dans les cas où l’échographie est peu contributive. Elles sont particulièrement utiles pour la mise en évidence :
– des tumeurs de l’appareil digestif ou de l’ovaire ;
– des tumeurs du péritoine ;
– des affections pancréatiques.

Dans tous ces cas, ces examens permettent de préciser l’accessibilité des tumeurs détectées à une biopsie dirigée.

L’échographie cardiaque est nécessaire en cas de cardiopathie. En cas d’ascite liée à une cardiopathie, les veines hépatiques sont toujours dilatées.

c. Études hémodynamiques

Elles ne sont utiles que dans les cas rares où examen clinique, examens du liquide d’ascite et échographie n’ont pas permis d’affirmer ni d’écarter une atteinte cardiaque ou une cirrhose.

Elles consistent en un cathétérisme de la veine jugulaire interne pour mesure des pressions veineuse centrale, veineuse hépatique (libre et bloquée), auriculaire droite, ventriculaire droite et artérielle pulmonaire (libre et bloquée), ainsi qu’une détermination du débit cardiaque. Cette approche permet également d’effectuer une biopsie hépatique transveineuse.
On peut ainsi attribuer l’ascite :
– à une cirrhose quand le gradient de pression veineuse hépatique (pression bloquée moins pression libre) est supérieur à 10 mmHg ;
– à une insuffisance cardiaque droite ou à une péricardite constrictive lorsque la pression dans l’oreillette droite est supérieure à 12 mmHg ;
– à un autre mécanisme lorsque le gradient de pression veineuse hépatique et la pression dans l’oreillette droite sont normaux.
On peut aussi préciser le type d’atteinte cardiaque éventuelle, et notamment une péricardite constrictive dont le diagnostic peut échapper à l’échographie cardiaque.


d. Endoscopie et histopathologie

Cœlioscopie (ou laparoscopie)


Elle permet d’examiner le péritoine et la surface du foie, et de prélever des lésions péritonéales éventuelles ou de faire une ponction biopsie hépatique.

Elle s’effectue sous anesthésie générale, au bloc opératoire. Elle est contreindiquée par un état précaire, une laparotomie antérieure, des troubles de l’hémostase non corrigés. Même si elle peut montrer des aspects évocateurs de tuberculose, de carcinose ou de mésothéliome, le diagnostic doit être fondé sur des biopsies.

Biopsies du péritoine ou de lésions abdominales

Elles ne doivent être effectuées que lorsque l’examen cytologique du liquide d’ascite est non concluant, et que les examens d’imagerie ou les examens hémodynamiques ont permis d’exclure les causes communes (cirrhose et insuffisance cardiaque).

Elles peuvent être effectuées sous cœlioscopie, ou par voie percutanée, guidée par l’échographie :

– sur une zone anormale du péritoine, une adénopathie, ou une autre lésion ;
– sur une zone de péritoine apparaissant normale en l’absence de lésion focale.

Le rendement des biopsies péritonéales dirigées est excellent pour la carcinose péritonéale, le mésothéliome, la tuberculose. Elles n’ont aucune place dans le diagnostic des ascites les plus communes (cirrhose et insuffisance cardiaque).

Endoscopie digestive

Sa place est limitée à la recherche ou à la caractérisation d’une tumeur digestive en cas de carcinose péritonéale, et à la recherche de signes d’hypertension portale en cas de suspicion de cirrhose.

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