3 . 3  -  Excès de production du liquide péritonéal

Ce mécanisme rend compte de la plupart des ascites rencontrées en clinique. Il s’applique :
– à la cirrhose (et au syndrome de Budd-Chiari) ;
– à l’insuffisance cardiaque droite et à la péricardite constrictive ;
– au syndrome néphrotique.


1. Physiopathologie (Fig. 32.3 et 32.4)


Un excès de production du liquide péritonéal ne survient que dans un contexte d’hyperhydratation extracellulaire, et donc de réabsorption rénale excessive de sodium et d’eau. C’est aussi pourquoi l’ascite est souvent (mais non constamment) associée à un œdème mou déclive (œdème des membres inférieurs chez le sujet ambulant, œdème des lombes chez le sujet alité).

Le liquide interstitiel en excès se localise (fig. 32.4) :
– soit de façon prédominante à la cavité péritonéale parce que la pression interstitielle y est sélectivement augmentée en raison d’une hypertension portale par bloc intrahépatique (cirrhose) ou sus-hépatique (syndrome de Budd-Chiari) ;
– soit également dans la cavité péritonéale et dans l’ensemble du secteur interstitiel, parce que la pression interstitielle y est globalement augmentée en raison d’une élévation de la pression veineuse centrale transmise en amont au territoire portal (insuffisance cardiaque droite et péricardite constrictive), ou d’une diminution globale de pression oncotique plasmatique dans le cas du syndrome néphrotique.


Le mécanisme entraînant une réabsorption rénale excessive de sodium et d’eau est toujours une stimulation des barorécepteurs et des volorécepteurs assurant la régulation de la pression artérielle et du volume sanguin circulant (fig. 32.3).

Cette stimulation induit :

– l’activation excessive des systèmes vasoconstricteurs, antidiurétiques et antinatriurétiques, entre autres :
• système rénine-angiotensine-aldostérone,
• système sympathique,
• hormone antidiurétique/vasopressine ;
– l’inhibition des systèmes natriurétiques (entre autres, peptide natriurétique atrial) au cours de la cirrhose et du syndrome néphrotique ; ou leur augmentation insuffisante au cours de l’insuffisance cardiaque.

Les anomalies qui induisent l’hyperstimulation des barorécepteurs et des volorécepteurs diffèrent selon le contexte (fig. 32.3) :

– au cours de la cirrhose, pour des raisons encore mal élucidées, il se produit une  vasodilatation majeure des artérioles mésentériques. Il en résulte une diminution de la résistance vasculaire systémique et donc une diminution de la pression artérielle. Outre la réabsorption excessive de sodium et d’eau, la compensation inclut une augmentation du débit cardiaque ;
– au cours de l’insuffisance cardiaque droite, la diminution du débit cardiaque induit une diminution de la pression artérielle et une hypoperfusion rénale ;
– au cours du syndrome néphrotique, une diminution du volume circulant est induite par le passage de liquide vers le secteur interstitiel en raison de la diminution de la pression oncotique. Il s’y ajoute des mécanismes intrarénaux directement liés à l’atteinte rénale.

Fig. 32.3. Mécanisme de la stimulation des systèmes rénine-angiotensine-aldostérone, catécholami- nes et hormone antidiurétique/vasopressine à l’origine des ascites cirrhotique, cardiaque, et du syndro- me néphrotique
Fig. 32.4. Distribution de la rétention hydrosaline au cours de l’ascite cirrhotique, cardiaque, et du syndrome néphrotique

2. Ascite de la cirrhose

L’ascite est une complication fréquente de la cirrhose avancée. C’est aussi un signe de gravité de la cirrhose. Elle est souvent la manifestation clinique révélatrice de la maladie du foie.

Habituellement il y a un facteur déclenchant ou favorisant :
– infection bactérienne (pulmonaire, cutanée, urinaire, septicémie) ;
– hémorragie digestive ;
– poussée de la maladie causale ;
– insuffisance rénale.

Un œdème des membres inférieurs est fréquent en cas d’ascite tendue (comprimant la veine cave inférieure), plus rare en son absence. En l’absence d’ascite tendue, une insuffisance veineuse associée doit être cherchée. Une complication très grave de la cirrhose est la péritonite bactérienne spontanée (ou infection du liquide d’ascite) qui est secondaire à une translocation bactérienne intestinale et à un ensemencement du liquide par voie directe ou par voie hématogène.

Le liquide d’ascite non infecté au cours de la cirrhose est pauvre en leucocytes et en protéines (< 25 g/L).

Cela s’explique par le fait que le liquide d’ascite est filtré à travers les capillaires sinusoïdes, remaniés par la fibrose hépatique (capillarisation des sinusoïdes) qui les rend moins perméables à l’albumine.

Le diagnostic d’infection d’ascite est posé lorsque le taux de polynucléaires neutrophiles est supérieur à 250/mm3  qu’il existe ou non des germes. Les germes (généralement des bacilles gram négatifs de la flore digestive) sont exceptionnellement mis en évidence par l’examen direct, et inconstamment par les cultures.

3. Ascite de l’insuffisance cardiaque

L’ascite est une manifestation d’une insuffisance cardiaque congestive droite ou globale avancée (voir item 250) [l’item 250 n’appartient pas à l’hépato-gastroentérologie, quel type de renvoi mettre ?]. Elle est généralement associée à un œdème déclive. L’ascite est riche en protéines > 25 g/L et pauvre en leucocytes.

Cela s’explique par le fait que le liquide d’ascite est filtré à travers les capillaires sinusoïdes, dilatés par l’hypertension veineuse mais par ailleurs normaux, donc largement perméables aux protéines.

4. Ascite du syndrome de Budd-Chiari


L’ascite est une manifestation majeure du syndrome de Budd-Chiari (obstruction des veines hépatiques), qui est généralement dû à une thrombose. L’œdème des membres inférieurs est en partie dû à la compression de la veine cave inférieure par le gros foie et par l’ascite.
L’ascite est riche en protéines (> 25 g/L) et pauvre en leucocytes pour des raisons analogues à celles indiquées pour l’insuffisance cardiaque.


5. Ascite du syndrome néphrotique


L’ascite est une manifestation majeure mais inconstante du syndrome néphrotique. Elle est associée à une anasarque. L’ascite est pauvre en leucocytes et pauvre en protéines (< 25 g/L) en raison de l’hypoalbuminémie.

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