7 . 4  -  Fractures centrofaciales complexes

Il s'agit de fractures du nez dépassées. L’énergie traumatique n'est que partiellement absorbée par la pyramide nasale et va pouvoir entraîner des lésions en arrière de celle-ci, au niveau des structures profondes de la région centrofaciale (os lacrymaux, ethmoïde, parois internes des orbites et partie médiale des planchers orbitaires, apophyses frontales des maxillaires, parois antérieure et postérieure du sinus frontal), aboutissant à la classique fracture du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (CNEMFO).

Du fait de la violence du choc, tous ces patients doivent être considérés comme des traumatisés crâniens, au moins légers.

Physiopathologie

Choc violent sur la région nasale.

Clinique

  • Les signes classiques de la fracture des os propres du nez sont présents : épistaxis bilatérale, douleur, obstruction nasale, hématome en lunettes. L’épistaxis peut être massive et nécessiter une prise en charge immédiate (cf. ci-dessus).
  • Effacement du relief de la pyramide nasale témoignant de l'impaction du nez entre les orbites.
  • Méplat frontal par embarrure dans les fractures étendues à l'os frontal.
  • Élargissement de la région interorbitaire (télécanthus), reflet de la dystopie canthale médiale par désinsertion des ligaments canthaux et/ou par valgisation des os lacrymaux, point d'attache de ces ligaments (fig. 4.44).
  • Larmoiement par atteinte des parois osseuses du (ou des) sac(s) lacrymaux.
  • Énophtalmie secondaire à l'effondrement des parois médiales et latérales des deux orbites.
  • Œdème important des paupières et intraorbitaire d'installation rapide masquant souvent les déformations précédentes dans les jours qui suivent le traumatisme.
  • Emphysèmes sous-cutanés peri-orbitaires témoignant de la présence d'air dans les orbites (pneumorbites) en relation avec les fractures des parois orbitaires (planchers et parois médiales).
  • Diplopie statique et/ou dynamique par atteinte des muscles oculomoteurs et/ou en raison d'une dystopie oculaire sévère.
  • Rhinorrhée cérébrospinale en cas de fracture irradiée à l’étage antérieur de la base du crâne.
  • Anosmie en cas de fracture irradiée à la lame criblée de l'ethmoïde.
  • Cécité en cas d'irradiation des fractures aux canaux optiques et/ou à l’étage antérieure de la base du crâne.

Un avis neurochirurgical est indispensable en cas de fracture de la paroi postérieure du sinus frontal et/ou en cas de suspicion de fracture de l’étage antérieur de la base du crâne. Un avis ophtalmologique est indispensable en cas de signes fonctionnels oculaires.

Figure 4.44 Fracture du CNEMFO. Noter le télécanthus

Radiographie

Les incidences radiographiques standards (Blondeau, Waters, crâne de profil) sont systématiquement complétées par un scanner cranio-facial en coupe axiale et en reconstructions frontales et sagittales pour une analyse précise des orbites, des structures profondes de la région centrofaciale et de la base du crâne. Les reconstructions tridimensionnelles permettent une visualisation simplifiée des lésions de surface (fig. 4.45).

L'existence d'une pneumocéphalie (présence d'air dans l'espace sous-dural) au bilan radiologique (fig. 4.46) signe à lui seul l'existence d'une brèche de la dure-mère.

Figure 4.45 Fracture du CNEMFO (reconstruction scanographique tridimensionnelle)
Figure 4.46 Pneumocéphalie

Complications

Complications précoces

  • Épistaxis cataclysmique – Item 313
Elle peut engager le pronostic vital et nécessite une prise en charge immédiate (cf. ci-dessus).
  • Méningite précoce par voie ascendante – Item 96
Une antibioprophylaxie doit être mise en route et un avis neurochirurgical doit être demandé en cas de suspicion de brèche de la dure-mère.
  • Complications oculaires (cécité, diplopie, etc.)
Elles doivent faire demander un avis ophtalmologique en urgence.
  • Anosmie uni- ou bilatérale
Elle témoigne d'un traumatisme des nerfs olfactifs au niveau de la lame criblée de l'ethmoïde. Elle est de diagnostic difficile à la période initiale et est souvent définitive.

Complications tardives
  • Méningite tardive
Elle reste possible des années après le traumatisme initial, la dure-mère ayant parfois du mal à cicatriser spontanément.
  • Séquelles morphologiques
Elles concernent essentiellement la pyramide nasale (rétrusion de la racine du nez, ensellure globale sévère), les canthus médiaux (télécanthus séquellaire) et la position des globes oculaires (énophtalmie séquellaire). Elles témoignent d'un défaut de prise en charge thérapeutique initiale et nécessitent des corrections chirurgicales secondaires difficiles.
  • Obstruction des voies lacrymales
Elle nécessite parfois la réalisation d'une dacryorhinocystostomie.
  • Séquelles mnésiques
Elles résultent du traumatisme crânien, toujours associé.

Principes thérapeutiques

Les principes thérapeutiques sont difficiles à codifier et dépendent essentiellement des constatations cliniques et radiologiques.
  • Antibioprophylaxie (ce sont toutes des fractures ouvertes).
  • En urgence :
    • traitement de l’épistaxis ;
    • décompression éventuelle d'un nerf optique.
  • Bilan neurologique et ophtalmologique.
  • Après fonte de l’œdème et en fonction des lésions :
    • réduction de la pyramide nasale ;
    • réparation des fractures des parois orbitaires (planchers et parois médiales) ;
    • cantopexie transnasale ;
    • réparation des voies lacrymales ;
    • réparation des brèches méningées (neurochirurgiens) ;
    • réparation des fractures de la paroi postérieure du sinus frontal ou crânialisation en fonction de la gravité (neurochirurgiens) ;
    • réparation des fractures de la paroi antérieure du sinus frontal.
Fractures centrofaciales complexes
  • Distinguer la fracture simple des os propres du nez (à risque essentiellement morphologique) de la fracture du CNEMFO (risques neurologique, hémorragique, infectieux, fonctionnel oculaire et morphologique majeurs)
  • Scanner indispensable
  • Traitement lourd, parfois multidisciplinaire (neurochirurgien, ophtalmologiste)

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