6  -  Diagnostic des fractures de la mandibule

On distingue classiquement les fractures du corps mandibulaire (fractures des portions dentées et de la région angulaire) et les fractures des branches mandibulaires (fractures des portions non dentées et de la région condylienne), les premières étant, par définition, des fractures le plus souvent ouvertes, les secondes des fractures habituellement fermées.

Les fractures de la région condylienne sont les fractures mandibulaires les plus fréquentes (fig. 4.20).

Figure 4.20 Localisation des fractures mandibulaires et leur pourcentage de survenue (d'après Dingmann, 1964)

6 . 1  -  Fractures des portions dentées et de la région angulaire

Elles regroupent les fractures des régions symphysaire et parasymphysaires, des branches horizontales et de la région angulaire.

Il s'agit de fractures ouvertes dont le traitement est urgent.

Physiopathologie

Choc direct sur la mandibule.

Signes cliniques

  • Douleur au niveau du trait de fracture.
  • Stomatorragie.
  • Sialorrhée.
  • Impotence fonctionnelle (douleur à la mobilisation de la mandibule et à la mastication).
  • Trismus antalgique.
  • Plaie de la muqueuse gingivale au niveau du trait de fracture, le plus souvent entre les deux dents bordant le foyer de fracture (fig. 4.21). Cette plaie s'explique par la transmission à la gencive, inextensible, du mouvement de cisaillement osseux qui se produit lors du traumatisme. Cette plaie fait communiquer le foyer de fracture avec la cavité buccale, expliquant le caractère ouvert de ces fractures.
  • Modification de l'articulé dentaire en raison du déplacement des fragments dentés (chevauchement, angulation, décalage) sous l'action du traumatisme et de l'action combinée des muscles abaisseurs et élévateurs de la mandibule.
  • Mobilité osseuse anormale, à rechercher avec prudence du fait de la douleur et du risque de lésion iatrogène du nerf alvéolodentaire inférieur (V3).
  • Hypo- ou anesthésie dans le territoire labiomentonnier du nerf alvéolodentaire inférieur (V3) (signe de Vincent) pour les fractures très déplacées en regard du canal mandibulaire.

Figure 4.21 Fracture de la portion dentée de la mandibule

Radiographie

  • Orthopantomogramme (ou cliché panoramique dentaire) (fig. 4.22) : cliché de débrouillage, souvent suffisant pour poser l'indication chirurgicale.
  • Face basse pour la région angulaire.
  • Cliché mordu du bas pour la région symphysaire.
  • Défilé mandibulaire, à défaut.
  • En cas de doute diagnostique : scanner en coupes axiales et fenêtre osseuse.

Ces examens complémentaires confirment la (ou les) fracture(s) (environ 30 % des fractures mandibulaires sont plurifocales, avec une fréquence particulière pour l'association à une fracture de la région condylienne), en précisant :
  • le siège exact de la (ou des) fracture(s) : symphyse, régions parasymphysaires, corps, angle (fig. 4.23), situation par rapport au canal mandibulaire ;
  • les caractéristiques du trait : simple, avec troisième fragment ou fracture comminutive, direction du biseau ;
  • les déplacements osseux : décalage, angulation, chevauchement ;
  • l’état de la denture : il faut faire la part entre l’état antérieur à la fracture et les lésions qui reviennent au traumatisme (incidences thérapeutiques et médico-légales pour l'indemnisation du dommage corporel).

Figure 4.22 Fracture de la portion dentée (orthopantomogramme) : fracture parasymphysaire gauche.
Figure 4.23 Fracture bifocale de la mandibule : angle droit, symphyse (orthopantomogramme)

Formes cliniques

Chez l'enfant – Item 237

  • Les fractures sont souvent peu déplacées (fractures en bois vert).
  • Elles peuvent passer inaperçues au bilan radiographique standard (orthopantomogramme) et doivent faire réaliser un cliché mordu du bas, voire un scanner.
  • Les fractures peuvent passer par un germe dentaire et l'endommager, ce qui implique une surveillance ultérieure de l’éruption dentaire et la prudence médico-légale.
  • Les fractures de la région symphysaire (choc direct sur le menton) doivent systématiquement faire rechercher une fracture associée de la (ou des) région(s) condylienne(s).

Chez le sujet édenté

  • Les fractures de la région angulaire sont rares.
  • Elles prédominent en revanche au niveau du corps (branches horizontales) en raison de la perte osseuse associée à l’édentation (fig. 4.24).
  • Elles sont souvent peu symptomatiques.

Figure 4.24 Fracture de la branche horizontale gauche chez un sujet édenté présentant une atrophie majeure de l'os mandibulaire (orthopantomogramme)

Complications

Complications immédiates

Les complications immédiates consistent essentiellement en l'apparition de troubles respiratoires par œdème ou hématome du plancher buccal, voire par glossoptose en cas de fracture parasymphysaire bilatérale entraînant un recul de la langue.

Complications secondaires

Troubles sensitifs dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur
Ces troubles sont le plus souvent immédiats et transitoires en cas de simple contusion. Ils peuvent être définitifs en cas de traumatismes nerveux plus sévères (hypo-, anesthésie, dysesthésies ou paresthésies définitives). Les mêmes troubles peuvent être secondaires à la réduction et à l'ostéosynthèse (atteinte iatrogène per-opératoire du nerf) et engager la responsabilité du chirurgien, raison pour laquelle l'observation initiale doit renseigner sur un éventuel trouble sensitif immédiat. Ces troubles sensitifs peuvent évoluer vers une symptomatologie douloureuse chronique de type névralgique, parfois extrêmement invalidante.

Risque septique
S'agissant de fractures ouvertes dans la cavité buccale, le risque septique (abcès au niveau du foyer de fracture, ostéite, pseudarthrose septique) est toujours possible. Une prise en charge thérapeutique habituellement rapide et la mise en route d'une antibioprophylaxie systématique ont rendu ce risque rare.

Consolidation en cal vicieux, malocclusion séquellaire
Les techniques de réduction et d'ostéosynthèses stables actuellement disponibles en routine ont considérablement minimisé ce risque.

Retard de consolidation et pseudarthrose
Là encore, les techniques d'ostéosynthèse actuelles ont rendu ce risque faible.

Principes thérapeutiques chez l'adulte

  • Il s'agit de fractures habituellement ouvertes (dans la cavité buccale) dont le traitement est urgent, au mieux dans les heures qui suivent le traumatisme.
  • Patient laisséà jeun jusqu’à la prise de décision.
  • Mise en route d'une antibioprophylaxie intraveineuse.

En cas de fracture déplacée


Traitement chirurgical (fig. 4.25)
Réduction et ostéosynthèse par voie ouverte (endobuccale le plus souvent ou, plus rarement, cutanée en cas de fractures complexes) sous anesthésie générale et intubation nasotrachéale (pour permettre le contrôle per-opératoire de l'articulé dentaire).

À défaut, traitement orthopédique (fig. 4.26)
Blocage mandibulomaxillaire (« intermaxillaire ») au fil d'acier pendant six semaines, éventuellement réalisable sous anesthésie locale.

En cas de fracture non déplacée


Possibilité d'abstention thérapeutique (patient coopérant et motivé) ; mise en route d'une alimentation liquide et surveillance radiologique régulière pendant six semaines.

Figure 4.25 Traitement chirurgical des fractures des portions dentées de la mandibule
Figure 4.25 Traitement chirurgical des fractures des portions dentées de la mandibule
Figure 4.25 Traitement chirurgical des fractures des portions dentées de la mandibule
Figure 4.26 Traitement orthopédique d'une fracture mandibulaire : blocage maxillo-mandibulaire au fil d'acier
Figure 4.26 Traitement orthopédique d'une fracture mandibulaire
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