1 . 4  -  Spécificités des fractures du coude et de la cheville

1 . 4 . 1  -  Fractures du coude


Généralités


Les fractures du coude sont fréquentes (environ 15 à 20 % des fractures en pédiatrie), principalement chez les enfants âgés de 5 à 10 ans.

Le mécanisme est le plus souvent un choc indirect (chute sur la main) que direct.

Les fractures concernent la métaphyse et l’épiphyse de l’humérus distal. Les lésions dépendent de l’âge, du fait de l’apparition progressive des noyaux d’ossification primaires et secondaires. Il faut connaître l’âge d’apparition des principaux noyaux d’ossification : condyle externe à 3 ans, épitrochlée (ou épicondyle médial) à 6 ans, trochlée à 9 ans et épicondyle latéral à 12 ans.

On distingue les fractures extra-articulaires, correspondant aux fractures supracondyliennes (les plus fréquentes et plus graves), les avulsions de l’épitrochlée (plus ou moins associées à des luxations du coude) et les fractures articulaires (condyle externe, condyle interne, capitellum).

Le traitement est habituellement urgent du fait du risque fonctionnel. La réduction doit être le plus anatomique possible, car le remodelage est faible à ce niveau (20 % de la croissance du membre supérieur).

Évaluation clinique

Il faut faire préciser le mécanisme de l’accident et la latéralité de l’enfant.

Il faut rechercher une déformation, un gonflement et une ouverture cutanée, ainsi que des complications vasculonerveuses (pouls radial, coloration de la main). En l’absence de pouls (10 à 20 % des fractures supracondyliennes), la réduction au bloc opératoire est une urgence. Aucun examen complémentaire ne doit retarder la prise en charge.

Il faut également tester les 3 nerfs du membre supérieur :

  • le nerf médian (flexion de l’interphalangienne de l’index), c’est l’atteinte la plus fréquente par étirement du nerf interosseux antérieur (branche motrice du nerf médian) ;
  • le nerf ulnaire (écartement des doigts par action des interosseux) ;
  • ainsi que le nerf radial (extension du pouce par le long extenseur du pouce).

Il faut enfin éliminer un syndrome des loges en cas de retard à la prise en charge et d’œdème majeur.

Imagerie

Le diagnostic repose sur la radiographie du coude de face et de profil, après avoir immobilisé le membre douloureux dans une attelle, plutôt en extension pour favoriser la circulation et ne pas majorer l’œdème.

Les fractures supracondyliennes peuvent être en extension (choc indirect, déplacement du fragment distal en arrière), et sont classées en 4 stades selon Lagrange et Rigault :

  • I = absence de déplacement, signe indirect d’épanchement par refoulement du croissant graisseux périarticulaire ;
  • II = déplacement dans un seul plan (sagittal) ;
  • III = déplacement dans plusieurs plans de l’espace (sagittal + rotation le plus souvent) ;
  • IV = perte de contact entre les fragments.

Il existe également des fractures en flexion (déplacement du fragment distal en avant), liées le plus souvent à un traumatisme direct sur le coude, sans classification particulière.

Dans les fractures de l’épicondyle médial, il faut particulièrement rechercher une atteinte du nerf ulnaire, ainsi qu’une luxation associée du coude dont la réduction serait urgente.

Les fractures du condyle externe correspondent à un Salter IV du coude et doivent être réduites anatomiquement car ce sont des fractures articulaires dont la mauvaise réduction peut compromettre la mobilité de l’articulation.

Traitement

Il s’agit d’une urgence. Il consiste à réduire sous anesthésie générale et à immobiliser pendant 5 à 6 semaines, le plus souvent après une ostéosynthèse.

Les fractures supracondyliennes peuvent être traitées par :

  • une réduction-immobilisation simple par méthode de Blount (manchette plâtrée coude fléchi à 120°, fixée par une écharpe autour du cou) pour les fractures sans rupture du périoste postérieur (stades I à III) ;
  • réduction-ostéosynthèse à foyer fermé par broche ;
  • réduction-ostéosynthèse à foyer ouvert en cas d’échec de réduction par manœuvres externes ou en cas de fractures en flexion.

Les critères radiologiques de bonne réduction sont : la restitution du sablier anatomique pour le plan sagittal, la restitution d’un angle de Baumann physiologique pour le plan frontal (environ 70° entre l’axe de la diaphyse et le cartilage du noyau d’ossification du condyle externe).

L’immobilisation postopératoire doit bloquer l’épaule et le coude, et repose donc sur un plâtre thoracobrachial ou l’association d’un plâtre brachio-antébrachio-palmaire (BABP) et d’un Mayo Clinic pour l’épaule.

Les fractures de l’épicondyle médial et du condyle externe doivent être réduites et ostéosynthésées par broches, à foyer ouvert pour s’assurer d’une réduction anatomique et localiser le nerf ulnaire.

Complications

Les principales complications des fractures supracondyliennes sont la déviation secondaire (cubitus varus ou valgus) en cas de réduction imparfaite, le syndrome des loges, l’infection et la raideur.

Pour les atteintes du condyle externe, les risques sont la nécrose du condyle, la pseudarthrose, et l’arthrose secondaire en cas de réduction insuffisante.

1 . 4 . 2  -  Fractures de la cheville


Généralités

Les fractures de cheville sont fréquentes, principalement chez les enfants après l’âge de 11 ans, et notamment chez le garçon.

Elles surviennent surtout par accidents sportifs et de la voie publique.

Le mécanisme est le plus souvent indirect, en torsion ou en compression.

Le cartilage de croissance (ou physe) est une zone de faiblesse mécanique et est le siège privilégié des fractures (intérêt de la classification de Salter). En fin de croissance, la physe se soude d’abord en interne, vers 15 ans chez la fille et 17 ans chez le garçon, puis la fermeture du cartilage de croissance progresse pour terminer en externe. C’est donc cette zone latérale du tibia distal qui sera le siège le plus fréquent des fractures en fin d’adolescence.

La cheville est une zone de croissance fertile (45 % du tibia), mais compte tenu de l’âge souvent avancé, le potentiel de remodelage est faible. Il existe un risque d’épiphysiodèse et d’arthrose en cas de réduction insuffisante.

Évaluation clinique

Il faut faire préciser le mécanisme de l’accident.

Il faut rechercher une déformation, une douleur à la palpation ainsi que des complications cutanées (fréquentes) ou vasculonerveuses (rares).

Imagerie

Toute suspicion diagnostique impose la réalisation de radiographies de cheville centrées de face, de profil, et éventuellement de 3/4. Le scanner peut être nécessaire pour apprécier la déformation articulaire.

La classification la plus utile est celle de Salter et Harris selon les stades suivants :

  • I = décollement épiphysaire pur, souvent en varus forcé, avec atteinte de la fibula et du tibia ;
  • II = refend métaphysaire (les plus fréquentes) ;
  • III = fracture articulaire, notamment la fracture de Tillaux isolant un fragment antéro-externe épiphysaire ;
  • IV = fracture de Mac Farland avec trait métaphyso-épiphysaire interne, mécanisme en adduction, fragment métaphysaire de petit volume, risque élevé d’épiphysiodèse.

Il existe également une entité particulière, la fracture triplane, associant un trait sagittal épiphysaire (équivalent Salter III), un trait horizontal dans le cartilage de croissance, et un trait frontal métaphysaire (équivalent Salter II). Le diagnostic repose sur la radiographie mais est fréquemment confirmé par scanner.

Traitement

Il s’agit d’une urgence en raison du risque d’œdème et de complication cutanée.

Dans un premier temps, il faut prendre en charge la douleur, immobiliser le membre par une attelle et surélever la jambe.

Pour les fractures extra-articulaires, le traitement repose sur la réduction par manœuvres externes sous anesthésie, suivie d’une immobilisation cruropédieuse (prendre les articulations sus- et sous-jacentes) pendant 6 semaines. L’appui est interdit et une anticoagulation préventive sera discutée en fonction de l’âge.

Pour les fractures articulaires, la réduction se fera le plus souvent à ciel ouvert, afin de restaurer l’anatomie, et sera suivie d’une ostéosynthèse par broches ou vis, ne traversant pas le cartilage de croissance dans la mesure du possible.

En cas d’ouverture ou de délabrement cutané, ne pas oublier l’antibioprophylaxie et préférer une immobilisation par fixateur externe.

Complications

Les complications précoces sont l’ouverture cutanée, l’ischémie et le syndrome de loges, puis l’infection et le déplacement secondaire.

Les complications tardives sont l’épiphysiodèse, pouvant entraîner une inégalité de longueur ou une déviation axiale, ainsi que l’arthrose en cas de fracture articulaire mal réduite.

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