3  -  Paludisme chez l’enfant

3 . 1  -  Généralités


En raison des migrations de populations et de l’augmentation des voyages en zones d’endémie palustre, la France est la nation européenne la plus concernée par le paludisme d’importation.

La population pédiatrique compte environ 1 000 accès palustres importés par an, dont 10 % chez les nourrissons. Plus de 80 % de ces accès palustres sont dus à P. falciparum.

Les principales spécificités pédiatriques du paludisme d’importation sont :

  • la difficulté du diagnostic clinique ;
  • le risque d’évolution vers un accès sévère ;
  • le caractère souvent inadapté des formulations galéniques des antipaludiques.

Seul le paludisme d’importation à Plasmodium falciparum (espèce plasmodiale potentiellement mortelle la plus fréquente) sera traité dans ce chapitre.

Des recommandations pour la pratique clinique concernant la prise en charge et la prévention du paludisme d’importation à P. falciparum ont été émises par la SPILF en 2007.

3 . 2  -  Diagnostiquer un accès palustre

3 . 2 . 1  -  Rechercher un paludisme


Circonstances diagnostiques


Le diagnostic d’un accès palustre chez l’enfant peut être parfois difficile.

En pratique, il doit être évoqué chez un enfant symptomatique ayant séjourné récemment dans une zone d’endémie, habituellement dans les 15 jours suivant le retour, mais jusqu’à 3 mois voire plus.

Signes d’appel :

  • la fièvre (90 % des cas) :
    • pouvant être constatée ou « ressentie » par les parents (sans avoir été mesurée) au domicile et être absente au moment de la consultation médicale,
    • parfois associée à une co-infection bactérienne ou virale bénigne (ORL, digestive…) pouvant entraîner une errance diagnostique, ou à une infection sévère (méningée) ;
  • une hépatosplénomégalie (inconstante) ;
  • des complications (parfois) :
    • neurologiques : convulsions fébriles, prostration,
    • pulmonaires : détresse respiratoire aiguë,
    • autres : syndrome anémique sévère, ictère ;
  • une altération de l’état général.

Tout retard à la prise en charge thérapeutique peut avoir des conséquences graves.

Confirmation paraclinique

Le diagnostic biologique doit pouvoir être effectué dans un délai de 2 heures suivant le prélèvement.

Les principales méthodes utilisées sont :

  • le frottis sanguin à la recherche de trophozoïtes de Plasmodium falciparum ;
  • la goutte épaisse ;
  • les tests de diagnostic rapide sur bandelettes détectant des antigènes palustres (indispensables en urgence en attendant la confirmation du diagnostic microscopique par un laboratoire expérimenté) ;
  • les techniques de PCR (très sensibles mais non encore utilisées en pratique).

Ces méthodes diagnostiques sont comparables à celles utilisées chez l’adulte.

Confirmation diagnostique = urgence : frottis sanguin + goutte épaisse + tests de diagnostic rapide.

Savoir répéter la recherche biologique si l’enfant a pris une prophylaxie antipalustre.

3 . 2 . 2  -  Situations d’urgence


Les critères cliniques et biologiques de gravité ont été définis par l’OMS en 2000.

Le tableau 27.2 présente la fréquence et la valeur pronostique de ces critères (SPILF, 2007).

Tableau 27.2 Fréquence et valeur pronostique des critères OMS 2000 (SPILF, 2007)
Critère de gravité (OMS 2000)Fréquence chez l’adulteFréquence chez l’enfantPronostic chez l’enfant
CliniquesComa : Glasgow < 11+++++++++
Troubles de conscience :
9 < Glasgow < 15
++++++++
Convulsions répétées : > 1/24 h+++++
Prostration+++++++
Syndrome de détresse respiratoire :
– battement continu des ailes du nez
– dépression inspiratoire de la base du thorax
– dyspnée de Küssmaul
++++++++
 Ictère++++++
 Défaillance cardiocirculatoire :
– PAS < 60 mmHg avant 5 ans
– PAS < 80 mmHg après 5 ans
– insuffisance circulatoire périphérique
 ++ + +++
 Saignement anormal+±+++
 Œdème pulmonaire radiologique :
– syndrome interstitiel périhilaire
– images alvéolaires (bronchogramme aérien)
– images en ailes de papillon
– lignes de Kerley B
– ± épanchement pleural
 + ± +++
 Hémoglobinurie macroscopique+±+
Paracliniques     Hypoglycémie : < 2,2 mM+++++++
– Acidose métabolique : bicarbonates < 15 mM
– Acidémie : pH < 7,35
 +++ +++ +++
Anémie grave : Hb < 5 g/dL ou Ht < 15 %++++++
Hyperlactatémie : > 5 mmol/L+++++++
Hyperparasitémie :
≥ 4 % (non immun)/ ≥ 20 % (semi-immun)
++++±
Insuffisance rénale :
diurèse < 12 mL/kg/24 h, créatininémie élevée
++++++

Les examens biologiques appréciant le retentissement sont ainsi :

  • NFS, CRP ;
  • ionogramme sanguin (avec urée et créatinine) ;
  • glycémie ;
  • bilan hépatique complet ;
  • ± gaz du sang et lactates.

Toujours réaliser un ECG avant de démarrer un traitement antipaludique à la recherche d’un QT long ou de troubles du rythme.

Retenir avant tout : convulsions fébriles, ictère, anémie sévère, hypoglycémie.

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