2 . 4  -  Planifier la prise en charge

2 . 4 . 1  -  Orientation de l’enfant


Les critères d’hospitalisation répondent aux critères de gravité de la diarrhée :

  • sévérité symptomatique laissant craindre une déshydratation importante ;
  • terrain à risque ;
  • capacité de surveillance par l’entourage difficilement assurée.

La conduite à tenir peut être schématisée selon le % estimé de perte de poids :

  • < 5 % (cas le plus fréquent) : prise en charge ambulatoire ;
  • entre 5–10 % : essai de SRO (en ambulatoire ou aux urgences) et réévaluation clinique ;
  • ≥ 10 % (signes de gravité) : hospitalisation pour réhydratation entérale ou IV ;
  • et en cas d’hypovolémie menaçante : remplissage vasculaire puis réhydratation IV.

La prise en charge ambulatoire concerne la majorité des enfants.

En cas de non-hospitalisation, il est indispensable d’évaluer la capacité de l’entourage à assurer le traitement et la surveillance de l’enfant, ainsi que sa connaissance des règles d’utilisation des SRO (à volonté, proposé souvent, sans limite fixe de quantité…), des signes d’alerte devant conduire à une nouvelle consultation médicale (libérale ou hospitalière). La surveillance impose des réveils nocturnes pour contrôler l’état de l’enfant et lui proposer à boire.

Signes d’alerte à expliquer : enfant apathique, refus de boire, diarrhée profuse, vomissements incoercibles, hypotonie, changement de comportement, fièvre élevée, sang dans les selles, perte de poids significative.

2 . 4 . 2  -  Objectifs thérapeutiques communs


La prise en charge thérapeutique a pour objectifs de :

  • prévenir et corriger les pertes hydroélectrolytiques : réhydratation exclusive initiale ;
  • prévenir la dénutrition et raccourcir la durée de la diarrhée : renutrition précoce.

Les modalités de prise en charge sont synthétisées en figure 21.2 :

  • diarrhée avec déshydratation estimée < 10 % :
    • SRO per os à volonté ou par voie entérale,
    • perfusion IV (en cas d’échec des SRO, de vomissements répétés) ;
  • diarrhée avec déshydratation estimée ≥ 10 % :
    • voie entérale ou perfusion IV pendant au moins 6 heures,
    • relais avec SRO selon l’allure évolutive de la diarrhée et des autres signes ;
  • diarrhée avec déshydratation grave :
    • en cas d’hypovolémie : remplissage vasculaire NaCl 0,9 % 20 mL/kg en 20 min,
    • relais avec une perfusion IV pendant plusieurs heures.
Figure 2 : Conduite à tenir en cas de diarrhée aiguë liquidienne

Une surveillance attentive est nécessaire dans toutes ces situations.

Réhydratation exclusive initiale (orale, entérale ou IV), renutrition précoce, surveillance.

2 . 4 . 3  -  Mesures urgentes en cas d’hypovolémie


En cas d’hypovolémie, la « réhydratation » même IV n’est pas suffisante.

Une expansion volémique permet de corriger un état de choc hypovolémique :

  • cristalloïdes NaCl 0,9 % 20 mL/kg sur 20 minutes ;
  • voie IV (ou intra-osseuse en cas d’échec de perfusion) ;
  • à renouveler éventuellement après réévaluation de l’état hémodynamique.

La surveillance clinique repose avant tout sur la normalisation de l’état hémodynamique (FC, TRC, chaleur des extrémités, pouls périphériques). La reprise de la diurèse est le meilleur critère d’efficacité clinique de la prise en charge thérapeutique de l’hypovolémie induite par une déshydratation aiguë grave.

Remplissage vasculaire = NaCl 0,9 % 20 mL/kg sur 20 min.

2 . 4 . 4  -  Réhydratation orale, entérale ou IV


Réhydratation orale : SRO

Les SRO constituent le traitement majeur de la déshydratation de l’enfant.

Leur composition en électrolytes et en sucres ainsi que l’osmolarité sont adaptées à la réhydratation orale des nourrissons et jeunes enfants. Ces produits, peu coûteux, efficaces, sécuritaires, sont recommandés par l’OMS. Ils sauvent chaque année la vie de millions d’enfants atteints de gastroentérite aiguë.

Les SRO n’arrêtent pas la diarrhée mais permettent d’empêcher et/ou de corriger la déshydratation aiguë induite par la diarrhée et/ou par les vomissements, ainsi que les troubles ioniques secondaires. Leur teneur en sucres permet souvent d’arrêter les vomissements induits par la cétose de jeune.

La réhydratation d’un nourrisson avec de l’eau pure, des SRO « maison » (sel, sucre et eau), des sodas ou des jus de fruit est dangereuse car elle peut aggraver la diarrhée et être responsable de troubles hydroélectrolytiques sévères.

La prise de SRO doit être précoce, dès les premières diarrhées et/ou vomissements.

Les SRO s’achètent en pharmacie avec (alors remboursés) ou sans ordonnance. Ils se présentent sous la forme d’un sachet à diluer dans 200 mL d’eau pure. La préparation se conserve au réfrigérateur et est à utiliser dans les 24 heures suivant sa reconstitution.

L’enfant déshydraté adapte ses besoins à sa soif (marqueur de l’état d’hydratation).

La dose totale ingérée peut atteindre 200 voire 300 mL/kg le premier jour. Ils doivent ainsi être proposés à volonté, par petites quantités régulières (40–50 mL toutes les 15 minutes).

Des vomissements initiaux ne sont pas une contre-indication à leur utilisation ; la prise fractionnée et répétée de SRO les atténuera le plus souvent. En revanche, des vomissements persistants malgré une administration correcte des SRO témoignent de l’échec de cette technique de réhydratation. On peut alors avoir recours à la voie entérale ou IV.

Réhydratation entérale continue


Elle peut être utile au stade de réhydratation initiale en cas de diarrhée sévère.

Une dose de départ de 200 mL/kg/j de SRO est souvent prescrite, à adapter selon l’évolution.

Les vomissements initiaux et lors de l’essai de prise orale de SRO ne sont pas une contre-indication à la réhydratation orale ou entérale.

Elle est parfois utilisée, lorsqu’un abord veineux apparaît difficile.

Réhydratation IV

Elle est indiquée dans les situations suivantes :

  • déshydratation ≥ 10 % avec hypovolémie menaçante ;
  • échec des SRO par voie orale (vomissements incoercibles) et par voie entérale.

Les détails du contenu des solutés de perfusion ne sont pas à mémoriser pour l’ECN.

Il s’agit de solutés glucosés à 5 % avec au moins 4 g/L de NaCl, dont la composition est adaptée en fonction de l’état clinique, et de la natrémie prélevée avant le début de la perfusion.

La dose totale nécessaire est l’addition des besoins de base (100–120 mL/kg/j chez le jeune nourrisson), du déficit à compenser (% de perte de poids), et des pertes persistantes. Cette dose totale atteint en moyenne 150 mL/kg/j, à adapter selon l’évolution.

La surveillance clinique repose sur la régression des signes de déshydratation et la reprise de poids (en l’absence de 3e secteur). Il convient de noter le nombre des selles et leur allure évolutive, la persistance ou non de vomissements, ainsi que le retour éventuel d’une diurèse.

2 . 4 . 5  -  Renutrition


La renutrition précoce permet de prévenir la dénutrition et raccourcit la durée de la diarrhée.

Ses modalités dépendent du régime alimentaire suivi :

  • allaitement maternel :
    • pas d’interruption,
    • alterner tétées et SRO ;
  • allaitement artificiel et/ou alimentation diversifiée :
    • reprise de l’alimentation après 4 à 6 heures de réhydratation exclusive,
    • en cas de réhydratation entérale, ajout au régime de base d’une quantité de SRO correspondant aux pertes persistantes par la même voie.

Ses modalités en cas d’allaitement artificiel varient selon l’âge et la symptomatologie :

  • nourrisson d’âge ≥ 4 mois et diarrhée peu sévère : reprise de l’alimentation avec la préparation lactée antérieurement prescrite ;
  • nourrisson d’âge ≥ 4 mois et diarrhée sévère et/ou traînante (> 15 jours) après reprise du lait habituel : lait sans lactose pendant 1 à 2 semaines (voir chapitre 50) ;
  • nourrisson non allaité d’âge < 4 mois : arrêt du lait habituel et mise sous hydrolysat extensif de PLV sans lactose et contenant des triglycérides à chaîne moyenne pendant 3 semaines (voir chapitre 50).

Chez les enfants plus âgés, un régime « antidiarrhéique » strict n’est ni indispensable ni d’efficacité prouvée. Il peut même compromettre la renutrition chez un enfant encore anorexique par son caractère hypocalorique et peu attractif. Si la diversification avait déjà été débutée avant l’épisode de diarrhée, on évite des aliments accélérant le transit (épinards, jus d’orange…).

Réhydratation = SRO. Renutrition = lait, aliment de la diversification.

2 . 4 . 6  -  Traitements médicamenteux


Médicaments antidiarrhéiques

Les antidiarrhéiques sont des traitements symptomatiques.

Leur efficacité sur la réduction du débit des selles ou la durée de l’épisode est très modérée. Ils ne traitent pas la déshydratation et ne corrigent pas les troubles ioniques qu’elle entraîne. Ces médicaments, s’ils sont prescrits, doivent donc toujours être associés à un SRO.

Le racécadotril (Tiorfan®) peut être indiqué du fait de sa capacité à réduire le débit des selles sans effet sur la motricité intestinale. Le lactobacille LB (Lactéol®) aurait une action à divers niveaux du processus diarrhéique. Le diosmectite (Smecta®) a également une AMM dans ces situations.

Le lopéramide (Imodium®) et le Saccharomyces boulardii (Ultralevure®) sont contre-indiqués avant l’âge de 2 ans.

Antibiothérapie

Elle n’a pas sa place dans le contexte d’une diarrhée aiguë liquidienne.

Autres traitements

Les antiémétiques ne sont pas recommandés dans une gastroentérite aiguë.

Les traitements antiseptiques intestinaux n’ont pas d’indication.

SRO avant tout. Indications des traitements médicamenteux très limitées.

2 . 5  -  Assurer le suivi

2 . 5 . 1  -  Surveillance de l’enfant

  • Chez l’enfant hospitalisé et perfusé :
    • constantes : T°C, FC, PA ;
    • poids et diurèse des 6 heures, nombre de selles et de vomissements ;
    • ionogramme sanguin, urée, créatininémie en cas d’anomalie initiale et chez l’enfant perfusé.
  • Chez l’enfant pris en charge en ambulatoire, reconsulter si :
    • enfant apathique, hypotonie, changement de comportement ;
    • refus de boire, diarrhée profuse, vomissements incoercibles, perte de poids significative ;
    • fièvre élevée, sang dans les selles.

Consignes de surveillance en cas de prise en charge ambulatoire.

2 . 5 . 2  -  Complications possibles


Une diarrhée traînante peut s’installer.

Elle peut être due à l’importance des lésions villositaires (rotavirus) et justifierait un régime sans lactose quel que soit l’âge, voire un hydrolysat de protéines avec TCM. Dans d’autres cas elle est secondaire à une dénutrition avec absence de réparation muqueuse du grêle. Une nutrition entérale prolongée semi-élémentaire est parfois nécessaire.

Complications sévères :

  • neurologiques :
    • convulsions (parfois reliées à une réhydratation IV trop rapide),
    • hématome sous-dural,
    • thromboses veineuses cérébrales ;
  • rénales :
    • insuffisance rénale fonctionnelle (cédant après une réhydratation bien conduite),
    • nécrose corticale (secondaire au choc),
    • thromboses des veines rénales (exceptionnelles après l’âge de 6 mois).

Ces complications sévères sont exceptionnelles. Elles sont liées avant tout à l’intensité et à la durée du choc hypovolémique. Leur prise en charge est du ressort de spécialistes.

2 . 5 . 3  -  Mesures préventives


Mesures générales pour lutter contre la transmission infectieuse :

  • hygiène des mains dans les collectivités (avec solution hydroalcoolique) ;
  • restriction de fréquentation de la collectivité à la phase aiguë (pas d’éviction scolaire stricte) ;
  • isolement en milieu hospitalier.

Mesures de protection individuelle (diarrhée à rotavirus) :

  • vaccination contre le rotavirus (voir chapitre 28) ;
  • réhydratation orale précoce.

Les vaccins vivants Rotarix® et RotaTeq® ont obtenu l’AMM en 2006 pour l’immunisation active du nourrisson à partir de l’âge de 6 semaines. Ils sont administrés par voie orale et ont une efficacité de 90 % sur les diarrhées sévères à rotavirus.

Le Haut Conseil de la santé publique a recommandé en 2014 la vaccination contre le rotavirus des nourrissons âgés de moins de 6 mois selon un schéma vaccinal à 2 doses (2 et 3 mois de vie) pour le vaccin monovalent Rotarix® et à 3 doses (2, 3 et 4 mois de vie) pour le vaccin pentavalent RotaTeq®.

Cette vaccination pourrait être mise au calendrier vaccinal par les autorités de santé si les prix négociés des vaccins conduisent à des ratios coût/efficacité acceptables.

Prévention des épidémies nosocomiales dans les services hospitaliers.

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