2 . 2  -  Porter le diagnostic et identifier des situations d’urgence

2 . 2 . 1  -  Diarrhée aiguë liquidienne


Identifier une diarrhée aiguë


La diarrhée aiguë est définie comme l’émission brutale, depuis moins de 7 jours, de selles trop fréquentes (> 3/jour ou > 6/j en cas d’allaitement maternel) ou trop liquides.

La perte de poids est souvent corrélée à l’importance de la déshydratation induite par la perte d’eau et d’électrolytes en raison de la diarrhée et des vomissements, sauf en cas de constitution d’un 3e secteur digestif où la déshydratation peut ne pas être associée à une perte de poids.

On prend comme référence le dernier poids connu de l’enfant (carnet de santé). Le pourcentage de perte de poids correspond au rapport de la perte de poids (poids ancien – poids actuel) sur le poids ancien. Il faudrait tenir compte du gain pondéral théorique entre les 2 dates, et l’ajouter au poids ancien pour le calcul (par exemple, compter 20–30 g/j dans les premiers mois de vie).

Conduire l’enquête clinique

  • Antécédents :
    • personnels : épisodes antérieurs de diarrhée prolongés, interventions chirurgicales ;
    • familiaux : pathologies digestives.
  • Caractéristiques de l’enfant :
    • âge ;
    • terrain à risque de déshydratation (voir infra) ;
    • croissance pondérale (chiffrer la perte de poids en %) ;
    • régime alimentaire (lait artificiel ou maternel ?) ;
    • mode de garde, contage infectieux familial ou en collectivité, suspicion de toxi-infection alimentaire collective (TIAC), voyage récent en zone endémique ;
    • vaccination contre le rotavirus, médicaments (association amoxicilline et acide clavulanique).
  • Symptomatologie :
    • caractéristiques des selles :
      • date et mode de début : brutal ou progressif,
      • aspect : liquidien ou glairosanglant,
      • modalités : fréquence (nombre/j), abondance (traces, débordement hors de la couche) ;
    • signes d’accompagnement :
      • fièvre,
      • vomissements,
      • anorexie, algies abdominales,
      • éruption cutanée, convulsion.
  • Utilisation et réponse aux thérapeutiques :
    • capacité à boire au domicile (sans vomissements consécutifs) ;
    • administration correcte du SRO (dilution correcte, volumes, fréquence) ?
    • réhydratation entreprise avec un autre liquide que le SRO ?
    • modalités de surveillance de l’entourage.
  • Signes de déshydratation aiguë et d’hypovolémie (voir infra).
  • Examen abdomino-pelvien rigoureux :
    • ballonnement abdominal, défense abdominale, orifices herniaires ;
    • irritation du siège (liée à la macération dans la couche ou à des selles trop acides).
  • Examen complet à la recherche d’un foyer infectieux extradigestif.

Perte de poids (en %), vomissements associés, capacité à boire, fièvre, terrain.

Identifier les situations d’urgence

La déshydratation aiguë est la situation d’urgence d’une diarrhée aiguë liquidienne.

Comme dans toute pathologie aiguë de l’enfant, sa gravité potentielle est liée à la sévérité clinique, mais aussi au terrain de l’enfant ainsi qu’aux capacités de surveillance de l’entourage.

  • Signes de sévérité clinique :
    • nombre quotidien de selles important, augmentation rapide du débit des selles ;
    • vomissements incoercibles, incapacité d’une réhydratation orale ;
    • fièvre élevée, troubles de conscience ou du tonus.
  • Terrain de l’enfant :
    • âge < 3 mois, prématurité ;
    • RCIU, mucoviscidose, MICI, APLV, résection colique sur maladie de Hirschsprung ;
    • immunosuppression.
  • Capacité de surveillance de l’entourage :
    • mauvaise compréhension et risque d’erreur dans la conduite du traitement ;
    • difficultés de surveillance, accès restreint à un recours médical libéral ou hospitalier.

Risque majoré de déshydratation aiguë si intolérance alimentaire totale, jeune nourrisson, RCIU.

Connaître les causes possibles

  • Avant tout les causes infectieuses :
    • diarrhées virales (surtout) ;
      • à rotavirus (âge < 5 ans, épidémies automno-hivernales) surtout,
      • à norovirus (tout âge, épidémies familiales ou en collectivité),
      • à adénovirus ou à entérovirus ;
    • diarrhées bactériennes, parfois reliées à une situation de TIAC (rarement).
  • Autres causes plus rares :
    • accélération du transit liée à une infection extradigestive (en particulier ORL, urinaire) ;
    • diarrhées reliées à une cause chirurgicale (appendicite aiguë,…) ;
    • diarrhées d’origine allergique (APLV) ;
    • diarrhées sous antibiothérapie (association amoxicilline et acide clavulanique).

Des vomissements ou des douleurs abdominales isolées ne doivent pas faire porter trop rapidement le diagnostic de « gastroentérite aiguë » et écarter l’éventualité d’autres diagnostics (syndrome occlusif, acidocétose diabétique, insuffisance surrénalienne, vomissements d’origine neurologique…).

Il est important de détecter par l’anamnèse et la courbe de croissance une diarrhée d’allure aiguë sur un fond de dénutrition (crise cÅ“liaque, diarrhée du retour de pays d’endémie). Le protocole de réhydratation habituel serait alors dangereux.

Ne pas conclure trop vite au diagnostic de GEA infectieuse.

2 . 2 . 2  -  Déshydratation aiguë


Identifier une déshydratation aiguë

La déshydratation est souvent surévaluée cliniquement.

Le critère théorique le plus adapté est la perte de poids. Le calcul du % de perte de poids est cependant parfois approximatif. De manière théorique, le degré de déshydratation aiguë atteint serait a posteriori évalué par le niveau de reprise pondérale obtenu après réhydratation adaptée.

Conduire l’enquête clinique

Signes cliniques classiquement reliés :

  • à une déshydratation extracellulaire :
    • cernes périoculaires, fontanelle déprimée, pli cutané abdominal,
    • hypovolémie (voir infra) ;
  • à une déshydratation intracellulaire :
    • soif,
    • sécheresse des muqueuses (face intérieure de langue).

Des situations pièges sont possibles.

La survenue d’un 3e secteur digestif peut être responsable d’une déshydratation avec hypovolémie sans perte de poids, avec un abdomen gonflé et gargouillant.

Le pli cutané abdominal est parfois difficile à apprécier chez un nourrisson ayant un pédicule adipeux épais (« gros bébé »).

Il convient de préciser l’ensemble des données cliniques observées (poids, signes cliniques de déshydratation aiguë) dans tous les documents retranscrivant les conclusions de l’examen clinique initial (dossier de consultation médicale libérale, dossier hospitalier d’urgence).

Signes cliniques les plus fiables : pli cutané et TRC.

Identifier les situations d’urgence

L’hypovolémie est la situation d’urgence majeure d’une déshydratation aiguë.

Comme dans toute pathologie aiguë de l’enfant, sa gravité potentielle est liée à la sévérité clinique, mais aussi au terrain de l’enfant ainsi qu’aux capacités de surveillance de l’entourage.

Signes d’hypovolémie = de sévérité clinique :

  • accélération de la fréquence cardiaque (non expliquée par la fièvre) ;
  • TRC allongé (≥ 3 s), extrémités froides (marbrures) ;
  • pouls périphériques mal perçus, diminution de la PA (tardif chez l’enfant) ;
  • réduction de la diurèse ;
  • troubles de conscience (apathie, somnolence), hypotonie.

En pratique, on peut évaluer rapidement le degré de déshydratation aiguë :

- cernes, sécheresse des muqueuses = perte de poids > 5 % ;
- pli cutané persistant (fig. 21.1) = perte de poids > 10 % ;
- signes d’hypovolémie = déshydratation > 15 %.

Figure 1 : Pli cutané

Diarrhée aiguë → risque de déshydratation aiguë → risque d’hypovolémie et de choc.

Connaître les causes possibles

  • Avant tout les causes digestives :
    • diarrhées virales (surtout) ;
    • vomissements, 3e secteur (rare).
  • Autres causes plus rares :
    • pertes extradigestives accrues de sodium ou d’eau :
      • diabète sucré, diabète insipide (syndrome polyuro-polydipsique),
      • insuffisance surrénalienne ;
    • causes cutanées (perte d’eau) : coup de chaleur.

La persistance d’une diurèse rend peu probable une déshydratation sévère.

Toutefois, en cas de discordance entre déshydratation et diurèse conservée, penser particulièrement au diagnostic de diabète.

Vomissements sans diarrhée avec hypovolémie et polyurie → diabète.

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