2 . 3  -  Identifier et traiter les situations d’urgence

2 . 3 . 1  -  Acidocétose


Généralités


C’est la cause la plus fréquente de mortalité chez l’enfant diabétique de type 1.

Elle est liée à une carence profonde en insuline avec élévation des hormones de contre-régulation glycémique.

Elle peut révéler la maladie (≈ 50 % des cas), après un syndrome polyuro-polydipsique négligé (évolution parfois rapide chez le petit enfant). Il est impératif de l’évoquer devant un tableau de vomissements avec perte de poids chez un adolescent.

Elle peut également compliquer son évolution : habituellement déclenchée par un arrêt ou un franc sous-dosage de l’insulinothérapie. Il convient de rechercher un facteur déclenchant comme une infection intercurrente.

Diagnostic

  • Présentation clinique :
    • syndrome cardinal : polyuro-polydipsie, asthénie, amaigrissement et polyphagie ;
    • signes de déshydratation : perte de poids, déshydratation extracellulaire (pli cutané, tachycardie, hypotension), déshydratation intracellulaire (soif, hypotonie des globes oculaires, sécheresse des muqueuses, troubles de la conscience) ;
    • signes digestifs : douleurs abdominales, nausées ou vomissements ;
    • signes respiratoires : dyspnée de Küssmaul, odeur acétonémique de l’haleine ;
    • signes neurologiques : obnubilation, somnolence, coma.
  • Confirmation biologique :
    • glycémie veineuse > 2,50 g/L ;
    • gaz du sang veineux : pH < 7,30 ou bicarbonates < 15 mM (acidocétose sévère si pH < 7,1/modérée si pH < 7,2)
    • corps cétoniques urinaires à la BU (++) à (++ + +), ou cétonémie capillaire > 3 mM.
  • Autres examens paracliniques essentiels :
    • ionogramme sanguin :
      • la natrémie ne reflète pas le degré d’hydratation intracellulaire, mieux apprécié à l’aide du calcul de la natrémie corrigée en mmol/L : Nac = Na + 2 × [(glycémie veineuse – 5,6)/5,6],
      • kaliémie habituellement normale, mais ne reflétant pas le stock potassique très abaissé ;
    • fonction rénale : insuffisance rénale aiguë fonctionnelle ;
    • NFS, CRP : parfois hyperleucocytose trompeuse sans infection ;
    • ECG : recherche de signes de dyskaliémie.

Prise en charge thérapeutique

Le principe du traitement est de restaurer la volémie et d’administrer de l’insuline afin de faire baisser progressivement la glycémie et bloquer la production hépatique des corps cétoniques ce qui corrige l’acidose (jamais d’administration de bicarbonates).

  • Prise en charge thérapeutique immédiate :
    • hospitalisation en urgence ;
    • monitoring cardiorespiratoire, 2 voies veineuses périphériques ;
    • mise à jeun ;
    • si collapsus : remplissage vasculaire = NaCl 9 ‰ 20 mL/kg sur 5–20 min ;
    • réhydratation hydroélectrolytique :
      • initialement : NaCl 9 ‰ + KCl (si pas d’anurie et de signes ECG d’hyperkaliémie),
      • puis : soluté glucosé + NaCl 9 ‰ et KCl ;
    • insulinothérapie : insuline d’action rapide en IV : début à : 0,05 à 0,1 UI/kg/h en fonction de l’âge et de la sévérité de l’acidocétose, puis selon les glycémies de contrôle ;
    • traitement du facteur déclenchant éventuel ;
    • surveillance :
      • clinique (/1 h) : constantes, examen neurologique, diurèse, glycémie et cétonémie capillaires + BU,
      • paraclinique (/4 h) : glycémie veineuse, GDS veineux, ionogramme sanguin, fonction rénale, ECG.
  • Objectifs de la prise en charge :
    • diminution rapide de la cétonémie qui doit disparaître entre H12 et H24 ;
    • baisse progressive de la glycémie avec un objectif autour de 10 mM entre H12 et H24 ;
    • relais par insuline SC en général vers H24, quand l’état clinique (digestif) le permet ;
    • éducation thérapeutique dans tous les cas, soit prise en charge initiale du diabète, soit reprise éducative si diabète connu.

Complications possibles

L’œdème cérébral est la plus fréquente, avec une lourde morbimortalité.

Il se développe sous traitement et est suspecté devant des céphalées, une altération secondaire brutale de la conscience, des convulsions, des signes neurologiques de compression du tronc cérébral (atteinte des nerfs crâniens, mydriase, bradycardie, pauses respiratoires).

La conduite à tenir en extrême urgence est l’injection de mannitol IV, la diminution des débits de perfusion et un transfert en réanimation médicale.

Autres complications : l’hypokaliémie, l’inhalation de liquide gastrique (enfant inconscient).

Réflexe : glycémie capillaire > 2,50 g/L → BU pour recherche de cétones.
Prise en charge urgente : insulinothérapie IV, rééquilibration hydroélectrolytique, ECG.
Surveillance neurologique car risque d’œdème cérébral.

2 . 3 . 2  -  Hypoglycémie chez l’enfant diabétique traité


Généralités

Il s’agit d’une complication inévitable de l’insulinothérapie.

Les hypoglycémies mineures sont perçues et corrigeables par ingestion de glucides par l’enfant (ou administré par son entourage si petit enfant).

Elles sont inévitables chez un patient bien équilibré, de fréquence variable, en général plusieurs fois par semaine.

Les hypoglycémies sévères sont définies par la présence de signes de neuroglycopénie et la nécessité de l’intervention d’un tiers.

Les facteurs de risque sont des erreurs dans la prise en charge du diabète, un diabète ancien, des antécédents d’hypoglycémie sévère et la non-reconnaissance des signes d’hypoglycémie. Un facteur déclenchant est rarement retrouvé : erreur de dose, injection IM, erreur alimentaire, effort physique prolongé.

Diagnostic

Les premiers signes correspondent à la réaction adrénergique (sueurs, tremblements, tachycardie, pâleur, anxiété, faim) et surviennent en cas de glycémie veineuse < 0,60 g/L (3,3 mM).

Les signes de neuroglycopénie (fatigue, difficultés de concentration et d’élocution, céphalées, incoordination, troubles visuels, troubles du comportement, voire au maximum coma ± convulsions) surviennent en cas de glycémie veineuse < 0,50 g/L (2,8 mM).

Les hypoglycémies survenant durant le sommeil peuvent passer inaperçues et se traduire par des céphalées matinales ou des difficultés au réveil (elles majorent le risque d’hypoglycémie sévère).

La confirmation du diagnostic repose sur le contrôle de la glycémie capillaire.

Prise en charge

  • Pas de trouble de conscience = resucrage oral :
    • sucre rapide = 1 morceau de sucre (5 g) ou 1/2 verre de jus de fruit ou de soda pour 20 kg de poids ;
    • puis sucre lent = 1–2 morceaux de pain ou 2–3 biscuits.
  • Si trouble de conscience = pas de resucrage oral :
    • en 1re intention : glucagon (geste réalisable au domicile par la famille) :
      • injection de glucagon IM ou SC (Glucagen® 0,5 mg si ≤ 25 kg, 1 mg au-delà),
      • puis une fois réveillé, resucrage per os ;
    • en 2e intention : glucosé IV (si Glucagen® non disponible et secours médicalisés) :
      • sérum G30 % 10 mL/20 kg de poids,
      • puis une fois réveillé, relais par une perfusion de G10 % 1,5 L/m2/j en au moins 1 h.

Au décours d’un épisode d’hypoglycémie sévère, l’éducation thérapeutique doit être réévaluée, notamment l’autosurveillance glycémique quotidienne, l’alimentation et l’adaptation des doses d’insuline.

Complications

En cas d’hypoglycémie sévère :

  • risque d’accident de la voie publique, surtout chez l’adolescent (mobylette…) ;
  • morbidité psychosociale et frein au bon équilibre du diabète.

Pas de dysfonction cognitive, ni de séquelles neurologiques.

Hypoglycémie iatrogène mineure : fréquente chez le diabétique bien équilibré.
Prise en charge urgente : resucrage oral, glucagon (si troubles de conscience).
Éducation thérapeutique pour reconnaissance des signes d’hypoglycémie.

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