2  -  Points clés sur certains cancers de l’enfant

2 . 1  -  Leucémie aiguë lymphoblastique

2 . 1 . 1  -  Généralités


Les leucémies aiguës sont les cancers les plus fréquents de l’enfant (30 %).

Ce sont des proliférations malignes de précurseurs de cellules sanguines bloqués à un stade précoce de leur différenciation (blastes).

On distingue 2 variétés de leucémies aiguës suivant le type cytologique des cellules blastiques :

  • les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) ;
  • les leucémies aiguës myéloïdes (LAM).

Les LAL représentent environ 80 % des leucémies aiguës de l’enfant.

On dénombre de 350 à 400 nouveaux cas par an en France, avec deux pics de fréquence : 2 à 5 ans (principal pic) et adolescence.

Schématiquement : 75 % sont des proliférations lymphoïdes de cellules immatures de la lignée B, 20 % sont des proliférations de la lignée T. Il existe de très rares proliférations de cellules lymphoblastiques B matures : il s’agit de leucémies de Burkitt (leucémie L3 dans la classification FAB [franco-américano-britannique] ou B4 dans la classification EGIL [European Group for the Immunological Characterization of Leukemias]).

2 . 1 . 2  -  Diagnostic


Signes cliniques d’appel

  • Manifestations d’insuffisance médullaire :
    • anémie : asthénie, pâleur, éventuelle dyspnée ;
    • thrombopénie : syndrome hémorragique cutanéomuqueux, purpura pétéchial, ecchymoses diffuses ou dans des sites inhabituels, épistaxis, gingivorragies, hématurie, sang dans les selles ;
    • neutropénie : fièvre prolongée, angine récidivante ou ne cédant pas aux antibiotiques, aphtose.
  • Manifestations du syndrome tumoral liées à la prolifération leucémique dans la moelle osseuse et les organes hématopoïétiques secondaires et les organes lymphoïdes :
    • douleurs osseuses (enfant ne voulant plus monter les escaliers, voulant être porté…) ;
    • hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies périphériques, amygdalomégalie, gros testicule ;
    • gêne respiratoire voire syndrome cave supérieur en cas de syndrome tumoral médiastinal ;
    • signes neurologiques périphériques (compression médullaire sur tassement vertébral voire envahissement tumoral) ou centraux (témoins d’une maladie neuroméningée).

Confirmation diagnostique

  • L’hémogramme (NFS-plaquettes) peut donner les résultats suivants :
    • forme hyperleucocytaire avec blastose sanguine d’importance variable ;
    • forme pancytopénique sans blastes ;
    • parfois normal, ce qui n’élimine pas le diagnostic.
  • Le diagnostic ne peut et ne doit être porté qu’après réalisation d’un myélogramme :
    • cytologie médullaire au microscope : > 20 % de cellules blastiques ;
    • examen immunohistochimique : coloration négative par la myéloperoxydase et les estérases ;
    • identification de la LAL dans la classification FAB (L1, L2, L3) : taille et régularité des cellules.
  • Ce myélogramme est complété par les examens suivants :
    • immunophénotypage sur cellules médullaires en suspension en cytométrie de flux :
      • confirmation du caractère hématopoïétique de la prolifération (CD34),
      • caractère B : présence d’antigènes de la lignée B parmi CD10, CD19, CD20, CD22, CD79a,
      • caractère T : présence d’antigènes de la lignée T parmi CD2, CD3, CD4, CD7, CD8,
      • un ou plusieurs marqueurs myéloïdes peuvent avoir une expression « aberrante » ;
    • caryotype hématologique médullaire :
      • ploïdie des cellules blastiques (normoploïdie : 46 chromosomes, hypoploïdie : < 46, hyperploïdie : > 46),
      • possibles anomalies structurales : délétions, inversions péricentriques, duplications, translocations,
      • ± compléments de lecture par des techniques de fluorescence par hybridation in situ (FISH) ;
    • examen en biologie moléculaire à la recherche de :
      • transcrits de fusion (ETV6-RUNX1, BCR-ABL, PBX-E2A, MLL-AF4…),
      • marqueur(s) moléculaire(s) pour le suivi de la maladie après rémission complète cytologique (RC).
  • Enfin, d’autres examens sont nécessaires au diagnostic et à la prise en charge :
    • examen du LCR : recherche d’un envahissement neuroméningé initial (présence de blastes lors du décompte cellulaire, et sensibilisation par technique de concentration Cytospin ®) ;
    • examens d’imagerie en fonction du tableau initial :
      • radiographie de thorax, échographie abdominale et/ou testiculaire,
      • IRM cérébrale ;
    • bilan préthérapeutique :
      • bilan prétransfusionnel,
      • syndrome de lyse : hyperuricémie, hyperkaliémie, hypocalcémie, hyperphosphorémie.

2 . 1 . 3  -  Prise en charge thérapeutique


Principes généraux

La prise en charge doit être réalisée en milieu spécialisé pédiatrique après RCP.

Principes thérapeutiques d’une LAL de l’enfant :

  • correction d’une urgence symptomatique ;
  • prévention et/ou prise en charge d’un syndrome de lyse tumorale : hyperhydratation, hyperdiurèse, uricolytiques ;
  • polychimiothérapie séquentielle intensive incluant : des corticostéroïdes, de l’asparaginase, un alcaloïde de la pervenche, du méthotrexate, de l’aracytine ± alkylants et anthracycline ;
  • prévention ou traitement des localisations neuroméningées : injections intrathécales de chimiothérapie, voire radiothérapie cérébrale.

L’intensité de la polychimiothérapie est fonction des caractéristiques immunophénotypiques, cytogénétiques et moléculaires de la maladie au diagnostic initial ainsi que de la corticosensibilité évaluée à J8 du traitement puis de la chimiosensibilité évaluée à différents temps précoces de la maladie.

La durée totale du traitement est de 24 à 30 mois dont 6–8 mois de traitement intensif intraveineux et 18–24 mois de traitement d’entretien essentiellement par voie orale.

Suivi et pronostic


Le pronostic des LAL de l’enfant est meilleur que celui des LAL de l’adulte.

Plus de 80 % des enfants et adolescents entre les âges de 1 an et 18 ans peuvent être guéris par les protocoles actuels. Les patients présentant les formes les plus favorables ont un pronostic de guérison de l’ordre de 90 à 95 %.

Le pronostic est fonction :

  • des caractéristiques initiales de la maladie :
    • leucocytose : hyperleucocytose péjorative si > 50 000/mm3,
    • envahissement neuroméningé,
    • immunophénotype : T est de moins bon pronostic que B,
    • âge : pronostic sombre chez les enfants d’âge < 1 an, moins bon pronostic chez les adolescents ;
  • de la réponse au traitement :
    • corticosensibilité à J8,
    • obtention de la rémission cytologique en fin d’induction,
    • décroissance rapide de la maladie résiduelle (mesurée par PCR ou cytométrie de flux).
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