1 . 2  -  Particularités diagnostiques

1 . 2 . 1  -  Être vigilant


Les signes d’appel de cancers de l’enfant doivent être reconnus le plus tôt possible.

En effet, la précocité du diagnostic permet souvent le recours à des traitements moins agressifs. Toutefois, la rareté et la rapidité évolutive des cancers de l’enfant ne permettent pas d’envisager un dépistage systématique, sauf dans de rares cas de syndromes de prédisposition.

Un interrogatoire attentif prenant en compte les symptômes décrits, un examen clinique exhaustif ainsi qu’une analyse vigilante de l’évolution permettent une stratégie diagnostique raisonnable pour l’identification ou la réfutation de signes évocateurs de cancers, tout en prenant en compte l’inquiétude familiale.

Les signes d’appel des cancers de l’enfant sont nombreux.

Ils peuvent être découverts de manière fortuite par les parents (masse abdominale au cours de la toilette) ou par le médecin traitant (examen systématique), ou du fait de la persistance sous traitement bien conduit, d’un signe ou d’un symptôme d’allure initialement bénigne.

Certains signes ou symptômes généraux peuvent survenir mais sont beaucoup plus rares qu’au cours des cancers de l’adulte : fatigue isolée, diminution de l’appétit, amaigrissement ou mauvaise prise staturo-pondérale chez le jeune enfant, infections anormalement répétées.

Les signes d’appel sont souvent banals et malheureusement parfois « banalisés ».

Ils sont le plus souvent d’évolution rapide, survenant chez un enfant dont l’état général demeure conservé, et peuvent parfois mettre en jeu du fait de la localisation tumorale, le pronostic fonctionnel ou vital immédiat.

Tout symptôme ou signe persistant et fixe pendant plusieurs jours, toute douleur nocturne (céphalées, douleurs abdominales ou des membres), insolites ou durables, doivent faire évoquer une étiologie organique qui peut être parfois cancéreuse.

Signes d’appel multiples et parfois banals… à ne pas banaliser.

1 . 2 . 2  -  Circonstances diagnostiques

  • Les signes peuvent être en rapport avec la découverte « directe » de la tumeur :
    • masse abdominale :
      • intrapéritonéale : lymphome de Burkitt, hépatoblastome,
      • rétropéritonéale : néphroblastome, neuroblastome,
      • abdomino-pelvienne : tumeur germinale maligne, neuroblastome, sarcome ;
    • tuméfaction des membres ou des parois révélant des sarcomes :
      • des tissus mous : le plus souvent rhabdomyosarcome,
      • osseux : ostéosarcome, tumeur d’Ewing ;
    • adénopathies « froides » (dures et adhérentes, sans inflammation ni douleur) :
      • leucémies,
      • lymphomes ;
    • autres signes :
      • reflet blanc pupillaire (leucocorie) : rétinoblastome,
      • augmentation du volume scrotal : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne, lymphome,
      • hématurie : néphroblastome,
      • masse périorificielle ou intra-orificielle ± saignement : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne vaginale.
  • Les symptômes peuvent être en rapport avec des signes « indirects » de la tumeur :
    • HTIC, signes neurologiques déficitaires : tumeur cérébrale ;
    • compression médullaire (y penser chez un enfant douloureux et difficilement mobilisable) : tumeurs osseuses rachidiennes, neuroblastome, hémopathies malignes, tumeurs médullaires ;
    • dyspnée par compression médiastinale : lymphome (le plus souvent non hodgkinien), rarement tumeur germinale maligne, sarcomes ou neuroblastome ;
    • obstruction respiratoire haute, troubles de déglutition : tumeur ORL (lymphome, rhabdomyosarcome) ;
    • protrusion oculaire : tumeur orbitaire primitive (rhabdomyosarcome) ou métastase orbitaire (neuroblastome, hémopathie maligne) ;
    • douleurs osseuses localisées : tumeurs osseuses (ostéosarcome, tumeur d’Ewing) ;
    • douleurs osseuses diffuses ± boiterie : atteintes de la moelle osseuse (leucémie, neuroblastome) ;
    • difficultés d’émission d’urines ou de selles : tumeurs abdomino-pelviennes (sarcome, neuroblastome, tumeurs germinales malignes), tumeurs intracanalaires ;
    • strabisme : rétinoblastome ;
    • prurit : lymphome de Hodgkin.
  • Plus rarement, le cancer peut se révéler au cours de certaines situations d’urgence :
    • dyspnée asphyxiante : lymphome non hodgkinien médiastinal, tumeur ORL ;
    • pancytopénie (anémie aiguë, saignement, fièvre), CIVD : hémopathie ;
    • HTIC d’évolution rapide avec signes neurovégétatifs, convulsions : tumeur cérébrale ;
    • fracture osseuse pathologique : tumeur osseuse ;
    • hémorragie intra-abdominale : néphroblastome ;
    • hypercalcémie : origine paranéoplasique ou lyse osseuse.

Alerte : HTIC, boiterie et douleurs osseuses, masse abdominale, strabisme, leucocorie.

1 . 2 . 3  -  Démarche diagnostique


Conduite générale


Le diagnostic est habituellement porté sur une convergence d’arguments cliniques et paracliniques.

La démarche diagnostique vise à confirmer le diagnostic, préciser la nature et les caractéristiques de la tumeur, ainsi qu’à établir le bilan d’extension locorégional et général.

Les éléments d’appoint possiblement associés sont fonction des hypothèses étiologiques : examens biologiques (NFS-plaquettes, examens biochimiques sanguins standards, marqueurs tumoraux), examens d’imagerie, examens anatomo-pathologiques et de caractérisation biologique de la tumeur.

La stratégie diagnostique doit être rigoureuse et organisée.

Des examens paracliniques simples peuvent être réalisés pour orienter rapidement le diagnostic.

La chronologie et les modalités des explorations ultérieures (notamment l’indication des abords de ponction ou de biopsie de la tumeur) doivent être impérativement décidées en collaboration avec un centre de référence en cancérologie pédiatrique, afin d’éviter tout préjudice concernant la prise en charge thérapeutique et le pronostic.

Contact rapide avec un centre de référence en cancérologie pédiatrique.

Spécificités à connaître

  • Principaux marqueurs tumoraux particuliers au diagnostic des tumeurs pédiatriques :
    • α-fœtoprotéine (AFP) : tumeurs germinales malignes (composante « tumeur du sac vitellin »), hépatoblastome ;
    • β-HCG : tumeurs germinales malignes (composante « choriocarcinome ») ;
    • catécholamines urinaires : neuroblastome.
  • Autres marqueurs moins spécifiques souvent recherchés :
    • hypercalcémie : atteintes ostéomédullaires étendues, tumeurs rhabdoïdes ;
    • élévation des LDH (marqueur d’agressivité) : lymphome malin non hodgkinien (LMNH), neuroblastome, tumeur d’Ewing.

Les examens d’imagerie permettent le diagnostic topographique des lésions, contribuent souvent au diagnostic étiologique et participent au bilan d’extension.

  • Techniques d’imagerie utilisées suivant les situations :
    • examens radiographiques standards (très souvent contributifs) :
      • radiographie de thorax,
      • radiographies de segments osseux : en cas de douleurs ou de tuméfactions localisées,
      • ASP : en cas de tumeur abdominale ;
    • échographie ± Doppler (très précieuse) :
      • précise le caractère intra- ou rétropéritonéal d’une tumeur abdominale,
      • précise l’origine d’une tumeur abdomino-pelvienne,
      • contribue à l’exploration des lésions cervicales, des membres et des parois ;
    • examens plus complexes (en fonction des résultats des 1res explorations) :
      • TDM,
      • IRM : tumeur du SNC, tumeurs osseuses ou des tissus mous,
      • scintigraphie au technétium : tumeurs osseuses primitives et/ou métastatiques,
      • scintigraphie au méta-iodobenzylguanidine (MIBG) : neuroblastome,
      • tomographie par émission de positons (TEP) ± TDM : validée dans l’exploration des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens mais également de plus en plus utilisée dans d’autres types tumoraux (en particulier les sarcomes).
  • Les examens anatomo-pathologiques comprennent des explorations :
    • cytologiques :
      • myélogramme : leucémie,
      • ponction ganglionnaire ou tumorale : certaines formes de LMNH ;
      • histologiques : abords biopsiques percutanés ou chirurgicaux a minima.

Les examens de caractérisation biologique de la tumeur sont de plus en plus souvent indispensables pour préciser le diagnostic et mieux définir le pronostic.

Ils nécessitent généralement une congélation tumorale, qu’il faut prévoir lors des prélèvements.

Bilan paraclinique à visée diagnostique et pronostique.

1 . 2 . 4  -  Annonce diagnostique


Principes généraux

L’annonce d’une maladie grave est un moment particulier de la relation médecin-malade. Elle conduit à un retentissement psychologique majeur chez l’enfant et sa famille.

L’annonce diagnostique est ainsi un temps essentiel pour créer une alliance thérapeutique entre l’enfant, ses parents, et les équipes médicales impliquées dans la démarche diagnostique et la prise en charge thérapeutique (service de pédiatrie, centre de référence en cancérologie pédiatrique, service de chirurgie infantile spécialisée), alliance toujours indispensable à la réalisation de soins de qualité.

Délivrée parfois par le médecin traitant qui a évoqué le diagnostic, cette annonce doit être relayée par les centres de référence en cancérologie pédiatrique selon un « dispositif » prévu dans le cadre du plan cancer.

L’annonce du diagnostic de cancer demande du temps, de la disponibilité et de l’expérience.

La loi du 04/03/2002 relative aux droits des patients précise l’importance de l’information médicale. Cette information doit être claire et complète, sans violence ni trahison, dans le cadre d’un processus dynamique, répété et pluriprofessionnel. Elle est ainsi délivrée de manière progressive au cours d’entretiens répétés et rapprochés, réalisés avec empathie et dans un lieu permettant confidentialité et intimité.

Elle est réalisée dans le respect de la personnalité de l’enfant et sa famille, de leurs attentes et besoins, en tenant compte du contexte culturel et psychologique. Elle doit être adaptée à l’âge et au niveau de compréhension de l’enfant.

Dispositif d’annonce

Le dispositif d’annonce hospitalier est ainsi construit autour de quatre temps.

Chacun de ces temps peut nécessiter plusieurs entretiens successifs.

  • ➀ Temps médical :
    • annonce du diagnostic puis des propositions et décisions débattues en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) ;
    • présentation des risques à court, moyen et long terme des différentes options thérapeutiques et justification de l’option choisie ;
    • proposition d’inclusion le cas échéant dans un essai thérapeutique ou une étude interventionnelle ou non interventionnelle, selon les critères d’éligibilité ;
    • finalisation du projet sous forme d’un programme personnalisé de soins (PPS).

La circulaire DHOS n° 161 du 29 mars 2004 relative à l’organisation des soins en cancérologie pédiatrique précise en outre que le recours à un 2e avis médical doit être systématiquement proposé aux parents, sans pour autant retarder la mise en œuvre rapide d’un traitement si nécessaire.

Il est nécessaire de valider au fur et à mesure la compréhension de l’information délivrée. La remise de documents écrits sur la maladie et ses traitements est un support souvent utile à une information de qualité mais ne dispense en aucune façon des entretiens successifs.

L’aide des associations de parents est souvent également utile, soit par des contacts directs, soit par le recours à des documents d’information sur ces associations.

  • ➁ Temps d’accompagnement soignant :
    • précision des modalités thérapeutiques, visite du service,
    • identification en équipe pluriprofessionnelle des besoins d’accompagnement social et psychologique.
  • ➂ Temps d’accès aux soins de support (psychologue, assistante sociale, kinésithérapeute…).
  • ➃ Temps d’articulation avec la médecine de ville (information du médecin traitant).

Annonce diagnostique avec information claire et complète. Alliance thérapeutique.

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