3  -  Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’enfant

3 . 1  -  Conduite à tenir en cas de crise d’asthme

3 . 1 . 1  -  Évaluation de la crise d’asthme


Caractériser l’épisode aigu


Toujours préciser à l’anamnèse :

  • les antécédents familiaux et personnels notamment atopiques ;
  • la date du dernier épisode aigu, le traitement de fond éventuel ;
  • le début des symptômes et leurs modalités évolutives ;
  • la survenue d’un facteur déclenchant connu ou supposé ;
  • la conduite thérapeutique débutée au domicile.

La crise d’asthme est définie par un accès paroxystique de durée brève. Les symptômes cèdent rapidement, spontanément ou après inhalation de bronchodilatateurs de courte durée d’action (BDCA).

L’exacerbation asthmatique est définie par la persistance des symptômes respiratoires au-delà de 24 heures, quel que soit le mode de début, progressif ou brutal.

L’asthme aigu grave (AAG) est une crise ne répondant pas au traitement, ou dont l’intensité est inhabituelle dans son évolution ou sa symptomatologie. Elle peut évoluer vers l’insuffisance respiratoire aiguë, menaçant alors le pronostic vital. Des facteurs de risque d’AAG ont été retenus et doivent être systématiquement recherchés (tableau 32.2).

Préciser : les facteurs de risque d’AAG, le traitement actuel de l’enfant.

Tableau 32.2 Facteurs de risque d’asthme aigu grave (d’après le GRAPP)
Terrain
                      
– Jeune enfant (< 4 ans) et adolescent
                       
– Syndrome d’allergie multiple, allergie alimentaire, allergie médicamenteuse (aspirine)
                       
– Mauvaise perception de l’obstruction
                       
– Déni de l’asthme, mauvaise observance, troubles sociopathologiques
Histoire de la maladie
                       
– Antécédent d’hospitalisation en réanimation
                       
– Asthme instable, consommation anormalement élevée de BDCA, augmentation des crises
                      
– Moindre sensibilité aux thérapeutiques usuelles
                       
– Facteurs déclenchants spécifiques : aliment, anesthésie, stress

Apprécier la gravité des signes cliniques

En fonction de certains paramètres (tableau 32.3), une crise d’asthme peut être qualifiée de légère, modérée ou sévère. La présence d’un seul signe suffit au diagnostic de crise sévère.

Tableau 32.3 Évaluation de la gravité d’une crise d’asthme (d’après le GRAPP)
LégèreModéréeSévère
Sibilants

± Toux
Sibilants

± Toux
Sibilants rares

MV diminué ou absent
FR normale

Ni DR ni cyanose
FR augmentée

Mise en jeu des muscles respiratoires accessoires
FR > 30/min si âge > 5 ans

FR > 40/min si âge de 2 à 5 ans

DR franche + cyanose
Activité normale

Parole normale
Marche difficile

Chuchote 3 à 5 mots
Activité impossible

Troubles de l’élocution
sat(O2) ≥ 95 %

PA normale
90 % < sat(O2) < 95 %

PA normale
sat(O2) ≤ 90 %

Chute des PAS et PAD
DEP ≥ 75 %

Réponse aux β2
50 % < DEP < 75 %

Réponse aux β2
DEP ≤ 50 %

Faible réponse aux β2
MV : murmure vésiculaire ; DR : détresse respiratoire ; β2 : bêta2-mimétiques.

La mesure du débit expiratoire de pointe (DEP ou Peak-Flow) est utile à partir de 6 ans.

Elle permet une évaluation du degré d’obstruction bronchique. Cette mesure est toutefois peu sensible car le DEP est surtout représentatif du degré obstructif des grosses voies aériennes, alors que l’atteinte distale prédomine plutôt chez l’enfant.

Savoir quand prescrire des examens complémentaires


Leur prescription n’est pas systématique lors d’une crise d’asthme.

Une radiographie du thorax de face est indiquée en cas : de premier épisode, de fièvre, d’anomalies auscultatoires (crépitants localisés, asymétrie auscultatoire) ou de crise sévère justifiant une hospitalisation.

Elle peut montrer : une distension thoracique, une complication (atélectasie, pneumopathie, pneumothorax, pneunomédiastin).

Des examens biologiques ne sont pratiqués que s’ils ont un intérêt pour la prise en charge : NFS-CRP en cas de sepsis, ionogramme sanguin à la recherche de troubles d’hydratation et d’hypokaliémie (administration importante de bêta2-mimétiques), recherche d’une hypercapnie par gazométrie en cas d’indication de transfert en réanimation.

Crise sévère en cas de : silence auscultatoire, troubles d’élocution, sat(O2) ≤ 90 %.

Orienter le patient

La présence de signes de crise sévère nécessite une évaluation médicale, au mieux hospitalière, avec surveillance de plusieurs heures pour juger de l’évolution.

Une hospitalisation est toujours nécessaire lorsqu’une amélioration franche n’est pas observée.

Les critères d’hospitalisation doivent également tenir compte du terrain de l’enfant et de ses antécédents (notamment des facteurs de risque d’AAG), ainsi que des critères non spécifiques de recours aux soins et d’environnement social.

Avis médical en cas de crise ne cédant pas après application du plan d’action.

3 . 1 . 2  -  Moyens thérapeutiques et indications


Généralités

La prise en charge d’une crise d’asthme constitue une urgence thérapeutique.

La mise en condition d’une crise modérée à sévère évaluée en milieu hospitalier impose : une libération des voies aériennes, la mise en position 1/2 assise, un monitoring cardiorespiratoire, une oxygénothérapie adaptée à la saturation en oxygène.

Des signes de gravité extrêmes doit faire poser un abord veineux et prévenir le réanimateur.

Urgence thérapeutique. Oxygénothérapie adaptée à la saturation en O2.

Bêta2-mimétiques de courte durée d’action (BDCA)

C’est le traitement de 1re intention quel que soit le niveau de gravité.

La voie inhalée est la voie d’administration préférentielle.

  • Principales molécules utilisées :
    • salbutamol (Ventoline®) ;
    • sulfate de terbutaline (Bricanyl®).
  • Modes d’administration possibles :
    • aérosols-doseurs avec chambre d’inhalation : 1 bouffée (100 μg) pour 2 kg de poids (10 bouffées maximum) équivalent salbutamol ;
    • nébulisations avec 6–8 L d’oxygène (avantage de ne nécessiter aucune coopération de l’enfant) : 150 μg/kg/nébulisation d’équivalent salbutamol, soit 1 dosette 1,25 mg (0–10 kg), 2,5 mg (10–16 kg), 5 mg (> 16 kg) équivalent salbutamol.

L’administration est répétée toutes les 20 minutes pendant 1 heure.

La situation clinique doit ensuite être réévaluée, avant de réitérer éventuellement ce même schéma thérapeutique en fonction de l’amélioration ou non des symptômes respiratoires.

Anticholinergiques de synthèse

Ils n’ont pas d’indication dans les crises légères ou modérées.

Le bromure d’ipratropium (Atrovent®) est un bronchodilatateur ayant un intérêt additionnel aux BDCA en cas de crise sévère, dans la 1re heure de traitement, avec comme schéma thérapeutique : 3 nébulisations de 0,25 mg pour les enfants d’âge < 6 ans, 0,50 mg pour les enfants d’âge ≥ 6 ans.

Traitement de crise = bêta2-mimétiques de courte durée d’action.

Évaluation indispensable de la réponse thérapeutique après inhalations.

Corticothérapie orale

Elle est toujours indiquée en cas de crise d’asthme sévère, et souvent en cas de crise modérée.

La voie préférentielle est la voie orale. La voie parentérale doit être réservée aux enfants incapables d’ingérer ce traitement (vomissements, troubles de la conscience).

La corticothérapie inhalée n’est en aucun cas un traitement de la crise d’asthme.

Principales molécules utilisées :

  • la bétaméthasone (Célestène®) ;
  • la prednisone (Cortancyl®) ;
  • la prednisolone (Solupred®).

La posologie habituelle est de 1 à 2 mg/kg/j d’équivalent prednisone (sans dépasser 60 mg) en 1 prise, pour une durée de 3 à 5 jours (sans décroissance progressive).

Corticothérapie orale de courte durée en cas de crise d’asthme modérée à sévère.

Autres ressources thérapeutiques

Certains traitements sont réservés aux crises sévères, avec indication de passage en unité de soins intensifs : salbutamol intraveineux, sulfate de magnésium intraveineux.

La kinésithérapie respiratoire n’est pas indiquée dans la crise d’asthme.

Les agents mucolytiques ne sont pas recommandés, et même contre-indiqués chez le nourrisson. Les sédatifs sont contre-indiqués.

L’antibiothérapie est rarement indiquée, même si la crise d’asthme est sévère ou fébrile. En effet, les virus représentent le facteur déclenchant principal chez l’enfant de la crise d’asthme.

Pas d’antibiothérapie systématique en cas de crise d’asthme fébrile.

3 . 1 . 3  -  Conduite pratique


L’algorithme proposé (fig. 32.1) synthétise la conduite à tenir en pratique en cas de crise d’asthme, selon les recommandations actuelles.

Figure 1 : Conduite à tenir en cas de crise d’asthme (d’après le GRAPP)
AAG : asthme aigu grave ; FDR : facteurs de risque ; DR : détresse respiratoire ; CTC : corticothérapie ; ATCD : antécédents

Critères de retour au domicile après un traitement initial :

  • FR ≤ 30/min (si âge ≥ 2 ans), absence de signes de lutte respiratoire ;
  • DEP ≥ 70 % (de la théorique de l’enfant), enfant exprimant qu’il se sent bien (si en âge de parler) ;
  • compréhension du traitement de sortie, proximité d’un hôpital en cas de récidive de la gêne respiratoire.

L’ordonnance de sortie pour une crise d’asthme non hospitalisée (fig. 32.2) comprend la poursuite des inhalations de BDCA pendant 5 à 7 jours (jusqu’à disparition des symptômes) et des corticoïdes oraux (si prescrits).

Figure 2: Exemple d’ordonnance de sortie pour une crise d’asthme non hospitalisée

Un traitement de fond est souvent initié au décours d’une crise d’asthme hospitalisée, et poursuivi pour une durée d’au moins 3 mois.

Une consultation avec le médecin traitant est nécessaire dans les 48 heures pour une réévaluation clinique et éventuelle indication à un traitement de fond.

La décision de retour à domicile doit s’accompagner d’explications à propos des techniques d’inhalation, de conseils de prévention de futures crises (éviction des facteurs déclenchants), et de la conduite à tenir en cas de réapparition des symptômes (plan d’action).

BDCA ± corticoïdes per os, consignes de surveillance et plan d’action expliqués.

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