8  -  Toxoplasmose congénitale 

8 . 1  -  Définition et risque


Elle résulte de la contamination du fœtus au cours de la grossesse. La circonstance la plus habituelle est la survenue d’une primo-infection chez la femme enceinte, mais la transmission peut également se produire lors d’une récurrence parasitémique chez une femme enceinte immunodéprimée (toxoplasmose de réactivation). En France, on estime entre 2500 et 4000 le nombre de séroconversions durant la grossesse chaque année. Environ 300 toxoplasmoses congénitales sont notifiées chaque année au Centre National de Référence (3 à 4 cas pour 10.000 grossesses). Le risque de transmission verticale est globalement de l’ordre de 30%, sans traitement ; il augmente avec le terme, à l’inverse de la gravité de l’atteinte fœtale qui diminue (figure 6). Il faut également savoir qu’il existe un risque de transmission en cas de contamination périconceptionnelle (même antérieure à la conception) car la parasitémie initiale peut persister plusieurs semaines.

En cas de séroconversion en cours de grossesse, si la mère n’est pas traitée, le risque de transmission verticale est grossièrement de
15% au premier trimestre, 30% au second et 60% au troisième trimestre. Si la mère est correctement prise en charge et traitée (Chapitre 22) le risque est de l’ordre de 1% dans la période périconceptionnelle, inférieur à 4% avant la dix-septième semaine d’aménorrhée et de 20 à 100% entre la 17ième semaine et le terme selon l’âge de la grossesse. Les formes graves de toxoplasmose congénitales sont observées principalement pour des séroconversion du début de la grossesse ; plus le terme est avancé lors de la contamination de la mère, plus le risque de forme grave diminue au profit des formes bénignes ou latentes (Chapitre 9).

Figure 6 : Risque de transmission et gravité de la toxoplasmose

8 . 2  -  Prévention : dispositions légales et recommandations


La France a mis en place depuis 1978 un programme de prévention de certaines maladies congénitales. Pour la toxoplasmose, le programme repose sur le dépistage sérologique des femmes enceintes qui est obligatoire lors de la déclaration de la grossesse, au cours du premier trimestre. L’obligation du dépistage prénutial a été supprimée au 01/01/2008.

Si le dépistage est négatif, le suivi sérologique mensuel est obligatoire jusqu’à l’accouchement. Les sérums doivent être conservés congelés 12 mois. La femme doit être informée des mesures prophylactiques (circulaire du 27/09/1983-Chapitre 18). Afin de ne pas méconnaître une contamination de l’extrême fin de la grossesse, le dernier contrôle sérologique doit être fait 2 à 3 semaines après la délivrance (problème du délai d’apparition des anticorps) ; ce dernier point, sur lequel parasitologues et obstétriciens sont d’accord, ne figure pas encore dans la législation.

8 . 3  -  Prévention : mesures prophylactiques (circulaire de 1983)


Ces mesures se déduisent aisément du cycle du parasite. La liste mise à jour des recommandations est la suivante :

  • Bien cuire la viande (bœuf, mouton, porc, cheval, gibier…) c’est à dire une cuisson d’au moins 65°C dans toute l’épaisseur de la viande. Éviter la consommation de viande marinée, fumée ou grillée (comme cela peut être le cas pour la viande de gibier). La congélation de la viande à une température de -12°C au minimum pendant 3 jours ou surgélation à -18°C tuent les kystes, mais la durée doit tenir compte de l’épaisseur de la pièce de viande (la viande surgelée étant sans risque).
  • Lors de la préparation des repas : laver soigneusement les légumes et les plantes aromatiques surtout s’ils sont terreux et consommés crus. Laver soigneusement les ustensiles de cuisine, ainsi que le plan de travail. Se laver les mains après contact avec des légumes, des fruits ou de la viande crue et avant de passer à table. Une bonne hygiène des mains et des ustensiles de cuisine est importante pour éviter la transmission de la toxoplasmose pendant la grossesse.
  • Lors des repas pris en dehors du domicile (au restaurant ou chez des amis): éviter la consommation de crudités et préférer les légumes cuits. La viande doit être consommée bien cuite.
  • Éviter les contacts directs avec les objets qui pourraient être contaminés par les excréments de chat (comme les bacs de litières, la terre) et porter chaque fois des gants en cas de manipulation de ces objets. Désinfecter les bacs des litières de chat avec de l’eau bouillante.
  • Éviter le contact direct avec la terre et porter des gants pour jardiner. Se laver les mains après des activités de jardinage même si elles sont protégées par des gants.

8 . 4  -  Clinique


La toxoplasmose congénitale peut être responsable d’avortement. Si la grossesse est menée à son terme, on décrit traditionnellement trois présentations cliniques :

  • La toxoplasmose congénitale grave est une encéphalo-méningo-myélite (figure 7) qui s’observe dès la naissance et correspond à une contamination en début de grossesse. On décrit classiquement deux formes cliniques, la première associant une macrocéphalie avec hydrocéphalie, des calcifications intra-crâniennes et une atteinte oculaire sous forme d’une choriorétinite pigmentaire, la seconde se présentant sous forme d’un tableau d’infection néo-natale grave (fièvre, ictère, hépato-splénomégalie), au pronostic péjoratif. Ces formes graves sont actuellement rarement observées en France compte tenu des modalités modernes de prise en charge de la séroconversion chez les femmes enceintes.
Figure 7 : Toxoplasmose congénitale : - Macrocéphalie avec Hydrocéphalie - Calcifications intra-crâniennes
  • La toxoplasmose congénitale bénigne (dégradée ou retardée), secondaire à une contamination plus tardive au cours de la grossesse, est diagnostiquée dès la naissance ou au cours de la petite enfance. Les éléments du diagnostic clinique sont un retard psychomoteur, l’installation progressive d’une hydrocéphalie, la survenue de convulsions et d’une choriorétinite pigmentaire.
  • La toxoplasmose congénitale latente concerne des nouveaux-nés cliniquement normaux à la naissance chez qui le diagnostic est uniquement biologique. Cette forme représente environ 80% des toxoplasmoses congénitales en France. Le traitement précoce de ces cas évite leur possible évolution secondaire vers une forme oculaire ou neurologique retardée.

8 . 5  -  Diagnostic anténatal


Il n’est pas justifié de proposer systématiquement l’interruption de la grossesse à une femme enceinte faisant une séroconversion toxoplasmique dans la mesure où la majorité des enfants issus de ces grossesses seront indemnes (globalement 70%). La prise en charge correcte de ces cas nécessite de faire le diagnostic de l’infection fœtale. Le diagnostic anténatal repose sur la surveillance échographique et l’amniocentèse. L’échographie ne permettant que la visualisation d’anomalies déjà constituées c’est l’amniocentèse avec inoculation du liquide amniotique à la souris et PCR qui permet de confirmer l’atteinte fœtale. De façon empirique on recommande un délai d’un mois entre la contamination maternelle et la date de la ponction (délai placentaire nécessaire au passage du parasite de la mère vers l’enfant) qui ne sera faite au plus tôt qu’à partir de la dix-huitième semaine d’aménorrhée. La positivité de la PCR et/ou de l’inoculation à la souris permet d’affirmer le diagnostic de toxoplasmose congénitale. Par contre un résultat négatif n’exclut pas l’atteinte fœtale, les données bibliographiques faisant état d’environ 35% de faux négatifs, essentiellement en cas de séroconversion survenue au 1er ou au 3ième trimestre de la grossesse.

8 . 6  -  Diagnostic néonatal


Les moyens biologiques du diagnostic néo-natal doivent être mis en route pour tous les nouveaux-nés dont les mères ont une histoire sérologique suspecte en cours de grossesse, avec un diagnostic anténatal négatif ou non pratiqué. Ces moyens associent la recherche du parasite et la sérologie. Ils sont associés également à un bilan clinique comportant la realisation d’un fond d’oeil et d’une échographie transfontanellaire.
           
La recherche du parasite est toujours pratiquée de façon indirecte, par inoculation à la souris ou PCR. Les produits biologiques étudiés sont le placenta, le sang de cordon. La sérologie de l’enfant à la naissance (sang du cordon) n’est pas vraiment contributive car la détection d’IgM ou d’IgA peut être due à une effraction de sang maternel vers l’enfant lors de l’accouchement. A ce stade c’est le profil immunologique comparé mère/enfant (par western-blot (figure 8) ou la technique ELIFA (figure 9)) qui permettra d’évoquer le diagnostic par la présence de systèmes précipitants propres à l’enfant. Au-delà de quelques jours de vie, la présence d’IgM ou d’IgA spécifiques permettra d’affirmer la toxoplasmose congénitale. A l’inverse, l’absence de ces isotypes ne permet en aucun cas de récuser la toxoplasmose congénitale.

Si le diagnostic n’est pas porté à la naissance, l’organisation du suivi sérologique est la suivante: J10, M1, M2, M3. Cette procédure permet de diagnostiquer 94% des toxoplasmoses congénitales au cours des 3 premiers mois. Toutefois, dans 6% des cas, le diagnostic de toxoplasmose congénitale sera porté sur la persistance des IgG au-delà du troisième mois de vie, à M4, M6, M9 et M12.

Pour affirmer l’absence de toxoplasmose congénitale, la surveillance doit être poursuivie jusqu’à disparition complète des anticorps transmis par la mère (moins d’une année) (figure 10).

Figure 8 : Toxoplasmose congénitale : Diagnostic néonatal
Figure 9 : PIC ELIFA IgG Mère-Enfant - Enfant atteint
Figure 10 : Séroconversion toxoplasmique

8 . 7  -  Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la grossesse à risque


En cas de séroconversion en cours de grossesse, il faut prescrire à la femme un traitement par spiramycine 9 millions d’unités/j, instaurer une surveillance échographique et programmer l’amniocentèse. Le traitement vise à réduire le risque global de transmission verticale ; il réduirait également le risque de toxoplasmose congénitale (TC) grave. Si le diagnostic anténatal est positif la femme sera traitée par une association pyriméthamine-sulfadiazine aux mêmes posologies que l’immunodéprimé, en continu, jusqu’à l’accouchement. Pour réduire le nombre de prises médicamenteuses on peut prescrire l’association pyriméthamine-sulfadoxine (Fansidar®) à la posologie de 1 cp/20kg tous les 10 jours. Dans tous les cas il ne faut pas omettre d’associer l’acide folinique. L’interruption thérapeutique de la grossesse n’est justifiée qu’en cas d’anomalie échographique.       
           
Si le diagnostic anténatal est négatif, le traitement par spiramycine sera poursuivi jusqu’à l’accouchement (voir figure 10).          

8 . 8  -  Prise en charge diagnostique et thérapeutique à la naissance


Si le diagnostic de toxoplasmose congénitale a été établi par le diagnostic anténatal l’enfant doit être traité en continu par pyriméthamine-sulfamides pendant au moins 1 an. Le suivi clinique (développement psychomoteur et examen du fond d’œil) sera poursuivi jusqu’à l’âge adulte. Si le diagnostic anténatal n’a pas été pratiqué ou était négatif il faut mettre en route les modalités du diagnostic néonatal (Chapitre 21). Dans l’attente du résultat de ce diagnostic l’enfant ne recevra aucun traitement antitoxoplasmique et en particulier la traditionnelle prescription de spiramycine doit être proscrite. L’établissement du diagnostic de toxoplasmose congénitale quels qu’en soit la date et les moyens au cours des premiers mois de la vie implique un traitement d’un an par pyriméthamine et sulfamides avec les mêmes modalités de suivi que celle décrites plus haut.

8/9