2  -  Séméiologie de l’hypothyroïdie

2 . 1  -  Symptômes de base

La séméiologie est fonction de la profondeur, de l’ancienneté et de l’origine de l’hypothyroïdie.

Les symptômes sont absents ou modestes en hypothyroïdie fruste. Les symptômes liés à l’infiltration myxœdémateuse sont absents en cas d’insuffisance thyréotrope mais les symptômes d’hypométabolisme sont présents et sont souvent associés aux signes d’autres déficits hypophysaires associés (l’insuffisance thyréotrope est rarement isolée) :

  • syndrome d’hypométabolisme : asthénie physique et psycho-intellectuelle, somnolence, hypothermie, frilosité acquise, constipation acquise (symptômes acquis à différencier de symptômes anciens), bradycardie, prise de poids modeste contrastant parfois avec une perte d’appétit ;
  • atteinte cutanée et des phanères (photos 47 A , 47b et 48 ) : peau pâle ou jaunâtre (carotinodermie par baisse de transformation du carotène en vitamine A), peau sèche, diminution de la transpiration, dépilation (axillaire, pubienne, queue des sourcils), cheveux secs et cassants, parfois cyanose des lèvres ;
  • myxœdème cutanéomuqueux :
    • infiltration de la face dorsale des mains et pieds, des paupières (le matin au réveil surtout) et de l’ensemble du visage, pouvant donner un aspect de faciès lunaire,
    • infiltration laryngée avec voix rauque, de la trompe d’Eustache avec hypoacousie, de la langue avec macroglossie et ronflements,
    • syndrome du canal carpien ;
  • atteinte neuromusculaire :
    • enraidissement, crampes et myalgies,
    • plus rarement : tendinites, arthralgies, neuropathies périphériques, syndrome cérébelleux ;
  • retentissement endocrinien :
    • galactorrhée rarement (hyperprolactinémie possible mais en fait très rare en cas d’hypothyroïdie primaire profonde, avec TSH > 50),
    • troubles des règles divers (oligoménorrhée, ménorragies, anovulation),
    • troubles de la libido.
Figure 1 : Hypothyroïdie profonde
Figure 2 : Patient hypothyroïdien

2 . 2  -  Formes cliniques

Grâce au recours fréquent au dosage de la TSH, et donc au diagnostic plus précoce des hypothyroïdies, les formes compliquées sont moins fréquentes.

1. Formes cardiovasculaires

Il peut s’agir :

  • d’une atteinte fonctionnelle :
    • modification de l’activité et du métabolisme du muscle cardiaque : bradycardie sinusale, diminution de la force contractile (baisse de l’action chronotrope et inotrope positive),
    • insuffisance cardiaque et troubles du rythme ventriculaire (rarement) ;
  • d’une atteinte infiltrative : épanchement péricardique (bruits du cœur assourdis, cardiomégalie sur la radio de thorax, microvoltage et troubles diffus de la repolarisation à l’ECG). L’échographie cardiaque permet de confirmer le diagnostic. Peut s’accompagner d’un épanchement pleural ou péritonéal ;
  • d’une coronaropathie : l’hypothyroïdie favorise le développement d’athérome coronarien, en particulier par l’hypercholestérolémie induite (LDL élevé). Les signes d’insuffisance coronarienne peuvent se démasquer à l’institution du traitement substitutif.


2. Formes neuromusculaires et neuropsychiques

Peuvent être observés :

  • un état dépressif, un syndrome confusionnel, plus fréquents chez le sujet âgé ;
  • une myopathie proximale (CPK élevées) ;
  • des apnées du sommeil.


3. Coma myxœdémateux

Rare à présent, il survient en cas d’hypothyroïdie primaire profonde (TSH > 50) et ancienne, volontiers l’hiver après une agression (infection, chirurgie, traitement sédatif ou antidépresseur). Il s’agit d’un coma calme avec bradycardie, bradypnée, hypothermie, hypotension, réflexes lents et décomposés, sans signes de focalisation, sans étiologie évidente au bilan. Des épisodes convulsifs sont décrits. L’EEG est non spécifique. La PL peut parfois montrer une hyperprotéinorachie. L’hyponatrémie est constante. Le pronostic est sévère.

Il doit être différencié du syndrome de basse T3 (qui évolue selon la gravité vers une basse T4 et une basse TSH) chez les patients ayant une pathologie grave évolutive.

2 . 3  -  Cas particulier : hypothyroïdie durant la grossesse

1. Complications maternelles

Ce sont : HTA, prééclampsie, fausse couche, hémorragie du post-partum.

2. Complications fœtales

Si l’hypothyroïdie est présente au 1er trimestre (thyroïde fœtale non fonctionnelle, le fœtus dépend donc des hormones maternelles), il existe un risque de troubles du développement neuro-intellectuel (même pour une hypothyroïdie maternelle fruste) ; une hypotrophie est également possible.

3. Particularités biologiques

Le diagnostic est parfois compliqué par la baisse physiologique de la fT4 tout au long de la grossesse, qui peut faire conclure à tort à une insuffisance thyréotrope. Il faut se fier à la TSH, la situation la plus fréquente étant une hypothyroïdie primaire.

2 . 4  -  Anomalies biologiques

1. Anomalies hématologiques

Des anémies de tout type peuvent être observées, souvent macrocytaires. L’hypothyroïdie peut alors révéler une anémie de Biermer associée dans le cadre d’une polyendocrinopathie auto-immune : l’anémie de Biermer doit être suspectée si la macrocytose ne régresse pas avec le traitement de l'hypothyroïdie.

Des troubles de la coagulation par défaut d’adhésivité plaquettaire ainsi que des anomalies des facteurs de l’hémostase peuvent également être retrouvés.

2. Anomalies ioniques et métaboliques

Ces anomalies sont les suivantes :

  • hypercholestérolémie (LDL) quasi constante en hypothyroïdie patente, plus rarement hypertriglycéridémie (VLDL) par diminution de la dégradation des lipoprotéines ;
  • augmentation des CPK par infiltration des fibres musculaires, avec parfois augmentation des ASAT, de la LDH ;
  • hyponatrémie de dilution (opsiurie, augmentation de l’ADH).
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