3  -  Aspects cliniques

3 . 1  -  Dysfonction sinusale

3 . 1 . 1  -  Présentation clinique

Elle peut :

  • être totalement asymptomatique ;
  • s’accompagner de lipothymies ou de syncopes ou de symptômes plus trompeurs comme des faux vertiges, une dyspnée d’effort, une asthénie chronique ou une angine de poitrine ;
  • être parfois révélée par des palpitations ou par une embolie artérielle si associée à une fibrillation atriale ;
  • aggraver parfois une insuffisance cardiaque ;
  • être parfois révélée chez l’octogénaire par une détérioration des fonctions cognitives.

3 . 1 . 2  -  Étiologies

  • Causes extrinsèques liées à :
    • une prise médicamenteuse (β-bloqueur, calcium bloqueur bradycardisant, amiodarone ou autre anti-arythmique, ivabradine, digitalique, clonidine) ;
    • une hypertonie vagale (athlète) ou un réflexe vagal (malaise vasovagal) ;
    • parfois, une prise médicamenteuse de médicament non cardiotrope.
  • Causes cardiaques : atteinte dégénérative idiopathique liée à l’âge, maladie coronaire et myocardiopathies, hypertension artérielle, myocardites et péricardites, tumeurs cardiaques ou malformations complexes.
  • Maladies systémiques ou cardiopathies de surcharge.
  • Maladies neuromusculaires.
  • Causes post-chirurgicales : chirurgie valvulaire, transplantation.
  • Hypertension intracrânienne, syndromes méningés.
  • Hypothermie.
  • Certaines septicémies.
  • Ictères rétentionnels sévères.
  • Hypoxie, hypercapnie ou acidose sévères.
  • Hypothyroïdie.

3 . 1 . 3  -  Diagnostic

Les éléments diagnostiques sont :

  • constatation d’une bradycardie en situation d’éveil (< 60 bpm chez l’adulte) ou d’une absence d’accélération de la fréquence cardiaque à l’effort (on parle d’incompétence chronotrope) ;
  • mise en évidence de pauses sans onde P visible, considérées comme pathologiques au-delà de 3 secondes ;
  • mise en évidence d’un bloc sino-atrial (BSA) du deuxième degré ;
  • bradycardie avec rythme d’échappement atrial ou jonctionnel ;
  • syndrome bradycardie – tachycardie.


Le diagnostic est toujours ECG soit sur un enregistrement classique, soit au cours d’un monitorage ou d’un enregistrement selon la méthode de Holter.
La méthode de référence est l’enregistrement selon la méthode de Holter.

3 . 1 . 4  -  Formes cliniques usuelles

3 . 1 . 4 . 1  -  Tableau de DS dégénérative liée à l’âge

Souvent, il s’agit d’un sujet de sexe féminin qui reçoit de multiples médicaments. Il faut identifier la prise d’éventuels bradycardisants (β-bloqueurs surtout, attention aux collyres) et se méfier chez le sujet âgé de signes trompeurs (chutes à répétition, déclin cognitif…). La DS s’accompagne souvent dans ce cas de FA (maladie de l’oreillette) et/ou de troubles conductifs touchant le NAV, car la fibrose du NS s’étend au NAV avec l’âge. Il faut souvent traiter.

3 . 1 . 4 . 2  -  Tableau de DS par hypervagotonie

Souvent, c’est un sportif ou un jeune athlète (sport d’endurance surtout, marathon, vélo…) asymptomatique. La découverte d’une bradycardie est fortuite ou à l’occasion d’une réaction vasovagale. L’ECG met en évidence une bradycardie sinusale < 50 bpm en éveil ou jusqu’à 30 bpm dans le sommeil ou une bradycardie sur rythme d’échappement (cf. infra), les pauses jusqu’à 2,8 ou 3 secondes sont communes. Un test à l’atropine ou un test d’effort normalisent la situation. Il ne faut pas traiter.

3 . 2  -  Blocs atrioventriculaires

3 . 2 . 1  -  Présentation clinique

Un BAV peut :

  • être totalement asymptomatique, c’est le cas bien sûr du BAV du premier degré et de la plupart des blocs du deuxième degré ;
  • s’accompagner de lipothymies ou de syncopes de type Adams-Stokes ou de symptômes plus trompeurs comme des faux vertiges, une dyspnée d’effort, une asthénie chronique ou une angine de poitrine ;
  • aggraver parfois une insuffisance cardiaque ;
  • être parfois révélé chez l’octogénaire par une détérioration des fonctions cognitives ;
  • être révélé ou s’accompagner de fibrillation ventriculaire consécutive à une torsade de pointes (allongement de l’intervalle QT).

3 . 2 . 2  -  Étiologies

  • Causes dégénératives : il s’agit de fibrose avec ou sans calcifications du squelette fibreux du cœur ou maladies de Lev et de Lenègre.
  • Rétrécissement aortique dégénératif (RAO).
  • Causes ischémiques du SCA :
    • de siège nodal dans l’infarctus du myocarde inférieur de bon pronostic, car le plus souvent régressif ;
    • de siège hisien ou infra-hisien dans l’infarctus antérieur de très mauvais pronostic, car témoin d’infarctus très étendu avec insuffisance cardiaque ou choc cardiogénique.
  • Causes infectieuses :
    • endocardite bactérienne de la valve aortique ;
    • myocardite de la maladie de Lyme ;
    • rhumatisme articulaire aigu, pathologie disparue en France ;
    • myocardites virales.
  • Causes extrinsèques liées à :
    • une prise médicamenteuse (β-bloqueur, calcium bloqueur bradycardisant, amiodarone ou autre anti-arythmique, digitalique) ;
    • une hypertonie vagale (athlète) ou un réflexe vagal (malaise vasovagal).
  • Maladies systémiques ou cardiopathies de surcharge.
  • Maladies neuromusculaires.
  • Causes post-chirurgicales : chirurgie valvulaire surtout.
  • Post-cathétérisme par traumatisme mécanique des voies de conduction ou comme complication d’une ablation par radiofréquence.
  • Post-radiothérapie.
  • Cause néoplasique.
  • Hyperkaliémie (+++).
  • Cause congénitale.

3 . 2 . 3  -  Diagnostic

Il faut préciser le type de bloc 1er, 2e ou 3e degré (cf. infra), son caractère paroxystique ou permanent, son caractère congénital ou acquis et surtout rapidement le siège du bloc.
Les blocs nodaux sont souvent responsables de BAV du premier degré ou de BAV du deuxième degré type Möbitz I, ou de BAV complet à échappement à QRS fins à 35–50 bpm.
Les blocs dans le faisceau de His ou infra-hisiens surviennent au préalable sur des blocs de branche ou des BAV du deuxième degré de type Möbitz II. Lorsqu’ils sont complets, il y a un risque de décès par asystolie et torsades de pointes, le rythme d’échappement est inconstant, instable et lent (< 30 bpm).
La morphologie du complexe ne permet pas toujours à elle seule d’évaluer le siège du bloc, mais une durée de QRS < 120 ms est très en faveur d’un bloc nodal (cf. infra).
Le contexte clinique est celui d’une bradycardie en situation d’éveil ou surtout évaluation d’une lipothymie ou d’une syncope.
Le diagnostic est toujours ECG soit sur un enregistrement classique, soit au cours d’un monitorage ou d’un enregistrement selon la méthode de Holter, soit au cours d’une étude électrophysiologique endocavitaire.
La méthode de référence est l’enregistrement selon la méthode de Holter pour les blocs nodaux et l’étude endocavitaire pour les blocs infra-hisiens ou hisiens.

3 . 2 . 4  -  Quelques formes cliniques typiques

3 . 2 . 4 . 1  -  Tableau de BAV complet sur infarctus inférieur

Observé dans 13 % des cas, il est souvent précédé de BAV du 1er degré puis du 2e degré à QRS fins, parfois asymptomatique, très exceptionnellement à QRS larges ou de type Möbitz II. Au stade de BAV III, l’échappement est à QRS larges (40 %) ou fins (60 %). Le bloc est parfois favorisé par les β-bloqueurs ou la reperfusion ; dans ce dernier cas, le BAV fait contre-indiquer les β-bloqueurs. Il est en règle régressif, vers le BAV du 2e puis 1er degré, et sensible à l’atropine. Il peut nécessiter une stimulation temporaire en raison du risque d’asystolie. S’il est non régressif à J15, il fait discuter exceptionnellement la pose de stimulateur (5 %). Il est le témoin d’une atteinte de l’artère du NAV, plutôt de bon pronostic en soi bien qu’associé à une surmortalité car consécutif à des dégâts myocardiques étendus, et à un âge plus avancé.

3 . 2 . 4 . 2  -  Tableau de BAV dégénératif du sujet âgé

Chez l’octogénaire, les symptômes peuvent être atypiques (activité réduite, bas débit cérébral). Il faut toujours évoquer une cause iatrogène possible (médicaments). La largeur du QRS donne souvent le siège du bloc. L’ECG de 24 h (Holter) est très utile et non traumatique.

3 . 2 . 4 . 3  -  Tableau de BAV congénital

Il représente 3 à 5 % des BAV et touche plutôt les filles (60 %). Dans plus d’un tiers des cas, la mère est atteinte de lupus érythémateux ou d’un syndrome de Goujerot-Sjögren, avec un anticorps anti-SSA chez la mère et antiribonucléoprotéine soluble chez l’enfant. C’est parfois un diagnostic de bradycardie fœtale ou néonatale. Le risque est l’évolution vers l’insuffisance cardiaque ou le décès par torsades de pointes, cependant l’enfant peut être asymptomatique. L’association à une cardiopathie congénitale ou une fréquence ventriculaire < 50 bpm sont aussi des signes de gravité.

3 . 3  -  Blocs de branche

3 . 3 . 1  -  Présentation clinique

Un bloc de branche est toujours asymptomatique s’il est isolé.
Un bloc de branche est de découverte soit :

  • fortuite, ECG pratiqué en pré-anesthésique ou pour une visite d’aptitude ;
  • au cours du suivi d’une maladie cardiovasculaire.


Accompagné de lipothymies ou de syncopes, il prend une valeur de gravité immédiate pour deux raisons : il signe la présence d’une cardiopathie (c’est surtout vrai pour le bloc de branche gauche) ou suggère un BAV paroxystique comme cause des symptômes.

3 . 3 . 2  -  Étiologies

Le bloc de branche droite isolé peut être bénin et considéré comme une variante de la normale, qu’il soit complet ou incomplet.
Le bloc de branche droite est quasi systématiquement observé dans la plupart des cardiopathies congénitales touchant le ventricule droit et surtout dans la pathologie pulmonaire (cœur pulmonaire aigu ou chronique, embolie pulmonaire…).
Le bloc de branche gauche n’est jamais considéré comme bénin mais soit dégénératif, soit associé à une cardiopathie (hypertension artérielle surtout), c’est donc un marqueur.
Les causes ischémiques du SCA concernent les blocs de branches droite ou gauche, témoin d’une atteinte infra-hisienne dans l’infarctus antérieur, de très mauvais pronostic car témoin d’infarctus très étendu avec insuffisance cardiaque ou choc cardiogénique.
Autres causes identiques à celles des BAV : les causes électrolytiques sont dominées par l’hyperkaliémie (+++), les médicaments qui bloquent le courant de sodium comme les anti-arythmiques de classe I (Flécaïne®, par exemple) ou les antidépresseurs tricycliques (autolyse).

3 . 3 . 3  -  Diagnostic

Il faut :

  • préciser le type de bloc :
    • incomplet pour une durée de QRS < 120 ms : dans ce cas, il a peu de valeur séméiologique ou clinique et nécessite une simple surveillance et un bilan étiologique,
    • complet si la durée de QRS dépasse 120 ms ;
  • préciser ensuite s’il est de branche droite ou de branche gauche ou bifasciculaire ou trifasciculaire (cf. infra) ;
  • rechercher une cardiopathie sous-jacente en cas de bloc de branche gauche ou une pathologie pulmonaire en cas de bloc de branche droite.


En cas de constatation d’une bradycardie ou surtout en évaluation d’une lipothymie ou d’une syncope, il peut conduire à la réalisation d’une étude électrophysiologique endocavitaire.

3 . 3 . 4  -  Quelques formes cliniques typiques

3 . 3 . 4 . 1  -  Tableau de bloc bifasciculaire du sujet âgé avec perte de connaissance

Le plus souvent association de bloc de branche droite et hémi-bloc antérieur gauche. Il peut y avoir un BAV du premier degré associé dont le siège est nodal ou infra-hisien. Il faut rechercher une cardiopathie sous-jacente qui peut avoir été responsable d’une tachycardie ventriculaire causant la syncope. Il faut souvent réaliser une étude endocavitaire pour mesurer la conduction infra-hisienne qui peut conduire, si elle est pathologique, à la mise en place d’un stimulateur cardiaque.

3 . 3 . 4 . 2  -  Bloc de branche gauche de l’infarctus antérieur

Un bloc de branche est observé dans 10 % des cas, à type de bloc uni-, bi- ou trifasciculaire, soit pré-existant soit acquis pendant l’infarctus. Si le bloc est consécutif à l’infarctus il évoque de gros dégâts septaux, avec risque de survenue brutale d’un BAV complet et asystolie ou trouble du rythme ventriculaire associé.

3 . 3 . 4 . 3  -  Tableau de bloc alternant

C’est une association de bloc de branche droit complet et de bloc de branche gauche complet ou d’une alternance d’hémi-bloc antérieur gauche et d’hémi-bloc postérieur gauche sur fond de bloc de branche droit complet. La présentation clinique peut être un bilan de syncope du sujet âgé ou un infarctus antérieur. C’est un bloc trifasciculaire et un équivalent de BAV complet paroxystique de siège infra-hisien. C’est une forme grave.

3/7