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Les bilharzioses, ou schistosomoses, sont des affections parasitaires dues à des trématodes, vers plats, à sexes séparés, hématophages, vivant au stade adulte dans le système circulatoire des mammifères et évoluant au stade larvaire chez un mollusque d’eau douce. On répertorie 200 millions de cas de schistosomoses dans le monde. Six espèces sont pathogènes pour l’Homme et sévissent à l’état endémique sur trois continents. La contamination s’effectue par la pénétration transcutanée du parasite lors de bains en eau douce stagnante, aux heures chaudes de la journée.
Le mâle est blanc et mesure de 10 mm à 15 mm de long sur 1 mm de large. Le corps est plat mais paraît cylindrique par suite de l’enroulement de ses bords qui délimitent ainsi un canal, le canal gynécophore, dans lequel est logée la femelle (figure 20.1). La femelle, cylindrique et filiforme, est plus longue que le mâle ; elle mesure de 15 mm à 30 mm de long.
Il existe dans les deux sexes deux ventouses : l’une, orale, qui s’ouvre dans l’œsophage, l’autre ventrale, organe de fixation (tableau 20.1).
Schistosomes | Localisation des parasites | Voie d’élimination des œufs | Nbre d’œufs pondus par jour | Forme des œufs | Prélèvements pour diagnostic direct | Répartition | Hôte intermédiaire |
S. haematobium | Plexus veineux urogénital et/ou rectal | Vessie | 20 à 200 | Ovalaire à éperon terminal 150 × 60 μm | Urines, biopsies vésicales et rectales | Afrique | Bulinus, Physopsis |
S. mansoni | Veine mésentérique inférieure | Côlon | 100 à 300 | Ovalaire à éperon latéral 140 × 60 μm | Selles, biopsies rectales | Afrique, Amérique, (Asie) | Biomphalaria |
S. japonicum | Veine mésentérique supérieure | Intestin grêle | 500 à 3 500 | Arrondi à éperon latéral peu visible 70 × 50 μm | Selles | Asie | Oncomelania |
S. mekongi | Veine mésentérique supérieure | Intestin grêle | Inconnu | Arrondi à éperon latéral peu visible 60 × 40 μm | Selles | Asie | Tricula |
S. intercalatum | Plexus veineux périrectal | Rectum | Inconnu | Ovalaire à éperon terminal 200 × 65 μm | Selles, biopsies rectales | Afrique | Bulinus |
S. guineensis | Plexus veineux périrectal | Rectum | Inconnu | Ovalaire à éperon terminal 200 × 65 μm | Selles, biopsies rectales | Afrique | Bulinus |
Il s’agit de l’agent de la bilharziose urogénitale. Les vers adultes manifestent un tropisme pour les plexus veineux périvésicaux et péri-rectaux. La femelle pond ses œufs à éperon terminal, en paquet, dans les parois vésicales et rectales. Les œufs sont éliminés à l’extérieur essentiellement par les urines et assurent la pérennité de l’espèce, mais beaucoup restent dans les tissus avoisinants (granulomes) ou sont parfois embolisés à distance.
La longévité de S. haematobium est de plus de 10 ans. L’Homme est le seul réservoir du parasite. Les hôtes intermédiaires sont des mollusques appartenant le plus souvent aux genres Bulinus et Physopsis.
La schistosomose à S. haematobium sévit dans toute l’Afrique, à Madagascar (côte ouest) et à l’île Maurice. Il existe quelques foyers sur le pourtour du bassin méditerranéen (Maghreb) et au Proche-Orient (figure 20.2). Un foyer a été découvert en 2011–2012 dans le sud de la Corse et il est actuellement bien circonscrit (2015).
Schistosoma mansoni est l’agent de la schistosomose intestinale et, parfois, hépatosplénique.
Les schistosomes adultes migrent vers les plexus veineux mésentériques inférieurs. La ponte a donc surtout lieu dans la paroi intestinale, mais souvent les œufs à éperon latéral s’embolisent dans le foie ou la rate. La longévité des adultes est de plus de 10 ans. L’Homme est le principal, mais pas l’unique, réservoir du parasite : une trentaine d’espèces animales (rongeurs) ont été trouvées spontanément infestées. Les hôtes intermédiaires sont des planorbes, mollusques appartenant à divers genres et espèces.
La schistosomose à S. mansoni est la plus répandue dans le monde. Son extension est très importante en Afrique tropicale. On la retrouve sur la côte est de Madagascar. Elle est la seule schistosomose américaine. Elle touche les Antilles et l’Amérique du Sud mais respecte l’Asie, sauf la péninsule arabique (figure 20.3).
Espèce la plus pathogène, S. japonicum détermine la redoutable schistosomose artérioveineuse. Chez l’Homme, les adultes vivent essentiellement dans les plexus veineux mésentériques supérieurs, mais des couples erratiques peuvent atteindre les artères pulmonaires. La ponte est particulièrement abondante. La longévité des adultes ne dépasse guère 5 ans. Ce ver détermine une zoonose qui affecte l’Homme et de très nombreux animaux sauvages et domestiques. Les hôtes intermédiaires, mollusques amphibies, sont des Oncomelania.
La schistosomose à S. japonicum est strictement asiatique. Elle sévit en Chine, à Taïwan, aux Philippines, aux Célèbes (Sulawesi). Éradiquée du Japon, elle ne garde de ce pays que le nom.
Schistosoma mekongi est également très pathogène, strictement asiatique et de morphologie semblable à S. japonicum. Son hôte intermédiaire est un mollusque : Tricula aperta, plus petit que les Oncomelania et ne survivant pas à la sécheresse. Il existe des foyers limités en Thaïlande, aux confins du Laos et du Cambodge (le long du Mékong).
Agents de la schistosomose rectale, S. intercalatum et S. guineensis, très proches morphologiquement mais de répartitions géographiques différentes, sont assez mal adaptés à l’Homme. Les vers adultes vivent essentiellement dans les plexus veineux péri-rectaux. Leur longévité est mal connue. L’hôte intermédiaire est un bulin. Ces deux schistosomoses sont uniquement africaines, sévissant en Afrique équatoriale de l’Ouest : République démocratique du Congo pour S. intercalatum ; République centrafricaine, République populaire du Congo, Guinée équatoriale, Cameroun, Gabon, Nigeria, Angola, Tchad et Sao Tomé pour S. guineensis (figure 20.4).
Il est identique dans ses grandes lignes pour les six espèces, nécessitant l’intervention obligatoire d’un hôte intermédiaire, mollusque d’eau douce (figure 20.5).
Les femelles, localisées selon l’espèce dans les fines ramifications veineuses de l’intestin ou de la vessie, pondent leurs œufs qui, par effraction, tombent dans la cavité de l’organe et sont éliminés par les selles (S. mansoni, S. japonicum, S. mekongi, S. intercalatum, S. guineensis) ou les urines (S. haematobium).
Si les œufs sont embolisés dans les tissus, on les retrouve fixés et calcifiés en coupe histologique entourés d’un granulome éosinophile. Si, en revanche, les œufs sont excrétés dans le milieu extérieur et si les conditions sont favorables (eau douce, pH voisin de la neutralité et température comprise entre 18 °C et 33 °C), ils libèrent une forme larvaire ciliée : le miracidium — dont la durée de vie est courte : quelques heures — qui doit nager à la recherche du mollusque hôte intermédiaire spécifique de l’espèce de schistosome (figure 20.6).
Lorsque la température est adéquate (30 °C), l’évolution larvaire chez le mollusque dure 1 mois. Le mollusque excrète la forme larvaire infectante : la cercaire. Par phénomène de polyembryonnie, un miracidium donne des milliers de cercaires. Celles-ci, très mobiles dans l’eau douce, mesurent 0,5 mm et possèdent une « queue » bifide ou fourchue (furcocercaire) (figure 20.7).
La contamination de l’Homme s’effectue à l’occasion d’un bain en eau douce, même bref (moins de 10 minutes). La durée de survie des furcocercaires est courte (quelques heures) ; celles-ci sont attirées par chimiotactisme et pénètrent au travers des téguments de toute partie immergée de l’hôte définitif.
Au moment où la furcocercaire pénètre, elle se sépare de sa « queue » et la partie antérieure, ou schistosomule, migre vers les vaisseaux portes intrahépatiques où il devient adulte en 2 à 3 mois.
Après l’accouplement, les vers remontent la circulation porte à contre-courant. Les femelles fécondées se séparent alors des mâles et s’engagent, selon un tropisme particulier à chaque espèce, dans les fines ramifications viscérales d’un plexus veineux déterminé où elles pondent leurs œufs.