Introduction

L’amœbose (amibiase) est causée par un protozoaire unicellulaire du genre Entamoeba qui infecte le côlon de l’Homme. Ce genre comporte de nombreuses espèces d’amibes. Au moins six d’entre elles peuvent être hébergées dans l’intestin de l’Homme. Une seule, Entamoeba histolytica, capable d’envahir les tissus, est considérée comme pathogène. On distingue l’amœbose intestinale, souvent purement intraluminale, de l’amœbose tissulaire, principalement hépatique, avec des amibes ayant envahi d’autres viscères. Le point d’entrée habituel des amibes dans l’organisme est la voie orale. Elle est l’une des trois principales maladies parasitaires responsables de morbidité dans le monde (après le paludisme et la bilharziose). La symptomatologie est due à l’invasion des tissus par les trophozoïtes, ou « formes végétatives » ; la dissémination est réalisée par les kystes résistants qui contaminent le milieu extérieur (péril fécal). Sa gravité est causée par le pouvoir pathogène spécifique du parasite et sa capacité à diffuser dans les tissus, en particulier le foie. L’infection est plus fréquente chez les enfants et essentiellement dans les pays avec un faible niveau d’équipement pour l’hygiène collective (pays peu industrialisés). Dans les pays industrialisés, elle touche essentiellement les voyageurs en provenance d’une zone à forte prévalence pour la maladie. Des confusions sont fréquentes, en microscopie optique, avec les autres amibes parasites de l’Homme, en particulier avec Entamoeba dispar. L’identification de l’agent pathogène par les biologistes est indispensable pour mettre en route le traitement spécifique. Les enquêtes récentes montrent que, presque partout dans le monde, la présence de ces deux espèces dans le tube digestif de l’Homme est peu fréquente et que E. dispar est davantage isolée que E. histolytica.

1  -  Épidémiologie

L’épidémiologie de l’amœbose a été bouleversée en 1997 avec la reconnaissance de l’espèce Entamoeba dispar confondue en microscopie optique avec Entamoeba histolytica. On estime actuellement que plusieurs centaines de millions de personnes sont colonisées par E. dispar (non pathogène) ; un pourcentage faible d’entre elles (1 % à 20 % selon les enquêtes) est porteur d’E. histolytica. E. histolytica est responsable d’un nombre important d’épisodes dysentériques et d’une mortalité estimée entre 40 000 et 100 000 personnes par an, ce qui place l’amœbose au deuxième rang en termes de mortalité après le paludisme. L’amœbose apparaît en régression dans de nombreux pays, alors qu’elle semble garder une prévalence élevée dans d’autres. Elle reste un véritable problème de santé publique en Amérique centrale, dans certaines régions d’Amérique du Sud, en Inde, en Afrique du Sud, en Égypte et dans les régions tropicales du continent africain. Les enfants et les femmes enceintes constituent des groupes à haut risque. Dans les zones à forte transmission, un état d’immunité relative s’installe et les porteurs asymptomatiques favorisent la dissémination du parasite du fait de la grande résistance des kystes dans le milieu extérieur (péril fécal) et de la possibilité de transmission par les mains sales. Ainsi, en zone de forte transmission, l’épidémiologie et la distribution des cas seraient très liées à la prévalence de l’infection et aux conditions sanitaires et sociales (niveau d’hygiène collective faible, bidonvilles, milieu rural pauvre où les excréments humains peuvent être souvent utilisés comme engrais) avec un retentissement important dans les classes d’âge les plus jeunes ; mais le facteur climatique n’est pas déterminant.

Les cas diagnostiqués en Europe, au Japon et en Amérique du Nord surviennent le plus souvent chez des migrants et des voyageurs en provenance des zones d’endémie. Ils surviendraient également de façon préférentielle chez les homosexuels (transmission directe lors des pratiques sexuelles oro-anales) et les sujets institutionnalisés vivant dans des structures d’hébergement collectif (transmission directe par les mains sales). Dans la population des homosexuels masculins européens et nord-américains, on estime, en lien avec les pratiques sexuelles, entre 20 et 30 % le nombre de porteurs de kystes d’E. histolytica/E. dispar. En dehors de cette situation, le portage intestinal d’E. histolytica/E. dispar apparaît rare (moins de 5 % de porteurs d’amibes, moins de 1 % en France) et l’infection par E. histolytica exceptionnelle (moins de 10 % d’E. histolytica parmi les porteurs), même chez les voyageurs ou chez les sujets originaires de pays réputés à forte prévalence pour E. histolytica.

L’amœbose intestinale affecte des patients de tous âges. L’amœbose hépatique est beaucoup plus fréquente chez les hommes entre 18 ans et 50 ans. Les patients immunodéprimés ne sont pas à risque particulier pour l’amœbose et ne font pas plus de formes symptomatiques que le reste de la population.

1 . 1  -  Agent pathogène

Les amibes sont des protozoaires du groupe des Rhizopodes. Entamoeba histolytica existe sous une forme végétative (FV), ou trophozoïte, et sous une forme kystique.

1 . 1 . 1  -  Trophozoïtes

Les trophozoïtes (figure 1.1) ont une taille de 20 μm à 40 μm, sont mobiles et se multiplient dans la lumière colique. Ils émettent des pseudopodes qui leur permettent de se déplacer et de phagocyter des bactéries, des particules alimentaires et des hématies.

Fig. 1.1 Selles : Entamoeba histolytica, forme végétative hématophage (état frais ; 20–40 μm)
Fig. 1.1 Selles : Entamoeba histolytica, forme végétative hématophage (état frais ; 20–40 μm).

Ils peuvent provoquer des lésions de la paroi intestinale grâce à leur pouvoir pathogène (facteurs d’adhérence, enzymes protéolytiques, cytolyse) et sont donc responsables d’ulcérations de la paroi colique, d’envahissement pariétal et de dissémination par voie sanguine.

Leur multiplication est rapide mais les trophozoïtes sont fragiles. Ils sont rapidement détruits dans le milieu extérieur (30 à 180 minutes) et on ne les retrouve que dans les selles diarrhéiques fraîchement émises.

1 . 1 . 2  -  Formes kystiques

Les kystes (figure 1.2) sont sphériques, de 10 μm à 15 μm de diamètre et entourés d’une coque rigide. Ils sont éliminés dans les selles des malades et des porteurs sains et sont très résistants dans le milieu extérieur. Les kystes sont la forme de dissémination de la maladie. Dans le milieu extérieur, ces kystes ont une durée de survie variable en fonction de l’humidité et de la température : une dizaine de jours dans le sol humide à 18 °C, 3 mois dans l’eau à 4 °C. La chaleur (50 °C) et la dessiccation les tuent mais ils résistent bien aux faibles concentrations d’eau de Javel.

Fig. 1.2 Selles : Entamoeba histolytica/E. dispar, kyste (MIF ; 10–15 μm)
Fig. 1.2 Selles : Entamoeba histolytica/E. dispar, kyste (MIF ; 10–15 μm).

1 . 2  -  Cycle

L’Homme se contamine par ingestion de kystes (figure 1.3), qui se transforment en trophozoïtes dans le côlon sous l’action des sucs digestifs. Ce stade reste intraluminal et se reproduit par scissiparité. Ces trophozoïtes se transforment en kyste lors de la constitution du bol fécal. Dans certaines circonstances, certains trophozoïtes peuvent devenir histolytiques : ils pénètrent dans la paroi colique en détruisant les tissus (amœbose intestinale aiguë). C’est alors que, par voie hématogène, ils peuvent gagner différents organes, le foie en premier lieu, puis éventuellement le poumon, le cerveau… (amœbose tissulaire).

Fig. 1.3 Cycle évolutif d’Entamoeba histolytica
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